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dimanche 12 juin 2022

De fin à faim d’histoire 2

 Ces vers élevés dans le fruit Tunisie

 


Ayant été parmi les premiers sinon le premier dès 2011 à appeler à une Nouvelle République, au moment où nos élites ne faisaient que disserter sur une hypothétique seconde puis troisième république, y dédiant un blog (Tunisie Nouvelle République) où je mène une réflexion lucide sur la supposée révolution tunisienne, qualifiée de coup du peuple.

C'est ce qu'aurait été au mieux ce coup d'État déguisé, un coup du peuple finalement avorté. En effet, la révolution tunisienne ne fut rien d'autre qu'un pronunciamiento supposé issu de la volonté populaire qui y a adhéré espérant voir enfin satisfaits ses espoirs de se libérer de l'ordre scélérat de la dictature. Il n'en fut rien, cet ordre ayant été minutieusement préservé, aucun des textes juridiques liberticides, scélérats même, asservissant quotidiennement les masses n'ayant été supprimé.   

Aussi la réaction populaire a-t-elle été favorable à l'initiative présidentielle de la nuit du 25 juillet 2021, ce que ses contempteurs qualifient de coup de force et ce qu'elle aura finalement été puisqu'elle n'a pas différé du coup du peuple avorté de 2011. Car elle a manqué d'être ce à quoi j'ai appelé le président de la République, soit un contrecoup du peuple réalisant enfin ce que les supposés révolutionnaires n'ont point fait en 2011 ne dotant pas leur propre coup de sa justification demeurée pure illusion.

Or, ni le coup de 2011 ni son contrecoup dix ans après n'ont daigné satisfaire aux exigences pressantes, si évidentes du peuple: l'accès enfin à ses droits et ses libertés par l'abolition ou la suspension de l'ordre juridique et judiciaire de la dictature qui - suprême ignominie - date aussi du protectorat. Pourtant, les hérauts du 25 juillet, ne cessent d'entonner l'hymne de la souveraineté populaire ; y a-t-il plus énorme mystification ?

 

Ver dans la gouvernance du pays

À ce jour, le peuple est asservi par les lois, décrets et circulaires ayant permis la mainmise de la dictature sur les moindres manifestations de sa vie. Que font nos élites supposées agir à restaurer son pouvoir et sa dignité, en un mot sa souveraineté ? Du côté du pouvoir, comme dans les rangs de ses opposants les plus virulents, elles s'adonnent à qui mieux mieux à des arguties juridiques, ne faisant que tirer des plans sur une comète démocratie qui n'est guère plus qu'une démoncratie (daimoncratie), pouvoir des démons de la politique politicienne.

L'ordre juridique actuel, issu pour l'essentiel d'un Code pénal datant de la colonisation, déjà tyrannique, aggravé par les dérives machiavéliques des régimes qui se sont succédé dans le pays. On en mesure les méfaits dans la vie quotidienne des citoyens, sujets asservis au bon vouloir des autorités chargées d'appliquer de scélérats textes. D'où la honte inqualifiable pour nos sommités juridiques de ne pas se soucier en premier du gel pour le moins - à défaut de l'abolition pure et simple - des pans les plus scabreux et scandaleux de tel ordre de la dictature et du colonisateur.

C'est bien l'impératif catégorique absolu dans le pays, qui s'impose d'autant mieux à sa classe politique, si du moins ses intentions sont sincères, qu'elle ne cesse d'évoquer la souveraineté populaire. Que serait-elle  donc si l'on n'ose pas libérer le peuple du joug de l'arsenal répressif à la source de tous ces abus qu'on affirme combattre ? Certes, on avance des arguties juridiques issues du plus dogmatique des juridisme et formalisme stériles pour se dédouaner, apaiser une conscience qui ne doit pas être tranquille pour les plus sincères parmi eux, rien ne pouvant justifier un tel manquement au devoir éthique et à la logique juridique outre la bonne gouvernance politique.

N'a-t-on pas vu le président de la République, désormais détenteur de tous les pouvoirs, ne pas hésiter à chahuter des fondements juridiques quasiment sacrés, s'attaquant à des instances réputées indépendantes, révoquant des juges ? Que n'a-t-il plutôt commencé par suspendre les lois illégales et illégitimes à la base d'une condition citoyenne serve ? C'est bien un tel droit liberticide de la dictature qui permet à son esprit de perdurer au travers de pratiques honnies que les plus patriotes dans les rangs de nos forces de l'ordre réprouvent forcément, car ternissant leur compréhension de l'ordre républicain : juste, intègre, invariablement au service de tous les citoyens nécessairement dignes et donc libres.

 

Ver dans la foi majoritaire du pays

C'est à ce ver nocif, que d'aucuns cultivent dans le fruit Tunisie, qu'il importe de s'attaquer en premier si l'on veut sincèrement lutter avec succès contre la corruption. C'est que les responsables administratifs et les juges qu'on révoque pour manquement à leurs devoirs ne font généralement qu'appliquer de tels textes juridiques injustes au lieu de les contester, refuser leur application au nom de la suprématie du droit, la loi suprême qu'est la Constitution. Or, elle a consacré des droits et des libertés restés lettre morte, contredits par des textes inférieurs s'appliquant envers et contre toute bonne logique et morale juridique.

Ainsi sommes-nous en pleine absurdité tous azimuts, faisant nos élites toutes tendances confondues se soucier du moindre détail théorique en termes de formalisme juridique sans avoir la lucidité et la décence de penser au préalable à la condition des Tunisiennes et des Tunisiens dont elles prétendent n'avoir en vue et exclusivement que la dignité. On les voit gloser sur des notions, justifiables certes dans l'absolu, mais totalement déconnectées des réalités des gens ; or, bien plus que l'intellectuel, le politique se doit d'être organique.

Quel intérêt - sinon le pur affichage en direction de l'étranger - de susciter un nouveau débat sur l'identité du peuple tunisien ? Le problème de la Tunisie n'a jamais été l'islam en tant que tel, et qui est, au reste, foi et identité, tel le judaïsme. Son problème est la réduction de cette religion à un culte obscurantiste bien qu'elle soit d'abord une culture qui a bel et bien été florissante, donnant lieu à une civilisation universelle.

Au lieu donc de s'attaquer à cette religion et à son statut d'être majoritaire chez le peuple - ce qui est le sens même de la laïcité étymologiquement : laicus signifiant "du peuple", livrons plutôt bataille à sa mauvaise interprétation imposée depuis des siècles en décrétant la réouverture de son exégèse, l'ijtihad ! N'est-ce pas ce qu'elle impose, l'ijtihad dont la fermeture l'a condamnée à la sclérose, l'empêchant d'être un islam de nouvelles Lumières, ayant déjà été, en son âge d'or, une foi de Lumières ?

C'est là un autre ver soigneusement cultivé cette fois-ci dans le fruit qu'est la religion majoritaire du pays. S'attaquer à ces deux vers c'est agir pour le salut du peuple ; et c'est assurément en finir avec la condition actuelle d'absurdie qu'est devenue la Tunisie malgré toutes les qualités de ses enfants qui en font cette exception Tunisie que je crois être notre patrie.    

 

Ver dans une diplomatie cacochyme

Enfin, et comme on dit prêter la plus grande attention à la dignité de ce peuple meurtri au nom de sa propre souveraineté, que n'ose-t-on la servir concrètement en mettant fin à la tragicomédie qu'est le visa actuel, violation caractérisée de tous les standards juridiques et éthiques nationaux et internationaux au prétexte de réquisits sécuritaires.

Comment n'a-t-on pas le courage de demander le passage au visa biométrique de circulation, parfaitement respectueux des dits réquisits en instaurant une libre circulation rationalisée et sécurisée mettant un terme aux drames récurrents en Méditerranée ? Ayant depuis longtemps travaillé sur la question, et étant diplomate de professions, j'affirme le plus solennellement ici que c'est parfaitement réalisable, l'Europe ne craignant rien d'autre qu'une demande en l'objet émanant des pays du Sud, car elle ne saurait la refuser. Aussi n'hésite-t-elle pas à monnayer l'inertie de ces pays à exiger la solution d'avenir pour des relations internationales équilibrées et continuer à desservir les légitimes revendications à bouger librement de leurs ressortissants.

Jusqu'à quand donc nos autorités doivent-elles continuer à s'adonner à un tel rabaissement de la dignité de leur peuple ? Le visa biométrique de circulation est bel et bien un vermicide efficace pour notre diplomatie devenue cacochyme et de bien triste figure, hélas ! Pourtant, elle ne manque pas de compétences en mesure d'en revitaliser l'esprit, transformant son actuelle dramaturgie de fin d'histoire, le monde ayant changé, en une épopée d'une faim de nouvelle histoire faite de plus de solidarité humaine et de moins d'injustices dun autre temps.   

Tribune publiée sur Réalités magazine 

n° 1902 du 17 au 23/6/2022, pp. 30-31 et reprise sur le site