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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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samedi 23 juillet 2022

Un i-slam de Nouvelles Lumières 9

Est-ce le retour de l’islam politique en Tunisie ?

 

 

 

Avec le référendum du 25 juillet sur la version estampillée du credo politico-religieux du président de la République se pose de nouveau en Tunisie  l’épineuse problématique de l’islam politique au pouvoir.

En effet, nul n’ignore plus le credo présidentiel à la fois radical en termes de rejet de la démocratie formelle ou formaliste, tel qu’elle s’est imposée en Occident, et attaché à une lecture formaliste de l’islam. Celle validant chez lui l’essentiel de ce qui nie la dimension culturelle de cette foi de par ses visées, rejetant son essence en tant que religion de  droits et de libertés.

C’est ce que laisse entrevoir la version finale de la Constitution, reniée par les architectes mêmes de la dynamique du référendum, et même de toute l’initiative présidentielle du 25 juillet 2021, du moins sous son aspect juridique, une fois le feu vert sécuritaire acquis.  D’après l’un d’eux, M. Amine Mahfoudh, c’est même la pire version d’un tel islam. Ce qui est vrai et faux à la fois, le texte constitutionnel ayant une double facette, étant une sorte de Janus textuel.

Il ne reste pas moins que l’attitude cavalière, pour le moins, du président de la République à l’égard de ses plus proches soutiens à la mise sur pied la réforme constitutionnelle, ne laisse entrevoir que le pire des scénarii. Celui qui confirme les appréhensions de qui se présente en moderniste, notamment parmi les tenants de l’expertise juridique en vigueur.

Or, comme on le dira infra, elle n’est pas non plus sans reproche, pêchant par excès de formalisme et un certain dogmatisme antireligieux. Ce qui importe aux yeux de ses tenants est une certaine vision de la laïcité, soit rétive au moindre sentiment religieux. Et ce n'est, au vrai, que du laïcisme, une caricature du fait d’être, étymologiquement, commun au peuple (laicus : du peuple). Ce qui revient à être contre le peuple, car qui nierait qu'il est fortement imprégné de religion, et bien plus de spiritualité ?

De la part de nos intellectuels et des élites modernes ou modernistes, leur attitude systématiquement antireligieuse est bien à la mesure du dogmatisme des élites fondamentalistes et des proreligieux qui ne sont, plus exactement, que proreligiosité ; ce qui n’a rien à voir avec la spiritualité. Pourtant, c’est la veine jugulaire même de l’islam, une spiritualité saine et donc libertaire ; du moins selon ma lecture se voulant conforme à l'esprit authentique de cette foi venue en révolution mentale.       

 

Scénario du pire  

La Constitution proposée au peuple est taillée sur mesure pour les ambitions d’un président de la République les justifiant par sa légitimité électorale et son intégrité morale que personne ne lui renie. Toutefois, les plus sincères de ses contradicteurs ne sont pas obligés de le croire sur parole quand il affirme avoir besoin de pleins pouvoirs afin de réussir sa mission de salubrité publique, particulièrement de lutte contre la corruption infiltrée dans le moindre rouage d’un État en déliquescence.

Certes, M. Saïed est en droit de le vouloir, arguant de ses intentions, de l'état dub pays, mais son profil d’honnête homme y suffit-il, surtout quand la politique est pratiquée sans ses lettres de noblesse ainsi que c’est toujours le cas en Tunisie ? Au demeurant, n’est-ce pas également sa propre pratique, bien loin de la politique éthique à laquelle j'appelle, la poléthique ? Car sinon comment qualifier le désaveu cinglant apporté à la confiance absolue de ses anciens plus proches collaborateurs, MM Belaïd et Mahfoudh ? N'est-ce pas contraire à la plus basique morale ?

N'est-ce pas, par ailleurs, confirmé par le climat délétère dans le pays, marqué par le maintien de ce qui est resté incrusté dans la mentalité des sécuritaires en termes de violations des droits humains élémentaires, ces abus hérités de la dictature et qui ne peuvent disparaître comme par enchantement. Il est vrai, la Tunisie est en péril et ses ennemis ne sont pas les derniers à ne pas légitimer les bavures ; mais a-t-on pour le moins pensé à délégitimer, pour le principe, les lois scélérates qui permettent de tels excès, ces mêmes lois qui ont fait la dictature et lui ont permis de durer ? D’autant mieux qu’elles sont la première et plus criante négation de la souveraineté du peuple dont M. Saïed ne cesse de parler, en faisant la base même de son action.

D’un simple point de vue de logique éthique, mais aussi juridique, comment demander au peuple de dire oui à un texte constitutionnel supposé lui garantir sa dignité, ses droits et ses libertés quand ce peuple est encore asservi par les lois de l’ancien régime et qu’on n’a nulle intention d’abolir ? Sinon, pourquoi ne pas les avoir gelés pour le moins ou s'être engagé à le faire ? N'agit-on pas alors de la même manière que les politiciens vilipendés du pays, qu'on ne cesse d'envoyer aux gémonies ?

Rappelons que la Constitution qu’on tient à remplacer par une nouvelle supposée être plus respectueuse de la souveraineté populaire contenait aussi des droits et des libertés au peuple ; mais ces dispositions sont restées lettre morte. Ainsi en ira-t-il de celles supposées garantir la souveraineté populaire dans la nouvelle si elle est adoptée et ce tant qu’on n’aura par avance aboli - ou du moins délégitimé - les lois de la dictature qu’on applique tous les jours à brimer ce même peuple voulu souverain.

Aussi, avec un président de la République ayant tous les pouvoirs, et même bien plus que l’ancien dictateur, la nouvelle Constitution ne fera la Tunisie que renouer avec son régime d’autant que ce qui avait fait son existence même, ses lois, sont toujours en vigueur et qu’on ne semble avoir aucune envie de les abolir, sous prétexte sécuritaire en apparence.

Ce qui étonne, cependant, c'est qu'un tel aspect essentiel en termes de saine logique méthodologique juridique et éthique est tout autant le dernier souci des zélateurs du oui au référendum que de ses contempteurs qui jugent liberticide le texte de la nouvelle Constitution. En effet, au lieu de commencer par dénoncer une telle impéritie de nature à prouver la duplicité des tenants d’une souveraineté populaire réduite à néant, ils se focalisent sur le péril que fait encourir aux droits et libertés les dispositions du projet constitutionnel, ceux ayant trait notamment à la religion de la majorité du peuple tunisien.

De la sorte, ils se révèlent aussi dogmatiques que les aficionados du président, leur vision de l’islam comme épouvantail liberticide les empêchant de le voir autrement qu’une religion policière, comme l’interprètent ses intégristes, y compris la lecture qu’en fait M. Saïed, alors qu’elle ne l’est pas nécessairement, étant dans d'autres lectures, comme celle que je fais, une foi policée, une religion de droits et de libertés.  

C’est toute la différence entre la religiosité qui n’est pas l’islam authentique bien que dominant chez les uns et les autres, ne faisant qu'aligner l’islam sur la tradition judéo-chrétienne, et la spiritualité qui n'est rien d'autre que sa veine première, son essence originelle, la substantifique moelle en faisant une foi de droits, de libertés ; ce qui est ma lecture et ce que je démontre qui plus est.                       

 

Scénario du meilleur 

Je ne suis pas le seul à croire que l’islam n’est pas et ne doit pas être ce qu’il est aujourd’hui, étant obsolète le legs qui nous en est resté, dont également ce qui est supposé être une exégèse modérée. L'islam officiel que nous honorons de nos jours n’est plus, pour l'essentiel, qu’une caricature de cette foi, issue particulièrement de l’esprit fondamentaliste qui a dominé dès la fin de sa brillante civilisation universelle.

Certes, aux pires moments de l’impérialisme, l'esprit intégriste dit salafi a permis à cette religion de ne pas disparaître, procédant à une sorte d’invagination sur l’essentiel, ayant réussi à en préserver l'essentiel. Or, un tel esprit utile et salvateur en son temps, celui de la soumission et des périls, n’est plus de rigueur de nos jours que la foi est bien incrustée dans les cours. Par conséquent, il doit être réévalué, critiqué même, au vu des visées mêmes de l’islam, non pas celles que nous avons héritées, mais les visées de la foi originelle en tant que spiritualité. Venue en esprit révolutionnaire, elle garantissait au fidèle ses plus basiques droits et la moindre de ses libertés dans un rapport direct où il ne se soumet exclusivement à son créateur que parce qu’il est une créature libre, dotée de tous ses droits.  D'où sa dignité.

C’est bien ainsi qu’on pourrait interpréter la référence aux visées de l’islam contenue dans le projet de la Constitution d’une Nouvelle République qui serait alors celle de la réouverture de l’effort d’interprétation d'une religion aujourd’hui sclérosée. Or, qui nierait que l’ijtihad est incontournable en islam où il n’existe ni clergé ni ces supposés porte-parole d’Allah que sont devenus les imams chez nous, comme s’ils adhéraient tous à l’hérésie chiite ?

De fait, ils ne font que réintroduire les idoles détruites en islam ; et elles sont morales de nos jours, sous la forme des sachants habilités seuls à dire le vrai en islam. Pourtant, ils n'ignorent point que seul Dieu sait et que la vérité n’appartient qu’à lui; le fidèle ne pouvant que s’orienter vers elle, s’en rapprocher, mais jamais l’atteindre. C'est pour cela que je propose de l’écrire « vers-ité » ; et ainsi est-elle scientifique, la vérité scientifique étant celle qui est susceptible de contestation, pouvant changer par l’advenue d’un fait polémique prouvant sa fausseté. Faut-il en administrer la preuve ; et c’est cela qui fait la science, sa démarche rigoureuse et objective.

Or, les préceptes de l’islam sont voulus être scientifiques et éternel, pour toute l’humanité. Ce qui impose une sorte de veille axiologique en vue de veiller à réinterpréter tout ce qui viendrait à contredire ses visées de droits et de libertés garantis à ses fidèles. Par exemple, la parfaite égalité entre croyants et croyantes, y compris et surtout en matière d’héritage, la liberté d’apostasier, le droit à boire de l’alcool en veillant juste à ne pas s’enivrer, le droit des adultes majeurs d'avoir des relations sexuelles à leur guise, sans nulle discrimination de genre qui, bien qu’elle  n’existe pas dans le Coran, s’est imposée en islam après avoir été importée de la Bible où elle existe bel et bien.  

Bien évidemment s'y refusent encore et toujours ces rabbins de l’islam, les cheikhs et imams autoproclamés interprètes de Dieu sur terre, réservant le droit d’interpréter la religion à une caste de supposés savants en sciences religieuses. Ne savent-ils plus que ce droit en islam est acquis à tout musulman pour peu qu’il apporte la preuve d’une connaissance suffisante de sa religion, de la langue arabe et surtout de sa bonne foi, pierre de touche de la foi musulmane ?

On l'aura compris, retrouver la religion d'origine suppose de faire retrouver à l'islam sa nature de foi culturelle avant d'être cultuelle. Ce qui impose de ne plus accepter le fiqh actuel que sous bénéfice d'inventaire, le toilettant de tout ce qui s'y est infiltré de la tradition judaïque et chrétienne à la faveur des jurisconsultes convertis, la plupart sinon tous les savants religieux majeurs d'islam n'étant pas arabes d'origine, ayant un imaginaire qui était resté marqué par leurs traditions religieuses d'origine fort répandues à l'époque et constituant l'étalon religieux. Nonobstant, l'islam était venu en rupture avec nombre de préceptes de ces deux Écritures saintes monothéistes, réhabilitant la veine commune abrahamique.     

Si les dispositions de la Constitution en passe d’être adoptée sont interprétées dans ce sens d’ijtihad à reprendre et de jurisprudence musulmane à confronter aux visées de la foi afin de la conformer à l’islam premier, celui des droits et des libertés, alors il n’y aura aucun mal à la démocratie souhaitée dans le pays. Elles ne feront que l'y renforcer en réhabilitant la religion populaire majoritaire, la faisant enfin passser de la religiosité où elle a été rabaissée à son standing de spiritualité de haute facture.

Il en ira de même pour le projet de réforme de la théorie de l’État démocratique cher à M. Saëd afin de fonder en Tunisie une postdémocratie, soit une réelle démocratie, celle de citoyennes et citoyens dignes, ayant leurs moindres droits et libertés, donc souverains aussi. Ce ne sera alors plus ce ue j'ai appelée daimoncratie (ou démoncratie) actuellement en vigueur, en Occident y compris, et qui n’est que le pouvoir des démons et diables d’une politique politicienne, une manière périmée de faire la politique qui est désormais poléthique, selon mon néologisme.

L’idée d’un contrat de mission liant l’élu à ses électeurs, contrat résiliable en cas de manquement au devoir de représentation, outre l’émanation du parlement des assemblées populaires élues selon ce schéma ont déjà fait de ma part l'objet de développements circonstanciés dans ma trilogie L'Exception Tunisie dont le premier tome est paru en 2016 chez Arabesques, à Tunis; c’est ce que je nomme compétensuelle. Il n’est donc pas besoin d’y revenir ici, m'honorant que le président de la République ait repris mes idées.

Toutefois, dois-je rappeler qu'elles ne sont que des éléments d'une pensée d'ensemble se vouant le noyau d’une démocratie devant être aussi démopraxie dans une Tunisie vraiment Nouvelle République tel que j’en ai osé rêver dès 2011 y dédiant même un blog toujours en activité.   

Au final, si retour de l'islam politique il y aura en Tunisie avec l'adoption de la Constitution de M. Kaïs Saïed, et du fait de l'aspect januséen précité, elle serait selon son application soit le pire soit le meilleur pour le pays. Le pire de l'islam politique, cette caricature combinée de la religion qui n'est que religiosité et de la politique qui n'est que politicaillerie. Le meilleur de l'islam politique du fait de son essence politique basique, étant une foi et une politique pour la cité tout à la foi.

Mais il ne s'agit - ne faut-il pas s'y tromper - que de la politique en sens sens noble, étymologique et conforme à l'éthique musulmane en tant que culture : la meilleure gestion possible de la cité au vu des valeurs auxquelles renvoie les visées de la foi d'islam comme culture universelle des droits et des libertés citoyens universellement admis. C'est en cela que se justifie la vocation de l'islam en sa qualité d'Ultime testament, sceau des Écritures, et sa prétention à l'éternité et à l'universalité.