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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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lundi 14 février 2022

Une exception Tunisie en puissance 6

Non, M. Kaïs Saïed, vous ne détenez pas la vérité !

 

Monsieur le Président de la République, voici une parole de vérité que mon devoir patriotique, aussi bien attaché aux valeurs humanistes qu'à celles de la République, m'amène à vous tenir. C'est dans le même temps, pour qui situe son action – comme vous et à juste titre - en tant qu'inspiration des valeurs de l'islam, foi de civilisation et de culture, une manifestation évidente de ma valorisation des valeurs de la religion du pays, qui fut une modernité avant la lettre (ce que je qualifie de rétromodernité) avant de sombrer dans son actuelle décadence, une caricature de la foi rationnelle et œcuménique qu'elle est.

Un tel attachement de ma part à une part immarcescible d'identité tunisienne, notre tunisianité, je le nomme enracinement dynamique et le développe dans le cadre d'une militance axiologique tous azimuts, une diplomatie informelle et du savoir. Elle agit, d'une part, pour un nouvel esprit islamique (ou i-slamique), une relecture de notre foi afin de lui faire retrouver ses valeurs d'origine en une foi spirituelle postmoderne ou i-slam. C'est ce que je qualifie de Noesi-s et qui implique, d'autre part, une action politique éthique d'où mon appel à faire muer la politique politicienne en poléthique.

Cela rejoint bien votre credo à la tête de l'État puisque vous faites de l'éthique un ressort essentiel de votre action. Toutefois, permettez-moi de vous le dire en toute sincérité, valeur cardinale en islam, vous ne le faites pas en rassembleur, ne manquant pas régulièrement de diaboliser vos ennemis et contradicteurs. En effet, vous semblez vous soucier davantage de leurs turpitudes que des effets de celles-ci sur votre peuple alors qu'il n'arrête pas de souffrir et qui non seulement mérite votre intérêt, mais a aussi le droit de l'exiger pour lui en premier afin de le soulager de ce qu'il endure et l'asservit d'autant que vous ne cessez de proclamer sa souveraineté comme inspirant votre action.

Pis ! vous n'arrêtez d'user de mots d'ordre relevant d'un moule dogmatique et qui, sans actes concrets, se réduisent à des slogans creux desservant votre ambition pour le pays bien plus qu'elle ne la serve. Comme de croire la Tunisie une entité désincarnée, déconnectée de ses réalités géostratégiques, ce qui vous amène à entonner vainement l'hymne d'une souveraineté illusoire dont personne dans le pays n'est dupe. Le plus humble des Tunisiens est conscient de la condition de son pays et ses réalités modestes. Et il sait aujourd'hui que la Tunisie n'est, au mieux, qu'un abacule d'une mosaïque tant régionale que mondiale, que son sort est loin de ne dépendre que de lui dans l'immeuble planétaire qu'est devenu le monde. Aussi admet-il que l'on ne puisse point gouverner sans penser global, ce qui implique la sphère d'influence dont on relève, tout en agissant au local et même au quotidien. Ce dont vous ne semblez pas vous soucier suffisamment.  

Ce faisant, vous finissez vous-même par faire banqueroute de vos nobles desseins en faveur de cette patrie au lieu de la servir et son peuple, tous deux méritant pourtant le meilleur, notre patrie étant, grâce à ses femmes et ses hommes les plus sincères et les moins mercantiles, une parfaite singularité, cette exception Tunisie dont j'ai chanté louange en une trilogie. 

Une parole de vérité

Avant de détailler les raisons de ce rappel aux valeurs humanistes tant de notre foi oecuménique que d'une politique selon ses lettres de noblesse, cette parole de sincérité entend vous rappeler que personne ne peut en être détenteur de la vérité, l'humain étant par définition faillible et imparfait. D'où, en notre foi qu'on dévergonde - hélas ! - l'exhortation, sinon l'obligation, de l'effort continuel, cet ijtihad qui doit protéger l'islam du moindre risque de sclérose. Et c'est bien ce qui permet à celui qui l'entreprend avec honnêteté de voir valorisée son entreprise, et ce même s'il se trompe, pour peu que la bonne foi soit acquise. Or, il est vrai, nul ne doute de la vôtre. 

Car la vérité (que je propose d'orthographier vers-ité) n'est qu'un horizon vers lequel se tourner et que nulle âme, la plus élevée et parfaite serait-elle, ne saurait atteindre, la Vérité étant le propre du divin. D'où la légitimité de l'humilité du vrai savant et du juste de voix et de voie, la savant n'étant que l'ignorant qui ne cesse d'apprendre et le juste se gardant de croire en sa justice, ne pouvant qu'atteindre au mieux la justesse. Ce qui est d'autant plus difficile qu'elle  est, tout comme la vraie science, susceptible d'évoluer et d'être contestée par l'advenue du fait polémique et de l'expérience qu'il implique.

D'où aussi le courage d'oser reconnaître l'erreur de la politique actuellement suivie en Tunisie, notamment de ne plus vous permettre d'être le rassembleur que vous vous devez d'être au poste qui est le vôtre. Certes, vos raisons ne sont nullement contestables, qui amènent à vilipender vos détracteurs et ennemis ; mais personne dans le pays n'ignore plus les travers, l'indignité et les crimes des uns et des autres. Pourquoi alors n'agissiez-vous plutôt à construire la patrie du futur pour - enfin ! - un vivre-ensemble serein où tout un chacun, quels que furent ses torts, est susceptible de trouver place du moment qu'il fait amende honorable et respecte la loi suprême du pays quant aux droits citoyens et ses libertés fondamentales ?

Cela étant dit, il est impératif ici de rappeler que cette loi suprême, la Constitution, n'a encore aucune prise sur les textes juridiques appliqués dans le pays, mauvaises pour la plupart sinon scélérates, étant celles-là mêmes qui ont permis à la dictature de brimer le peuple durant des années et dont ont profité les supposés révolutionnaires après le coup du peuple de 2010-2011, ce coup d'État occulté. Ne faites-vous donc pas la même chose que vos prédécesseurs en vous refusant à abolir les lois de la dictature alors que cela devait être l'impératif catégorique de votre initiative du 25 juillet, ce que j'ai voulu nommer contrecoup du peuple ?

À la vérité, j'en espérais une attention de votre part à ce que le peuple attendait de vous et non point ce qu'il a fini par être : ce banal coup de force que vos détracteurs ont tout loisir à dénoncer. Et voici déjà plus de deux cents jours passés sans que vous vous décidiez la nécessaire abolition les lois scélérates du pays ! Pourtant, c'est ce qu'imposait votre entreprise inévitable et salutaire du 25 juillet, une telle abolition en étant même la substantifique moelle aux yeux du peuple qui l'accueillit avec joie.

Or, vous l'avez déçu ainsi nombre des plus sincères défenseurs de ce qui aurait dû être le contrecoup du peuple attendu par vos concitoyens pour redonner sa virginité perdue au coup du peuple, le coup d'État dont on ne parle pas.  

Ce que vous entreprenez est inévitable et salutaire        

Assurément, qu'il fût contrecoup du peuple - ainsi que cela devait l'être - ou coup de force - tel qu'il est désormais légitime de le qualifier, ce que vous avez entrepris cette année au jour de célébration de la République était inévitable et salutaire. Car la Tunisie ne pouvait plus continuer dans le mensonge initial du coup d'État présenté en fausse révolution. Elle l'aurait été si ses bénéficiaires avaient osé renverser l'ordre juridique du supposé régime déchu. D'ailleurs, le peuple n'en a jamais été dupe ; mais comme son plus grand souhait était d'être débarrassé de l'infâme dictature, il a espéré ardemment voir ses revendications légitimes enfin réalisées, quitte à ce que cela le fut par un coup d'État déguisé, la fin justifiant les moyens.

Aussi, au commencement, il y a bien eu un coup ; cependant, au lieu d'être d'État - ce qu'il était formellement - on l'a espéré du peuple, putativement pour du moins. Ce qui se pouvait sans nul doute moyennant la réalisation du minimum précité de ce qu'impose le qualificatif de révolution dont on l'a affublé. Or, cela ne fut pas fait, les lois de la dictature, dont les plus honteuses et scélérates qui faisaient sa réalité, étant restées en place, continuant à brimer le peuple. Et les autoproclamés révolutionnaires s'en sont donné à cœur joie de festoyer sans vergogne alors que le peuple sombrait inéluctablement dans une misère de plus en plus noire, privé de tout, y compris de ce qui fait une authentique démocratie : les lois justes.

Même la peine capitale n'a pas été décapitée dans le pays, alors que le président provisoire de la République de l'époque - qui disait, mensongèrement, y militer - n'a rien fait pour l'obtenir, bien que c'était parfaitement possible.

Aussi, après dix ans de turpitudes, le peuple n'en pouvait plus malgré sa capacité phénoménale à s'adapter à toutes les situations, fût-elle la plus terrible à endurer. C'est ce qui m'a amené à le qualifier du nom de ce personnage de Woody Allen qu'est Zelig dans ma trilogie tressant ses louanges, démontrant qu'il est bien l'essence de l'exception Tunisie.                

Ce qui est inévitable pour vous n'est pas salutaire

Or, ce qui devait être, le 25 juillet 2021, le contrecoup du peuple espéré a fini en vulgaire coup de force, puisque la législation de la dictature est à ce jour en vigueur et le peuple est toujours asservi comme il l'était sous Ben Ali, demeurant privé de ses plus basiques droits, ses les plus évidentes libertés.

Certes, l'oeuvre de réforme est colossale, je l'ai même qualifiée de travaux d'Hercule ; il n'empêche qu'aucun prétexte ne suffit à expliquer le retard à suspendre - pour le moins - l'application des textes les plus scélérats de l'ancien régime. Je dis bien aucun, fût-il celui de la corruption gangrenant les moindres recoins de l'État, y compris ses corps constitués, dont ceux qui sont normalement au-dessus de tout soupçon, telle la magistrature. Car, d'une part, les lois gouvernant encore le pays sont juridiquement devenues nulles de nullité absolue, donc illégales, depuis l'adoption de la constitution dont le chapitre des libertés a été préservé après le 25 juillet. D'autre part, ce sont bien elles qui, en premier, alimentent la corruption.

Pourtant, vous en avez fait votre priorité, consacrant son caractère inévitable bien que cela ne soit nullement salutaire dans un pays qui n'est ni un État de droit ni ayant un peuple souverain. Aussi, l'initiative de ce fameux mois de juillet devant assurer une telle souveraineté a raté son objectif d'assurer le salut du pays. Ce dernier supposait, tout en premier, que son peuple dispose enfin et réellement, non en termes de purs slogans, de ses droits et libertés sans nulle exception, seule garantie de sa délivrance de la poigne des corrupteurs.

Ce qui a été sacrifié à une supposée lutte contre la corruption qui bien qu'inévitable ne donnera aucun résultat en terme de salut de la patrie, étant dans celui de son peuple. Si la corruption est généralisée et retient toute votre attention, comme dans milieu des juges, n'est-ce pas à cause de la scélératesse de la législation que ces derniers sont tenus d'appliquer ?  

Ce qui est salutaire pour vous n'est pas inévitable        

Or, il se trouve que vous ne cessez d'invoquer la souveraineté de ce peuple qui vous a élu dans un fauteuil en vue justement de l'assurer concrètement. Il est vrai, on peut comprendre que vous vous situez dans un système imposant de la vigilance et du temps, les réticences à doter le peuple de ses droits et libertés y étant énormes, sinon irrésistibles. Elles constituent même un obstacle quasi infranchissable tellement l'habitude d'asservir le populo s'est incrustée dans les moeurs et la mentalité de ses dirigeants, notamment les élites sécuritaires.

On le mesure bien avec la gestion du dossier si sensible de la drogue douce qu'est le cannabis qui fait des ravages chez les jeunes et les moins jeunes. De fait, ces malheurs cannabiques n'ont pas pour origine  - comme on vous le dit ou que vous le croyez à tort - ce que vous dénoncez régulièrement et qui serait des menées étrangères, un complot même contre notre pays ; leur cause réside plutôt dans la plus scélérate des lois de la dictature qu'est la fameuse loi 52.

De même, vous ne semblez pas comprendre que le cannabis est moins nocif que le tabac, ne générant même pas sa dépendance, et qu'il suffit de le retirer de la liste des drogues douces pour agir utilement à assainir la dramatique situation prévalant chez la jeunesse de notre pays. Mais si vous ne voulez pas de cette issue qui est bien la seule marque de sagesse en la matière, alors que ne vous vous attaquiez au tabac, puisque vous dites n'agir qu'en juste ? Ce qui ne vous est pas possible eu égard au lobby cigarettier bien qu'il ait été médicalement prouvé que le tabac est plus dangereux pour la santé que le cannabis !

Comme pour la lutte contre la corruption érigée en suprême action inévitable alors qu'elle est loin d'être salutaire immédiatement pour le peuple, ce qui est salutaire pour vous n'est nullement inévitable. C'est déjà le cas de ces mesures autoritaires que vous préparez dans ce domaine ; mais aussi et surtout votre refus d'abolir ou suspendre pour le moins tous les textes contraires aux libertés du Code pénal, cet indigne héritage de la colonisation, en plus des circulaires illégales qui restreignent et renient les rares libertés consacrées par les lois du pays.

Une action immédiatement inévitable et salutaire

On l'a dit, la souveraineté du peuple est dans sa dignité consistant à avoir ses droits et libertés légitimes dans sa patrie. Toutefois, si la pression autoritaire à l'intérieur du pays est assez énorme encore au point de vous empêcher de vous attaquer aux lois de la dictature, pourquoi ne pas agir au niveau international en satisfaisant quand même les attentes populaires ? Car parmi celles-ci figure en bonne place le droit du Tunisien à circuler librement. Ce qui est parfaitement possible sans déroger en rien aux impératifs sécuritaires censés être assurés par la pratique actuelle du visa biométrique.

En effet, je n'arrête d'appeler les autorités nationales à réclamer en faveur des ressortissants tunisiens l'adoption du visa biométrique de circulation, ne serait-ce que pour en finir avec les drames endeuillant régulièrement la Méditerranée. D'autant que la complicité objective de notre pays est engagée du fait, non seulement de son silence sur les errements de la politique migratoire européenne, mais aussi et surtout de sa collaboration à sa mise en oeuvre. Et elle est aggravée par la non-dénonciation du caractère désormais criminogène du visa actuel alors qu'il peut être avantageusement remplacé par l'outil sécurisé que je propose, parfaitement respectueux des réquisits de sécurité.

Par ailleurs, la Tunisie, si elle tenait à l'honneur de son peuple, pourrait bien saisir l'occasion de la tenue sur son sol du sommet de la Francophonie pour proposer l'adoption d'un visa francophone de circulation. De la sorte, elle honorera du coup son rang de pays fondateur d'une francophonie ayant oublié son âme, l'esprit de solidarité entre francophones.

Voici bien des actions salutaires qui sont plus inévitables et salutaires pour le peuple et le pays que ce que vous entreprenez, aujourd'hui, Monsieur le Président. Or, si le peuple est de plus en plus ensauvagé, c'est du fait qu'il ne supporte guère plus d'être soumis à un traitement qui l'infantilise malgré sa maturité avérée. Et il exige de ses responsables de n'être plus irresponsables en ne se souciant pas en premier de ses attentes : ses droits et libertés.

 Tribune publiée sur Réalités sous le titre : 

Nul ne détient la vérité