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dimanche 23 août 2020

De la politique à la poléthique 9

Compétensuelle  
plutôt que gouvernement de compétences



Le chef du gouvernement en cours de composition ayant choisi le gouvernement de compétences, il aurait pu aller au bout de la logique de compétence qui n'est nullement désincarnée, prenant racine nolens volens dans le terreau politique de pays. Or, celui-ci est divisé, grosso modo, en modernistes et traditionalistes et les compétences ne sauraient y échapper, quel que soit le degré de leur indépendance affichée et/ou revendiquée. Tout au plus, adhéreraient-ils avec modération à l'une ou l'autre tendance ; en effet, la compétence, du latin competentia, signifie étymologiquement le rapport proportionnel. De plus, comme il ne s'agit pas pour les compétences du gouvernement de cogiter, mais d'agir, cela suppose de leur part des décisions et des actes ; or, la politique à mettre en oeuvre émanera forcément d'une idéologie, une façon de voir, y compris dans les domaines supposés neutres.
De fait, il n'existe pas de compétence sans idées et tendance, idéologie ou politique ; ce qui fait son indépendance est bien sûr le fait qu'elle n'affiche pas une dépendance d'un parti précis ; ce qui n'exclut nullement un possible endoctrinement, une allégeance occulte, inavouée. Aussi, cette indépendance doit-elle figurer dans les actes qui sont appelés à être de portée symbolique et aux retombées utiles pour l'intérêt le plus général, sans répondre à une idéologie ou en rejeter une autre. Or, l'intérêt le plus général est celui des droits et des libertés des citoyens dans un État démocratique et de droit !   
Par conséquent, le Président de la République, en juriste hors pair, ayant choisi hors des partis le chef du futur possible gouvernement tunisien, aurait dû lui conseiller de délaisser les recettes éculées de la politique politicienne en innovant par le recours à ce que j'appelle une compétensuelle. Entre autres implications, ce néologisme suppose la réunion d'acteurs politiques compétents au sens ci-dessus explicité, ce qui signifie que peu importe leur tendance idéologique, déclarée ou cachée, car ils sont dans le gouvernement  intuitu personae. Les juristes savent le sens de cet adverbe dont la définition en droit est d'agir en considération de la personnalité même de celui qui agit.
Au vrai, le gouvernement de compétences est celui de techniciens en leur domaine, sortis du moule de la doxa en cours, donc dépendant malgré tout d'une façon de pensée, généralement éculée. Ce qui n'aurait pas été le cas avec une compétensuelle dont les compétences sont des personnes libres de toute attache, surtout à l'égard de la pensée unique qu'elle soit dans un sens idéologique ou dans un autre. C'est une telle formule qu'aurait dû choisir M. Mechichi au lieu de celle du gouvernement compétences : une compétensuelle, soit des ministres compétents agissant intuitu personae.
Une telle option aurait permis de mieux se rendre compte de cette évidence qui crève pourtant les yeux, à savoir que l'économie n'est plus performante aujourd'hui que du fait des idées nouvelles qui sont l'essence de sa modernité. Les idées du passé, comme celle des biens et services et des données relatives au revenu national brut, par exemple, n'ont plus cours ; la modernité est ailleurs, dans les activités permettant et visant l'innovation. Ce qui suppose de nouvelles idées.
Aussi, pour que notre économie ait une chance de sortir de sa crise actuelle, et à terme de son sous-développement — qui est d'abord mental —, elle doit cultiver comme faculté indispensable l'imagination au pouvoir et dans sa législation ; ce qui suppose des libertés et des droits à agir, innover, surprendre et étonner. Cela impose aux décideurs, tant politiques qu'économiques, d'avoir le discernement nécessaire de pressentir, sinon encourager, les désirs et besoins populaires de ce qui n'existe pas encore ou ce dont on ne veut pas ou qu'on n'ose plus pour une raison ou une autre, idéologique surtout. C'est une telle vision stratégique qui manque à nos dirigeants et qui serait cette forme d'intuition faisant le charisme chez le politicien et l'économiste enraciné en son milieu au point d'anticiper les besoins des siens. C'est, en quelque sorte, l'intellectuel organique dont parlait Gramsci.
À l'échelle d'un pays comme le nôtre, cela impose de lever toutes les entraves juridiques et morales à la créativité populaire, d'où la nécessité qu'il y ait une capacité libre à la curiosité poussant à explorer les nouveaux sentiers, quitte à ce qu'ils soient, au début, des chemins qui ne mènent nulle part ou des sentiers de traverse. Ce sont bien eux qui permettent d'innover ! C'est cet élan imaginatif, qu'on appelle imaginarium, qu'il faut encourager afin que nos concitoyens soient motivés à innover et permettre donc la croissance en Tunisie. D'où est encore plus cruelle l'absence de droits et de libertés, en tous domaines, aujourd'hui dans notre législation. Et c'est ce qui manque le plus dans le programme annoncé de M. Mechichi en espérant qu'une fois intronisé il se résoudra à rectifier le tir.