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lundi 2 août 2021

Coup et contrecoup du peuple 3

Pour une nuit tunisienne du 4 août !

 


On sait M. Kaïs Saïed féru de références, notamment historiques. Il en a fait étalage lors de sa réception des journalistes du New York Times où il a osé leur souhaiter la bienvenue dans le pays des droits et des libertés !

On croit rêver, sauf si le président ne se projetait déjà sur ce qu’il pense faire dans le pays, c’est-à-dire le transformer effectivement non seulement en véritable État de droit, mais aussi une société de droits et de libertés. Comme il se dit volontiers venir d’une autre galaxie, il y aurait une sorte de décalage entre son temps et le nôtre, étant quelque peu en avance. Et c’est alors tant mieux !

Aussi, on veut bien croire volontiers qu’il se voyait par avance dans un pays réhabilité en un État de droit, débarrassé des lois illégales qui y sont encore appliquées, ces lois de la dictature qui ôtent au peuple sa dignité outre ses droits et libertés. Ne pensait-il donc pas, ce jour-là, à une sorte de nuit du 4 août tunisienne ?

 Abolition des lois scélérates, privilèges de la dictature


On sait que c'est la nuit durant laquelle l’Assemblée nationale constituante française, issue de la révolution du 14 juillet, a voté en une séance historique la suppression des privilèges féodaux. Événement fondamental de cette révolution, c’est en cette nuit, en effet, que le système féodal a été mis à bas avec l’abolition de tous les droits et privilèges des classes, des provinces, des villes et des corporations.

Or, en Tunisie le système de la dictature est toujours en place avec ses lois scélérates que nos juges appliquent sans sourciller, sans se rendre compte qu’ils violent la constitution puisque ces lois ont été annulées par cette dernière. Il est vrai qu’elle est restée lettre morte avec ses principales dispositions, notamment en droits et libertés.

Pourtant, le président de la République n’a eu de cesse de se réclamer de cette constitution et n’arrête de répéter qu’il entend la mettre en application et en garantir la bonne exécution. Ce qui lui impose de sortir le pays au plus tôt de la situation flagrante de non-droit, et bien pis de violation du droit !            

Eu égard à la manie précitée des  références à laquelle s’ajoute son penchant à l’enracinement symbolique dans les traditions, que ne saisit-il donc l’occasion de la célébration du Nouvel An de l’Hégire, le 9 août, comme il a saisi le 25 juillet pour son coup d’audace, afin d'offrir à la Tunisie sa propre nuit du 4 août ! Y a-t-il déjà songé ?

À cette occasion, il pourra saluer non seulement la nouvelle année hégirienne, mais aussi une nouvelle ère pour la Tunisie en annonçant solennellement la suspension de l’application de toutes les lois qui sont contraires à la constitution ou susceptibles de violer ses  garanties en matière de libertés, de droits citoyens.

Et qu’il prenne garde à ce qu’un juridisme mal venu ne l’amène à hésiter à le faire, estimant comme le soutiennent des juristes obtus qu’on ne peut créer ainsi du vide juridique, justifiant leur inertie par le prétexte qu’une loi doit être remplacée avant son abolition. Qu’il se fie plutôt à son éthique et qu’il se pose la question s’il ne vaut pas mieux, au pis, un vide juridique que l’application de lois injustes bien scélérates ? D’autant plus qu’il ne s’agira pas d’abolition, mais de suspension et qu’il suffira, dans la foulée, de réactiver le parlement avec pour mission de se réunir en séances non-stop en vue de remplacer les lois suspendues par des lois enfin justes.

Impératif catégorique juridique et éthique

Si le président de la République n’agit pas de la sorte et continue à tolérer la perpétuation en vigueur des lois de la dictature, qui sont aussi celles héritées pour la plupart de la colonisation, il ne fera que se dédire dans ce qui fait son credo même : être au service du peuple, de sa volonté et de sa dignité ; et le peuple veut ses droits et ses libertés. Alors, il donnera crédit à ceux qui l’accusent d’avoir fomenté un coup d’État.

En effet, au mieux, il n’aura fait que se comporter comme les supposés révolutionnaires du 14 janvier 2011 qui ont justifié leur coup d’État par le service de peuple et qui n’ont, au final, rien fait de mieux que de gouverner avec les lois de la dictature pour mieux servir leurs intérêts privés. Ce qui a perpétué la dictature qui est demeurée en Tunisie ; et elle le restera tant que ses lois demeureront en vigueur.   

De la sorte, pour revenir aux références chères au président Saïed concrétisant cet impératif catégorique, si les révolutionnaires jacobins français ont mis trois semaines pour réaliser leur acte majeur, le souffle révolutionnaire en Tunisie n’aura pris que deux semaines pour son épiphanie à une date ô combien symbolique qui plus est. En effet, ce sera non seulement une nouvelle année de l’hégire qu'on célébrera le 9 août prochain, mais bel et bien une ère nouvelle de l’islam en tant que foi humaniste des droits et des libertés en une Tunisie enfin démocratique !     

Certes, on peut dire que cela est insuffisant et même sans intérêt par rapport à l'énormité des réformes à faire, et que l'abolition des privilèges en France ne les a pas éradiqués dans le réel ; ce qui est vrai. Toutefois, on ne peut minorer l'importance symboliquement de l'effet d'une telle décision sur les mentalités, et ses retombées éminentes sur l'inconscient.

C'est à ce niveau qu'il importe aujourd'hui d'agir d'autant plus justement que la tâche réformiste est immense et prendra du temps. Au moins, on aura muni l'imaginaire populaire et l'inconscient collectif de cette référence uriques faisant office de fanal au-dessus du phare incontournable en mer aux jours  de tempêtes.

Assurément, ce qui la rend encore plus impérative est la confusion dans laquelle baignent nos mentalités gangrénées par une conception frelatée de l'islam et de la démocratie. Car elles en adoubent des versions obsolètes qui n'en sont que la négation même, notamment de cet islam auquel renvoie la constitution et se devant d'être une foi de droits et de libertés pour tous. Et c'est bien à une œuvre pour l'humanisme intégral en Tunisie que se réduira au final l'initiative à laquelle on appelle si fort.  

 

Tribune publiée sur Réalités Magazine
 n° 1857 du 5 au 11/8/2021, p. 20.