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mardi 19 octobre 2021

Espace francophone de démocratie 7

Francophonie : 

Positiver le report
du sommet de Djerba



Nul doute que le report à 2022 du sommet de Djerba, qui devait se tenir les 20 et 21 novembre 2021, est un coup dur pour la Tunisie et sa diplomatie. Paradoxalement, ce report pourrait bien être une occasion à saisir afin de mieux repenser l'ordre du jour de ce sommet du cinquantenaire. Supposé et devant être historique, il le serait alors pour de bon en y défendant l'idée du visa francophone de circulation ignoré dans l'ordre du jour actuel.

Cette idée révolutionnaire, dont l'adoption en signe majeur des retrouvailles de la Francophonie institutionnelle avec les valeurs solidaires des pères fondateurs, pourrait donc avoir la possibilité de faire un retour en force dans l'ordre du jour du sommet l'année prochaine. Et ce sera bien un triomphe s'il se greffe sur des réalisations concrètes en Tunisie dans le sens de la concrétisation de la transition démocratique et de l'État de vrai droit, étant articulé enfin sur une société de droits et de libertés.

Camouflet pour la diplomatie tunisienne

Annoncé lors d'une session extraordinaire du Conseil permanent de la Francophonie (CPF), le report d’un an du 18e Sommet de la Francophonie a été proposé au prétexte « de permettre à la Tunisie de pouvoir organiser cette instance importante dans les conditions les plus optimales ». Il reste, certes, à attendre la confirmation de la proposition par la Conférence ministérielle de la Francophonie devant se tenir incessamment en session extraordinaire. Mais ce ne sera qu'une formalité.

Ce qui ne manque pas de surprendre à ce sujet, c'est de voir la diplomatie tunisienne agréer par trop vite ladite proposition consensuelle alors que les autorités en Tunisie répétaient à l'envi avoir tout fait pour que la tenue du sommet soit parfaite et ne déplore aucun manquement. Se ralliant trop rapidement au diagnostic fait par les membres du Conseil permanent de la Francophonie, nos diplomates ont semblé être satisfaits d'avoir réussi à échapper à une annulation pure et simple, qui n'aurait pas été un précédent, cédant ainsi aux menaces à peine voilées de traiter la Tunisie comme le pays qui devait abriter le sommet de Kinshasa au début des années 90.

Un tel camouflet pour notre diplomatie est bien grave eu égard au rôle historique de la Tunisie en tant que pays fondateur. C'est même ahurissant comme affront, traduisant une incapacité diplomatique à contrer efficacement le lobbying agressif dont le pays et se dirigeants ont été victimes, mais ne trouvant chez le président que des réactions émotionnelles et des propos acerbes qui n'ont que l'heur de jeter de l'huile sur le feu.

Car il ne suffit pas d'avoir raison sur le principe de ce qu'il a entrepris dans le pays ; faut-il aussi des actes et des symboles porteurs en direction des partenaires de la Tunisie ! D'autant plus qu'en ce monde globalisé, devenu ce que je nomme immeuble planétaire, nos partenaires sont en droit de se soucier de la santé démocratique d'un pays qu'ils soutiennent financièrement à bout de bras, auquel ils sont liés par d’importants accords de coopération et d’aide, notamment dans les domaines sensibles tels le sécuritaire et le militaire. 

Or, déjà, notre diplomatie s'est distinguée par son étonnante discrétion à la suite du 25 juillet 2021, aggravant une inertie devenue chez elle une seconde nature. C'était pourtant le moment où jamais où nos diplomates devaient être très actifs sur tous les fronts, le verbe haut et les idées claires, afin de soutenir la vraie transition démocratique en Tunisie, donnant crédit aux slogans présidentiels sur la souveraineté populaire. Il est vrai, il leur a manqué des décisions à grande portée symbolique à défaut d'actes tangibles qu'imposent la situation du pays et son environnement géopolitique. Mais cela n'excuse pas leur effacement ou extrême discrétion, la diplomatie étant l'art de rendre possible l'impossible.

Ce qui était d'autant plus impératif que, pendant ce temps, les victimes des événements dans le pays, les islamistes notamment, se sont investies à fond dans la dénonciation de leurs auteurs pour, sinon nuire au nouveau pouvoir, lui mener la vie dure pour le moins. Aussi n'est-il pas surprenant que l'Occident ait prêté et prête oreille à leurs récriminations quant à l'ordre démocratique chahuté dans le pays. Comment faire autrement si on ne lui précise pas, arguments convaincants à l'appui, qu'il ne s'agissait que d'oeuvre d'assainissement d'une décennie dominée par l'islam politicien marqué par une mauvaise gouvernance sinon des malversations et une corruption tous azimuts ? 

L'exemple de la France particulièrement est bien éloquent, cédant à une supposée neutralité tant du fait des relents xénophobes de la campagne électorale qui s'y prépare que du discours officiel des autorités tunisiennes ne l'y encourageant point. On a ainsi vu les parlementaires francophones suspendre un pays fondateur du mouvement et qui est quasiment la seule terre de la francophonie en Afrique à incarner le mieux la prétention des pères fondateurs d'être une aire de partage et de solidarité d'un humanisme intégral que représente bien cet îlot majeur de cohabitation multiculturelle en Méditerranée qu'est Djerba. 

Impératif du visa francophone de circulation

La regrettable léthargie de la diplomatie tunisienne n'est ni nouvelle ni surprenante ; ne s'est-elle pas illustrée  par son indifférence à mon appel à la consécration du visa francophone de circulation, l'incitant à l'endosser pour le sommet ? Bien que la thématique du sommet s'y prêtait à merveille, cette idée de nature à revitaliser la francophonie n'a hélas pas été entendue, n'accomplissant donc pas le chemin nécessaire pour faire l'objet, lors du sommet, d'un appel, d'une déclaration à défaut d'une résolution !

En effet, le sommet était placé sous le mot d'ordre principal de « La connectivité dans la diversité : Le numérique, vecteur de développement et de solidarité dans l’espace francophone » avec l'intention d'innover, répudier les thèmes récurrents pour des thématiques nouvelles mieux en prise avec les soucis du moment en une modernité en crise. C'est qu'il se voulait historique, célébrant le cinquantenaire du mouvement. Or, au concret, son ordre du jour est finalement demeuré scotché aux questions à tournure économique, délaissant ce qui pose réellement problème en l'espace francophone actuel, à savoir le manque de solidarité entre ses différents membres.

C'est bien l'une des justifications des voix, dont la nôtre, rappelant cette idée ancienne pour renouer avec l'esprit des pères fondateurs en un espace inclusif de libertés et de coopération sans frontières : le visa francophone de circulation. Mais l'accueil réservé à cet appel fut mitigé, notamment auprès des dirigeants du pays hôte ; on sait, d'ailleurs, à quel point certaines parties y sont réticentes, la France en premier. Aussi, l'idée ne prit pas auprès des responsables de l'OIF qui, malgré les intentions et actions de réformer les institutions et les procédures de l'organisation, ne sont pas encore assez enthousiastes pour une telle idée révolutionnant par trop et les esprits et les pratiques par trop inertielles.

Désormais reporté, une année s'offre à la diplomatie tunisienne pour, déjà, faire sien l'appel à ce visa puis le défendre farouchement et agir et sa mise en oeuvre lors de la tenue du sommet  maintenu à Djerba. Car un tel maintien ne doit pas suffire à la diplomatie tunisienne pour faire taire les critiques sur son fiasco à éviter un second report en une même année après celui dû à la pandémie du coronavirus. Or, si le premier report était inévitable, sa nature sanitaire l'imposant à tous, le second n'était que politique, sinon politicien, marquant une défiance à l'égard du pays et son régime. Sans parler du dommage qu'il lui fait subir, notamment aux habitants de l'île, premiers perdants. Le coût économique du report est effectivement faramineux pour les habitants d'une île qui aurait mérité mieux pour sa symbolique de terre d'ouverture et de tolérance.

Outre les aspects précités de sa thématique, le visa francophone a le mérite de désamorcer des critiques à l'égard du mouvement qui ont surgi en Tunisie à l'occasion de l'annulation. Ce fut même du pain bénit pour les intégristes de tous bords, dont les revanchards d'une France qu'ils ne voient que coloniale et dont ils rejettent la culture et la langue, dénonçant la francophonie comme un outil supplémentaire de domination.   

Une telle propagande est féroce, surtout de la part de certains égarés, obnubilés par le pouvoir et ses privilèges, et qui profitent du fait que la voix de la Tunisie officielle soit inaudible. Quand donc entendra-t-on cette voix, celle de la diplomatie notamment, si elle n'est même pas audible aux moments de crise comme celui que vit la Tunisie ? Ne voit-on pas, en Europe comme aux États-Unis, les menées foisonner prenant pour cible le pays ?

Hyperactive auprès du congrès, la propagande islamiste aux États-Unis y réalise un lobbying agressif, allant jusqu'aux mensonges éhontés, trompant les députés américains, comme on l'a vu récemment, d'aucuns parlant de députés séquestrés (sic). Or, ce ne sont pas des slogans soporifiques d'un autre temps qui seront en mesure d'ouvrir les yeux de l'Occident sur la réalité d'un pays dont les dirigeants semblent plutôt cultiver l'animosité et la xénophobie que d'agir avec des actes concrets pour l'État de droit et la souveraineté du peuple, tout en ne se lassant pas d'en parler à tout bout de champ.

Il est bien temps de prendre conscience que dans les allées du pouvoir comme auprès des chancelleries occidentales en Tunisie et même dans des représentations tunisiennes à l'étranger, il est un terme qui revient souvent. Il est terrible et me rappelle, moi qui suis diplomate des années 80 du siècle dernier, entré aux Affaires étrangères en même temps que l'actuel titulaire du ministère, celui d'autisme des autorités. Ce qui est ahurissant comme retour en arrière, surtout au vu de ce que les autorités entendent faire et semblent porter comme volonté sincère au service d'un peuple qui mérite le meilleur dans ce pays que j'ai osé qualifier d'exception. 

Un travail urgent de rétablissement de la vérité de la situation en Tunisie s'impose donc urgemment. Le meilleur travail est assurément celui des actes concrets comme, sur le plan national, le gel — sinon l'abolition — des lois illégitimes, illégales de surcroît, et la réclamation, comme norme des relations internationales, du visa de circulation qui, au niveau francophone, sera incarné par le visa francophone. C'est ce que j'appelle l'impératif d'éveil à la dignité des Tunisiens, cette souveraineté dont parle sans la concrétiser le président de la République.

D'ailleurs, le visa actuel est obsolète, étant illégal au vu du droit international et contraire à la souveraineté nationale du fait du relevé des empreintes digitales de nos nationaux par des autorités étrangères. Sans parler de son immoralité criminogène puisqu'il favorise les drames de la clandestinité dont la seule cause reste la fermeture des frontières, empêchant une saine circulation.

Voilà comment on transformera en succès historique le camouflet du report du sommet de Djerba, et ce tant pour la Tunisie que pour une Francophonie institutionnelle en pleine mutation et qui gagnera être refondée en renouant avec l'esprit solidaire des pères fondateurs dont le fils émérite de la Tunisie, Bourguiba.

Tribune publiée sur le magazine Réalités 

n° 1868 du 21 au 27/10/2021.