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samedi 27 août 2022

De fin à faim d’histoire 5

 Vagabondage diplomatique

 


 

Au  vu de la situation du pays, tout diplomate lucide est censé être tenté d'appeler d'urgence à ce que l'on ne se laisse pas aller à envenimer les choses, calmer le jeu tant qu'il est encore temps au lieu de jeter de l'huile sur le feu. Car il est forcé de commenter  sévèrement la plus récente initiative présidentielle en matière de politique étrangère, à l'occasion du sommet TICAD 8, impliquant nos voisins immédiats, comme étant pire qu’une faute, une erreur.

La faute étant une erreur assumée, ce qui est manifestement le cas de l’initiative présidentielle donnant l'impression d'un alignement sur l’Algérie à propos de la question du Polisario, ce qui n'est point le cas tel que rappelé d'ailleurs, par la suite, par le président de la République. Pour notre part, nous préférons estimer ce qui s'était passé être plutôt une erreur de protocole, ou même au sens étymologique latin du mot errare signifiant vagabonder : avancer au hasard, errer, se déplacer continuellement, aller d’une chose à l’autre.

La réception officielle du représentant du Polisario lors d'un sommet économique destiné à renforcer les liens entre les pays du continent relève bien d’un vagabondage diplomatique qui ne serait même pas initiatique pour quelqu’un qui n’et pas de la carrière diplomatique ou né diplomate, puisque le titulaire de la fonction est bien un enfant du ministère des Affaires étrangères, collègue  même du temps de l’âge d’or de Nord Hilton (surnom du ministère).

Car une telle initiative impromptue, bien mal soupesée, apparemment dictée par une appréciation contingente et même dogmatique sinon superficielle de la conjoncture, au milieu des événements vécus par le pays, heurte pour le moins les fondements mêmes de la diplomatie de ce dernier.

Certes, les fondements peuvent être appelés à être revus, et la loi sociologique toujours vérifiée est que l’on n’hésite point à violer ses propres valeurs d’une vie si son salut est en cause. Est-ce la raison de cette initiative malvenue ?

Bien qu’ayant l’air d’une décision mûrement réfléchie et dont les retombées auraient été analysées, elle semble être, au mieux, l'oeuvre de voyageur sans itinéraire ni repères ni but, s’en remettant à sa bonne étoile et au hasard qu’il veut croire objectif à la manière des surréalistes, ou encore plus salvateur, en faisant une sérendipité selon les enseignements de la sociologie compréhensive, soit une découverte heureuse totalement inattendue et d’importance capitale alors qu’on cherchait autre chose.

Ainsi, au mieux, la Tunisie continue d'évoluer sur ce que Heidegger nomme Holzwege : chemins qui ne mènent nulle part, qui ne sont pas moins, d’après ce philosophe, des chemins passants, seule  voie même permettant de trouver son chemin dans le labyrinthe où il se trouve. Ce qui n'est encore rien qu'un vagabondage, mais bel et bien osé et voulu initiatique, seules l’intuition et la foi en un tel acte semblant compter. Après tout, nombre de découvertes scientifiques ont bien été faites par sérendipité, pourrait-on dire !   

Assurément, cela relève du surréalisme et la Tunisie est bel et bien éminemment surréaliste actuellement. Ce qui n’est pas pour étonner, le pays étant, comme je le dis, une forme basique de la postmodernité qui est, entre autres, l’âge des sens en émoi et de la floraison des oxymorons, ces contraires qui ne s’opposent plus ni ne se contredisent, mais se rejoignent et se prolongent. Et c’est bien le propre de la contradictorialité et la pensée complexe du centenaire Edgar Morin, incontournables de nos jours.

Toutefois, cela suppose que l’on soit assez conscient de ce que l’on fait afin de ne pas relever du simple situationnisme, soit juste une poésie de rue, alors que celle-ci est ici le vaste monde avec des aires géostratégiques où il n’est point place justement à la poésie, même payée à fort prix. De plus, l'on sait que le situationnisme ne fut que ce mouvement des années 1960, certes d’avant-garde, mais juste actif dans le milieu universitaire, avec une absence flagrante chez le commun des mortels. Ce qui est le cas de nos dirigeants supposés pourtant incarner le peuple et prétendant parler en son nom, réaliser sa volonté. On a bien vu à quel point le référendum présidentiel a eu un prétendu succès auprès d'une majorité absentéiste des masses indifférentes !

C'est que la majorité des Tunisiens ne se retrouve pas dans l’action des responsables du pays, continuant à se comporter en autistes par rapport à ce qui compte vraiment à leurs yeux : leur vie devenue impossible au jour le jour, situation aggravée par l'absence de leurs droits basiques et de leurs libertés réelles et effectives. Doit-on rappeler que le pays est toujours géré par des lois scélérates d’une dictature supposée déchue, mais dont les pratiques, pour le moins, sont toujours de rigueur chez les agents de sécurité, loin encore d’être conscients devoir constituer une police républicaine ? N'a-on pas vu récemment, à la veille même de la tenue du sommet TICAD 8, un étalage éloquent, des mauvais réflexes d'antan bien plus soucieux de l'image artificielle que de la réalité des choses vécues ?   

Aussi y a-t-il éminente nécessité d’éviter d’envenimer les choses avec le Maroc et se retenir à tout prix de vouloir choisir la fuite en avant ; cela va bien moins dans le sens des intérêts du peuple tunisien que ceux des puissances régionales. Et celles-ci se soucient comme d’une guigne des intérêts du peuple de Tunisie par rapport à leurs objectifs particuliers au vu de leurs propres stratégies géopolitiques.

Au moment où se réunit un sommet économique visant à assurer un relèvement économique qui ne saurait advenir dans un climat de tension, le perdant principal ne sera que le peuple d’une Tunisie toujours martyre, instrumentalisée au service des ambitions des uns et des autres, alors qu'elle a vocation à consolider ses acquis démocratiques et à parachever son modèle sui generis de développement tous azimuts, notamment politique économique et culturel  

Ce qui, pour revenir à sa diplomatie, impose de mettre fin au calvaire actuel de son peuple, non seulement en revenant à la pratique diplomatique d'équilibre instable qu'elle connaît si bien, mais aussi et surtout à ce que je qualifie de diplomatie de gai savoir où l’on ne s’embarrasse point d’académisme stérile, se gardant de verser dans le dogmatisme et le lyrisme, ne pensant qu'à la réception de son action par son peuple en premier, dans ses larges masses taciturnes et non seulement sa frange minoritaire qui se fait entendre. Ainsi servira-t-on réellement la souveraineté de son peuple en préservant ses acquis en termes de droits et de libertés en un monde livré aux abus de supposés seigneurs saigneurs, du plus fort au plus fou.

Ce qui suppose de mieux apprécier les qualités cognitives de ce peuple en cessant de ne faire que le gaver de slogans stériles et de faussetés, car il est par trop conscient de la nécessité d’arrêter de tirer des plans sur la comète et d’oser parler de ce qu'on tient toujours à taire, pour enfin y agir. En effet, l’ère des tabous est bien révolue dans l’esprit du peuple dont l’imaginaire, et même l’inconscient, sont bel et bien libertaires. 

C’est ce qu’enseigne la sociologie de terrain que je pratique ; et c’est la seule voix à avoir pour une voie sûre d’avenir emportant le moins de périls pour que notre patrie, qui le mérite amplement, redevienne re-belle. 

Tribune très légèrement modifiée
publiée sur Réalités et sur Réalités Magazine
n° 1912 du 2 au 8/9/ 2022, p. 14