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lundi 2 novembre 2020

Opéra bouffe politique 2

Sermon pour cet État de droit qu'on prétend ériger 

 

Un sermon est généralement jugé péjorativement en un discours moralisateur. Or, quand la morale dont on se réclame n'est en fait qu'une immoralité déguisée, il n'y a rien de tel, pour contrer cette immoralité, que le rappel de ce que serait une morale effective. Au-delà du sens philosophique d'étude du bien et du mal, celle-ci n'est, en effet, que l'ensemble des règles à respecter pour avoir ce comportement jugé bon par la société. N'est-ce pas l'ambition de l'État de droit ? Or, il se trouve qu'on prétend en ériger un en Tunisie alors qu'au mieux on ne fait, sinon bétonner l'État de non-droit de la dictature, que mettre en place un trompe-l'oeil, une sorte d'État de similidroit.

Et comme l'étymologie latine du mot morale est moralis signifiant "relatif aux mœurs", aussi faisons-nous ce sermon pour notre État de droit en puissance en partant de nos réalités tangibles, les plus en contradiction avec l'esprit sain d'un État de droit authentique, à savoir celles relatives aux libertés et droits citoyens dans leur vie privée et leur intimité sexuelle.

Morale asservie à l'esprit lucratif ?

On a fait état récemment sur les réseaux sociaux d'une nouvelle dont la teneur est que les hôtels en Tunisie n'exigeraient plus un certificat de mariage des clients venant en couple. Il s'agit, bien évidemment, du duo composé d'un homme et une femme — la notion de couple n'étant juridiquement pas étendue aux personnes homosexuelles en Tunisie —, et ce notamment s'il souhaite réserver une chambre double. Car, contrairement aux dispositions de la Constitution consacrant le strict respect des libertés individuelles des citoyens, les couples non mariés sont interdits de partager la même chambre d’hôtel en Tunisie, devant exciper d’une copie du contrat de mariage à la réception s'ils souhaitent ne pas devoir réserver deux chambres simples.

Ainsi, veillant à ce que leurs clients venant en couple fassent chambre à part, les hôteliers semblent faire en l'occurrence office d'agents de police des bonnes moeurs, ce qui n'est déjà nullement de leur ressort. À moins que cela ne soit plutôt, sous prétexte de morale, de s'assurer un plus grand profit en forçant indirectement le couple à dépenser le double, étant forcé ainsi de réserver deux chambres quitte à ne pas faire après chambre à part ! Est-ce le cas ? À noter que certains observateurs de nos habitudes sociales notent que les intéressés devraient même s'estimer heureux de ne pas être refoulés ou dénoncés à la police !

Une telle triste réalité est devenue banale dans le pays au nom d'une morale mal comprise ou d'une religion bafouée, car l'islam respecte la vie privée des fidèles qui, du moment qu'ils sont adultes et consentants, sont libres de leurs actions dont seul Dieu est habilité à juger de leurs motivations, surtout de leur possible immoralité, du moment que le tout se fait dans la totale discrétion. 

Hôteliers supplétifs d'une police des moeurs ?

Nos hôteliers seraient-ils donc des supplétifs d'une police des mœurs occulte ? Or, nos autorités semblent s'accommoder non seulement de pareille police taisant son nom, mais aussi de telles pratiques illégales, en encourageant l'existence ou les tolérant pour le moins. C'est ce que laisse entendre la réaction, certes officieuse mais authentique, aux informations précitées du responsable de l’information et de la communication du ministère du Tourisme qui, sur sa page Facebook officielle, s'est limité à les démentir catégoriquement.

Cela suppose donc que le ministère admet bel et bien la pratique consistant à exiger les contrats de mariage des couples souhaitant séjourner dans les hôtels tunisiens. En effet, de deux choses l'une : où la pratique est illégale et il fallait la dénoncer au lieu de se limiter à affirmer que les informations la concernant n'ont aucun fondement, ou le ministère accepte une telle flagrante illégalité. Auquel cas, on aimerait bien savoir sur quelle base juridique cela se fait dans un État se targuant vouloir être de droit.

On aimerait surtout que le ministère de M. Habib Ammar n'élude pas de la sorte la question et adopte une position claire et nette qui soit en conformité avec les droits reconnus par la constitution, et donc en confirmant les informations ayant circulé, ou en violation de la  constitution,  justifiant plutôt un tel comportement digne du régime de la dictature déchue, indigne d'un véritable État de droit.

Car il est bien temps qu'on cesse de simuler et dissimuler, se jouant du droit tout en le dévergondant ; si l'on veut que la loi soit respectée et s'applique, elle doit d'abord être juste et non détournée ou abusée. Or, on ne le sait que trop, la pratique du détournement des textes juridiques est un véritable sport national hérité d'un régime déchu qui semble se perpétuer. Ainsi, les acquis du la loi suprême du pays qu'est la Constitution sont-ils restés lettre morte, ne servant que de prétexte auprès des pays étrangers pour lustrer l'image d'un pays se voulant de droit alors qu'il en est loin, n'étant au mieux que de simildroit.

C'est aussi une occasion précieuse à saisir pour sortir du mensonge et des faux-semblants actuels en osant non seulement faire toute la lumière sur les pratiques anticonstitutionnelles de violation des libertés privées et des droits citoyens dans les hôtels, mais aussi ailleurs, par l'exigence des certificats de virginité ou le recours au test anal, par exemple.

Commencer l'édification de l'État de droit

La Tunisie ne doit plus tergiverser à répudier enfin ces pratiques moyenâgeuses, ce qui commande que l'abrogation des lois les plus scélérates de la dictature soit décidée sans plus tarder, en commençant par en geler l'application. À défaut, il est de l'honneur de nos juges de cesser de faire du juridisme néfaste en osant ne plus appliquer de tels textes liberticides inférieurs à la Constitution (dont nombre de circulaires et d'arrêtés, outre les lois de la dictature) qui empêchent que les citoyens jouissent enfin de leurs droits. C'est alors et alors seulement que l'on commencera véritablement et avec raison à parler d'État de droit en Tunisie !

Car un tel État est d'abord manifesté par une société de droits et de libertés. N'est-ce, au demeurant, ce qu'affirmait le président de la République durant sa campagne électorale ? Or, à le voir tolérer la terrible flagrance de cet État de non-droit, on ne saurait se retenir de commencer à se laisser aller à douter, soit de ses compétences supposées avérées en droit public et constitutionnel, soit de sa bonne foi. Pourtant, on n'aimerait se permettre ni l'une ni l'autre des hypothèses, s'en voulant même de juste y penser, même si grande est déjà la déception de nombre de ceux qui ont cru à un souffle nouveau venant de Carthage, un an stérile après la présidentielle. D'autant qu'en nos temps de mensonges, la bonne foi se doit d'être prouvée par des actes concrets.

Aussi, en juriste et politiste compréhensif, me permettrais-je de suggérer au président Saïed en action salutaire de salubrité éthique d'oser procéder à la nomination qui lui revient de droit des membres de la Cour constitutionnelle sans plus attendre le parlement. Dans la foulée, il invitera le Conseil supérieur de la Magistrature à faire de même pour ensuite demander aux membres désignés de commencer sans plus tarder leurs travaux étant en nombre suffisant pour le faire. On se passera ainsi d'un parlement qui ne veut pas ou n'arrive pas à s'acquitter de son devoir, contournant sa mauvaise foi manifeste sans violer l'esprit de la Constitution.

Or, ce serait bien le faire que de se croire obligé d'attendre la nomination par ce parlement récalcitrant pour la mise en place d'une institution aussi essentielle pour l'État de droit que la Cour constitutionnelle. L'article 118, al. 2 n'impose aucune préséance qui, si elle existait, serait pour le président de la République nommé en premier. De plus,  en bon droit, même s'il y avait un ordre intangible, on ne saurait s'y plier  du moment que cela empêche la mise en place de l'institution et que cela dure depuis des années, bien au-delà de la date limite pour l'installation prévue par une Constitution restée lettre morte.   

 

Tribune publiée sur Réalités Magazine 

n° 1818 du 5 au 11 novembre 2020, pp. 20-21