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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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vendredi 15 octobre 2021

Coup et contrecoup du peuple 8

 
au crible des symboles


 

Il ne suffit pas d'être le seul gouvernement arabe à être présidé par une femme pour épuiser la valeur symbolique qui s'attache forcément à sa composition dans un pays en phase exceptionnelle de sa transition démocratique. Si la symbolique de la féminité en terre musulmane est certes importante, elle l'est moins en termes politiques que sociaux et surtout religieux. Deux symboles émergent plus particulièrement permettant de mettre au crible les chances de  réussir du gouvernement Bouden. Et il appert que, malgré l'apriori favorable dont il dispose, que manifeste une réelle volonté d'innover, chez certains de ses membres pour le moins, il tarde encore de satisfaire à ce qu'exige sa symbolique de rupture avec le passé en décisions rapides et spectaculaires, sa première réunion en ayant été stérile.   

Symbole du voile pour la prestation du serment

Le premier symbole est ce faux tabou lié au voile en islam. En effet, dans l'histoire arabe musulmane, la femme a souvent osé jouer les premiers rôles sur la scène politique sans qu'on lui conteste ce droit au prétexte d'une prétendue et farfelue infériorité par rapport aux hommes que les faits ne corroborent point, mais que l'obligation du voile veut consacrer. D'Aïcha, la femme chérie du prophète dirigeant une révolte contre son cousin, dernier calife majeur, aux femmes ayant occupé le prestigieux poste de juge des juges, comme au temps abbasside, ou même gouverné un pays, comme ce fut le cas en Égypte à la fin des Ayyoubides, la femme musulmane n'a pas fait que de la figuration sur la scène politique, s'y illustrant tout autant que dans les autres domaines de la vie sociale, surtout artistique et culturelle.

Aujourd'hui, ce n'est qu'au niveau de la perception religieuse du rôle de la femme en société que la symbolique du voile revêt une importance usurpée, étant donné qu'on a cherché depuis l'entrée de l'islam en décadence à minimiser tout statut féminin, cantonnant la femme dans le rôle de mère au foyer, juste bonne pour être génitrice et au mieux modèle d'éducatrice pour élever les hommes appelés à prendre en charge la destinée de leur société.

D'où les interprétations saugrenues réduisant les droits et libertés de la femme abusivement, car adossées à une lecture littérale des textes coraniques, les vidant de leur essence qu'emportent leur visée pourtant claire et évidente, non seulement dans le contexte de la révélation, mais aussi et surtout dans le sous-texte, son esprit. Car l'esprit prime la lettre, comme l'âme éternelle compte plus que le corps périssable.

Ainsi a-t-on introduit en islam cette pratique judéo-chrétienne de se couvrir la tête qu'on n'a voulu imposer qu'aux femmes lors de la prestation de serment sur le Livre saint. Ce qui a été repris par le protocole présidentiel dans notre pays, étant imposé à toutes les femmes appelées à prêter serment à la suite d'une nomination à une haute charge. Et on n'a cessé de le voir appliquer méticuleusement, devenant quasiment sacré, jusqu'à la dernière prestation de serment du gouvernement Bouden, dont même la cheffe — qui ne porte pourtant pas le voile en ville — s'est inclinée à son diktat. Aussi, à une unique exception, toutes les femmes, nombreuses heureusement dans son équipe, se sont-elles senties obligées de suivre leur cheffe.

En effet, seule la ministre des Finances, Madame Sihem Boughdiri Nemsia, a eu le courage d'oser là où ses collègues femmes ne l'ont pas fait : contester ce faux tabou du voile qui n'a rien d'islamique et qu'on veut imposer aux musulmanes alors que le Coran — correctement lu et interprété — ne l'impose point ! Bravo donc à elle qui, par l'acte et concrètement, a initié de la sorte, à Carthage même, l'inévitable révolution mentale devant commencer déjà par l’étiquette et le protocole. Sinon, qu'on impose donc le turban aux hommes pour être moins injuste !

Symbole des libertés et droits citoyens

De par sa charge émotionnelle et sensible, un tel aspect éminemment symbolique de la gouvernance actuelle et encore l'unique haut fait du nouveau gouvernement alors qu'il est loin d'être le seul à renvoyer aussi à d'autres aspects sociaux éminents, moins culturels ou cultuels que spécifiquement politiques. Il s'agit de l'environnement juridique dans lequel ce gouvernement est appelé à diriger un pays qui —on ne le sait que trop — est encore soumis à la législation de la dictature, du protectorat même !  

Or, un gouvernement qui ne commence pas, en priorité absolue, par geler de suite, sinon abolir, les lois illégales encore en vigueur, et qui briment en plus le peuple qu'on prétend pourtant souverain, est un gouvernement qui échouera fatalement, tels les précédents, à avoir la confiance populaire. C'est qu'il n'aura pas fait attention à la symbolique de la souveraineté du peuple dont on n'arrête de parler et qui est attachée à la nature de la législation qui lui est quotidiennement appliquée. Et elle est liberticide, scélérate aussi, les textes de nombre de lois étant tout autant illégitimes qu'illégaux, en flagrante violation des dispositions de la constitution, validés par le décret présidentiel n° 117.

Par conséquent, si le gouvernement Bouden entend réussir, il doit commencer par assainir la situation juridique dans le pays au niveau de ses manifestations de tous les jours en termes de droits et de libertés, libérant le peuple de sa soumission aux textes obsolètes issus de la dictature, remontant pour la plupart au temps encore plus honni du protectorat.

La ministre de la Justice qui a semblé adopter une position intermédiaire sur la question du voile, n'en portant pas mais ne se couvrant pas moins la tête, se doit ainsi d'être plus audacieuse et moins ambiguë en termes des droits citoyens. L'État de droit lui fait déjà l'obligation d'annuler toutes les circulaires illégales qui empêchent l'application des libertés avérées. Toutes affaires cessantes, il lui impose surtout de se pencher sur les travaux de la commission, au sein de son département, chargée de réformer le Code pénal afin de valider ses avancées ou en imposer, et en suspendant sans plus tarder les textes liberticides dudit Code colonial.    

D'autres symboles nécessitant des actes à la forte teneur symbolique sont aussi à la portée du gouvernement, dont l'impératif catégorique d'exiger la transformation du visa actuel en visa biométrique de circulation et, après le report du sommet de Djerba, d'agir pour l'adoption par la francophonie du visa francophone de circulation. N'est-ce pas une sorte de réponse de principe de bonne facture au vu de l'attitude de nombre des partenaires occidentaux et francophones à l'égard de ce qui se passe en Tunisie ?   

Voilà ce qui renforcera assurément l'adhésion populaire au président Saïed et à son gouvernement, permettant à notre pays de renouer avec sa destinée d'innover en politique, faire réussir son modèle sui generis en vue de refonder la démocratie en une postdémocratie que mérite amplement son peuple. C'est bien ainsi que la Tunisie fera taire les critiques qui n'ont vu dans l'action présidentielle que son apparence venant chahuter un ordre malsain au lieu d'aller en son creux distinguer la quête d'un ordre plus sain dans le pays dessinant l'esquisse d'une exception Tunisie nouvelle République.

C'est d'autant plus faisable que le nouveau gouvernement comporte en son sein de véritables amazones, comme la femme de caractère qui a osé braver le protocole liberticide de Carthage, résumant le profil du responsable dont le pays a besoin : droit dans ses bottes, sûr de ses convictions et de ses valeurs humanistes intégralement, sans dogmatisme ni manichéisme. Et ce n'est pas peu de chose que de tenir tête à l'absurde conformisme logique ! Cela augure donc bien pour le futur de ce gouvernement s'il pense aux autres aspects de la symbolique s'attachant à son oeuvre dont, pour le moins, ceux évoqués ci-dessus.

Car des responsables comme la celle que nous avons tenu à distinguer, existent bel et bien sur cette terre méritant d'être qualifiée d'exception, et ce aussi bien au féminin qu'au masculin ; ils et elles sont prêt.e.s à servir si l’on y fait appel ! D'autant que de telles pointures de haute compétence et moralité ne cherchent rien, surtout pas les honneurs, juste servir, être utile, quitte à le faire incognito. Mais toujours librement, n'étant que justes de voie et de voix.

Tribune publiée sur Réalités