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mardi 31 août 2021

Une martyrologie tunisienne 5

Ce lobby dont Kaïes Saïed serait l'otage

 

Tout en n’ignorant pas qu’ils font partie du paysage classique de la scène politique, y compris démocratique, tels les partis et autres ONG, le président Kaïs Saïed n’arrête pas de s’en prendre aux lobbies, à leurs pernicieuses menées dans le pays. Car rien ne saurait justifier les divers abus et multiples excès que les lobbies se permettent et qui violent le droit du peuple à un juste vivre-ensemble paisible et serein.

Ce qu’il importe de ne pas oublier, toutefois, c’est que de tels excès et abus sont souvent permis, favorisés même, par les lois elles-mêmes en vigueur dans le pays. Or, en Tunisie, elles datent non seulement de la dictature, mais aussi du temps du protectorat et auraient dû être abolies en 2011. Aussi, s’attaquant aux menées lobbyistes, le président de la République ne se soucie que de l'effet qui n'a pas d'importance tant que la cause est maintenue ; et c'est, bien évidemment, l’arsenal juridique scélérat autorisant toutes les turpitudes.

S'il est encore en vigueur, même s’il est manifestement illégal, en plus d'être injuste et de martyriser le peuple, c'est qu'un tel ordre a aussi son lobby qui défend farouchement son maintien. Comme il échappe aux attaques de M. Saïed, on ne peut que se demander s’il n’en était pas l’otage !

Lobby du maintien de l’arsenal juridique liberticide

Bien que se disant sourcilleux du respect de l’État de droit et de l’application intégrale de la Constitution, le président de la République ne semble pas vouloir geler pour le moins les textes scélérats qui briment encore le peuple, émasculant les élans de sa jeunesse à une citoyenneté libre, synonyme d'innovation et de génie créateur. En niant ses droits et ses libertés les plus basiques par le maintien en l'état de la législation de la dictature, il donne l’impression d’être l’otage d’un lobby particulièrement puissant, car il recrute de tous bords, traditionalistes comme modernistes, y compris démocrates ou supposés tels, et qui ne jurent que par la loi suprême de l’inertie.

C'est ce même lobby qui a tout fait, au lendemain du coup du peuple du 14 janvier 2011, pour que l’ordre juridique de la dictature soit maintenu, préservant l’essentiel des textes scélérats brimant le peuple. Plus que jamais actif, il oeuvre actuellement pour que ce que j’ai qualifié de contrecoup du peuple du 25 juillet dernier ne débouche en aucun cas — comme il aurait dû l’être en toute bonne logique — sur l’abolition de ce qui donnait réalité au système de la dictature.

À ce jour, par divers arguments spécieux et de fallacieux prétextes, il a réussi à ce que l'arsenal juridique répressif de Ben Ali reste en vigueur. Il s'agit notamment de lois honteuses ruinant l’avenir de nos jeunes, pour un malheureux joint, un bisou en public ou une relation affectueuse consentie et dans l’intimité entre adultes de même sexe. Comment un homme droit et de droit tel M. Saïed, soucieux de la légalité et de la justice, peut-il accepter que le symbole de l'injustice du régime de Ben Ali qu'est la loi 52 sur le cannabis, pur produit des turpitudes de la dictature, soit encore en vigueur, ainsi que ces circulaires non publiées qu’on applique toujours en toute illégalité ?

Citons aussi ces articles du Code pénal datant du temps du protectorat, attentatoires aux plus élémentaires libertés individuelles, auxquels on continue comme si de rien n’était de recourir au vu et au su de tout le monde pour faire taire la moindre contestation de l’ordre policier hérité de la dictature dans des pratiques généralisées ou pour empêcher les rares courageux témoignages tentant de contester quelque peu la survivance de l’esprit dictatorial dans les divers rouages des institutions autoritaires du pays.

Cédant au lobby du maintien de la législation liberticide, illégale qui plus est, le juste M. Saïed se contredit, lui le garant de l'État de droit, en acceptant de présider un État de non-droit où les juges appliquent des lois nulles et non avenues puisqu'il ne s'est trouvé dans une magistrature indélicate aucune libre de conscience pour oser se libérer du juridisme stérile et refuser leur application au nom de leur nullité effective depuis l’adoption de la Constitution.

En se retenant d'abolir un tel désordre juridique illégal et illégitime, le président de la République se rend complice de qui tente de le justifier prétendant qu'il s'agit d'un ordre indispensable et qui ne l’est que dans la scélératesse et l’immoralité. Mais ne s'agit-il que de complicité de la part d'un homme manifestement intègre et sincère dans sa volonté de consacrer la volonté populaire ? Ne serait-il pas trouvé être l'otage de ce lobby de l'inertie mortifère voulue pour un peuple qui veut vivre dignement ce qui suppose garanties ses libertés et ses droits ?

Les dernières nominations de hauts cadres contestés pour accointances avec la dictature viennent accréditer cette thèse outre le fait qu'un mois et plus est passé sans que l'on se soucie de remettre en cause la scélératesse de l'ordre juridique supposé, ne serait-ce qu'en déclarant un moratoire à l’application des textes les plus ignobles dont il ne peut ignorer qu'ils sont indignes d’un peuple qui mérite bien mieux et dont il ne se lasse de répéter être à l’écoute de ce qu’il veut pour recouvrer sa dignité.

Ce qui est de nature à favoriser cette inaction présidentielle, voulue ou forcée, est qu'on n'entend personne parmi les esprits dits démocratiques réclamer ce qui aurait dû être la première action salutaire. Qui donc a dit qu'en gelant le parlement, le président pouvait et devait aussi geler les plus scélérates des lois illégales du droit positif tunisien ? C'est que le lobby de l’inertie ratisse large ; ainsi triomphe-t-il par ce silence approbateur des adeptes du statu quo actuel liberticide !  

Il réussit aussi à empêcher que l'on fasse écho à la moindre voix solitaire arrivant à s'élever pour réclamer à M. Saïed de ne plus tarder à décider le gel de toutes les lois attentatoires aux droits et libertés citoyens et de réactiver du coup le parlement avec une mission précise et impérative : celle de les remplacer par de nouvelles plus justes, en conformité avec les acquis de la Constitution. Telle voix de justesse prêche ainsi dans le désert ! Pourtant, elle est aussi une voie de la raison dans ses propositions quand elle appelle à ce que la réforme du Code pénal, enlisée au sein du ministère de la Justice, soit enfin déterrée, discutée et adoptée. Ou encore mieux, de baser la réforme d’envergure attendue sur un projet de Code qui a le mérite d’exister, celui concocté par la Colibe et qui a fait l’objet d’une proposition de loi au parlement.

Urgence impérative des libertés et droits citoyens

De tout cela, le président de la République est bien conscient, lui qui a noté le souci des lobbies au vote ou non-vote d’articles de loi au parlement et les sommes faramineuses dépensées pour arriver à leurs fins. Car que ce qui compte dans la vie d’un pays est ce qui est inscrit dans le marbre de la loi autour de laquelle s’articule la vie au quotidien.

Aussi, réformer au plus vite les lois du pays, les plus répressives notamment, et d’autant plus vite qu’on les aura gelées auparavant, c’est mettre fin aux pratiques policières traitant les jeunes moins que rien, non seulement dans leur comportement et penchants que leurs libertés basiques comme celle d’aller et venir librement dans leur pays.

On vérifie régulièrement les exactions dont ils font l’objet aux motifs divers. N’a-t-on pas fait état récemment du refoulement régulier de jeunes Tunisiens, étrangers aux îles Kerkennah et s’y rendant en villégiature, au motif qu’on les soupçonne de vouloir tenter l’aventure de l’émigration clandestine ? Depuis quand donc la police est-elle fondée à incriminer juste sur soupçons, injustifiés qui plus est ? Et jusqu’à quand les forces nationales de sécurité doivent-elles prêter main-forte à celles des pays européens, détournant une part de ses forces du vrai danger terroriste pour lutter contre l’émigration clandestine, ce faux danger ?

La clandestinité est artificiellement créée par une fermeture des frontières qui est non seulement une honte au regard du droit humain à circuler librement mais criminogène aussi, débouchant sur des drames quotidiens. De plus, la pratique actuelle du visa est contraire au droit international puisqu'elle permet à des autorités étrangères de prélever les empreintes digitales de nos ressortissants sans contrepartie à cette concession à la souveraineté nationale, et qui serait le droit à circuler sous visa biométrique de circulation.

M. Saïed peut-il continuer à se désintéresser de ce que veut le peuple — et exige même — en matière de libre circulation sans nulle entrave ? Ce faisant, peut-il alors demeurer crédible ? Certes, il est utile d’évoquer, comme il le fait, les difficultés en augmentation exponentielle rencontrée par les citoyens ; mais à trop les limiter à certains sujets et à se limiter à l’affichage et à l’incantation, on finit par lasser, car rien ne change au concret, la loi qui en est le fondement restant en l’état.

Alors, allègrement, on verse dans l'absurde ! N'a-t-on pas vu de quelle manière on a tenu à fêter le 13 août ? En donnant un écho surdimensionné, quasiment trompeur, à une banale opération commerciale, qui n’avait rien d’exceptionnel ni de concret pour la femme tunisienne, alors qu’on continue à traiter cette dernière comme inégale de l’homme en matière d’héritage. Or, cela est cause de son statut d'infériorité et des violences faites aux femmes qu'on dénonce régulièrement, en étant à la base.

Si l'on ne doute pas de la sincérité à servir son pays et de l'honnêteté personnelle de Kaïs Saïed, on ne peut que regretter qu'il bride l’action salutaire indispensable en matière de droits et de libertés citoyens par des positions idéologiques ou des attitudes politiciennes, versant dans le pur dogmatisme. Comme de continuer à refuser de reconnaître l’égalité successorale à la femme d’autant qu’on a démontré sa validité au nom même de l’islam. Pareil dogmatisme relève aussi de la plus antique pratique de politique politicienne puisqu’un tel refus peut n'être que dicté par des considérations électoralistes ; or, on sait que pas mal des supporters du président sont des transfuges non seulement d’Ennahdha, mais aussi de ses plus extrémistes dépendances comme Al Karama, membres actifs du lobby inertiel dont serait otage le président !

Or, le politique qui n’a en vue que l’intérêt du peuple, tout le peuple, n’a pas cure d’aller contre l’opinion supposée publique et qui ne l’est ainsi que du fait qu’elle est affichée et publiée. Au vrai, la vraie opinion publique en Tunisie est silencieuse, ne s’exprimant que dans la vie de tous les jours. Et elle est pour avoir ses droits et ses libertés, tous ses droits et toutes ses libertés, quitte à heurter des traditions ancestrales obsolètes quoique se voulant sacrées en une vaine tentative d'occultation de leur absolue vacuité de sens et de la moindre once d'éthique.

 Tribune publiée sur Réalités magazine

n° 1861 du 2 au 8 septembre 2021 pp. 18-19