Pour une poléthique en Palestine
On le sait, la poléthique est mon néologisme pour ce que doit être la politique, notamment en nos temps postmodernes, marquée particulièrement par ce qui est présenté comme son antonyme : l'éthique. C'est, pensons-nous l'impératif catégorique de la politique renouant avec ses lettres de noblesse, car la politique politicienne, pratique à l'antique du jeu de rôles du lion et du renard, a épuisé ses vertus, si jamais elle en avait une.
En effet, le monde a changé et les mentalités doivent suivre pour être en harmonie avec l'épistémè de l'époque qui est l'âge des foules, faut-il le rappeler ! Or, contrairement au fameux enseignement de Lebon, la psychologie des foules est marquée par un désir vorace d'éthique, quitte à ce qu'elle soit fausse ou faussée par des conceptions immorales, la négation même de l'éthique.
L'éthique, comme fondement de la morale d'une société, est cet ensemble de règles de conduite qui sont propres à ses membres. C'est un code reflétant les principes et valeurs sociales, affichées ou inconscientes, à la base non obligatoire, mais hautement directif, étant souvent intériorisé, tapi dans l'imaginaire. Comme l'indique son origine, aussi bien latine (ethica) que grecque (êthos), il condense les mœurs (du latin mores) signifiant les coutumes.
Qu'est-ce donc la coutume éminente du peuple palestinien sinon de chercher à vivre en paix sur sa terre avec tous qui y sont venus, et ils sont nombreux, leurs vagues n'ayant jamais cessé depuis la nuit du temps ? Le désir de paix marque la mentalité des populations palestiniennes, mais une paix juste et éthique. Ce qui suppose d'y agir et de ne pas se limiter à l'instrumentaliser vicieusement, à des fins bassement politiciennes, violant la morale basique de ce peuple qui souffre : son désir de paix.
Or, une paix, celle des braves, est la conclusion fatale d'une guerre, la plus cruelle soit-elle, ayant opposé des ennemis, y compris mortels. Pour être juste, sa base doit être légale ; et elle existe ! C'est le droit onusien de 1947 — qu'on fait tout de part et d'autre pour l'enterrer — et qui a érigé deux États également souverains, deux frères monozygotes, la négation de l'un entraînant ipso facto celle de l'autre.
La morale, une politique éthique donc, la poléthique, suppose — et impose même — de vouloir cette paix sans nul préalable qui ne relèverait que de la mauvaise foi du moment que les termes légaux de référence sont clairs. Ce que ne font pas les Arabes les plus ouverts à la paix, puisque leur plan exclut la normalisation de leurs relations avec Israël, partenaire obligé de cette paix, avant la fin de la colonisation des territoires occupés. Or, cette colonisation illégale fait bien partie du problème à régler et relève aussi des négociations à engager entre les parties au futur traité de paix et qui sont sont supposées se reconnaître mutuellement avant d'engager les pourparlers pour cette paix des braves.
On voit bien le caractère immoral de cette position arabe, motivée par des considérations de politique politicienne et une totale confusion axiologique en termes de ce que veulent les masses arabes et palestiniennes. D'autant que cela n'empêche pas les rapports entretenus et soutenus avec le supposé ennemi, mais en totale clanestinité. Ce qui permet à Israël de profiter de la situation et s'ingénier à la brouiller encore plus, consolidant sa position et multipliant les provocations, des turpitudes à n'en pas finir, leur but n'étant que de servir de monnaie d'échange à de supposées concessions.
Comme ce qui vient d'avoir lieu avec la fausse paix signée par les Émirats Arabes Unis, oubliant la base légale de 1947 et se limitant à faire état d'un marchandage secondaire sans intérêt relatif à une énième annexion parfaitement illégale et même nulle de nullité absolue selon le droit international auquel on se garde de faire référence. Ce qui se multipliera demain avec les États arabes favorables à cette arnaque politicienne, aggravant la confusion des valeurs dont ils souffrent — véritable Alzheimer politique — et surtout le drame d'un peuple vivant encore en camps, n'aspirant qu'à la paix.
Il nous faut sortir au plus vite de cette terrible confusion des valeurs marquant notre pensée et ruinant notre mental ; elle rend immoral ce qu'on croit moral, illégitime et injuste ce qu'on pense légitime et juste. Comme un cancer, cette confusion est aujourd'hui généralisée ; on l'a vérifié avec la position du Président de la République tunisienne sur l'égalité successorale. En effet, du fait de cette confusion, le juriste moraliste qu'il est se trompe lourdement sur le caractère d'impératif catégorique de ce principe intangible à honorer au plus vite en Tunisie, aussi bien en termes de droit que de religion.