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mardi 28 juillet 2020

De la politique à la poléthique 3

Sortir la Tunisie du drame d'Hamlet !




Symbolique a plus d'un titre a été le choix du Président de la République du chef du département de l'Intérieur dans le gouvernement démissionnaire pour présider le nouveau gouvernement. Entre autres enseignements, il manifeste ce que le chef de l'État n'a pas cessé de soutenir ces derniers temps, à savoir l'extrême gravité de la situation dans le pays, notamment en termes sécuritaires. Rappelant désormais la célèbre tragédie d'Hamlet, elle commande aux plus patriotes du pays de le sauver d'extrême urgence.  

En finir avec ce qui pourrit la République

Si l'état du pays est si grave, c'est que quelque chose y a pourri, bien plus dans les mentalités que dans les manifestations de la vie publique. Aussi, sans trop se tromper au vu de ce qui se passe d'inadmissible dans le pays, on pourrait reprendre la célèbre réplique de la tragédie du prince de Danemark, la reformulant à peine : « Il y a quelque chose de pourri en République de Tunisie ».

Comme dans le drame tiré du récit historique de Saxo Grammaticus ayant donné la plus célèbre oeuvre théâtrale de Shakespeare, le spectre de la révolution est apparu à ses sincères enfants leur apprenant qu'elle a péri assassinée par les élites au pouvoir. Doit-on alors attendre que la folie, qui a déjà été inoculée à une certaine frange de notre jeunesse l'amenant au désespoir d'aller périr en mer ou sur les champs des batailles idéologiques, gagne tout le pays pour réagir, dire le vrai, rendre justice aux idéaux mis à mort de la révolution?

On ne s'est pas suffi d'embrigader les jeunes, les poussant au terrorisme, à la mort, mais on pratique au grand jour un terrorisme mental fait du rejet d'autrui, d'exclusion et d'anathème, usant de fausse lecture d'une foi qui n'a jamais été aussi caricaturée. On arrive ainsi à faire revivre au pays un triste épisode de son histoire, voyant des intérêts voraces le ruiner, offrant au marché, pour satisfaire le capital mondial au nom d'un dogme perverti, les possessions du peuple, dilapidant ses biens.

On voit aussi le souci de l'ordre plus prompt à la surveillance des moeurs paisibles que les menées haineuses, se servant de lois scélérates toujours en vigueur assurant l'impunité aux vrais coupables, mais en harcelant de faux, coupables d'innocence, les brimant en restreignant leurs libertés. Et nos députés, au lieu d'abolir la cause et l'effet de tout cela, les lois liberticides de la dictature et du protectorat, continuent à servir leurs propres intérêts avec l'argent d'un peuple pauvre, arrivant difficilement à joindre les deux bouts. Ainsi, les élites du pays sont délitées et coupées des réalités du pays, se souciant comme d'une guigne de leur devoir éthique d'agir à instaurer l'État de droit.

Aussi, ce vers quoi va la Tunisie est de perdre la raison et, comme Ophélie, se noyer dans les dettes scélérates perdant le semblant de souveraineté qu'elle a encore. Comme dans le drame, le duel entre les seigneurs actuels de la politique, ces vrais saigneurs du peuple, ne fera que du mal au pays, car l'épée empoisonnée de celui qui parle au nom d'un islam dont il fait une lecture daéchienne finira par achever celui qui se veut gardien de l'esprit de l'éthique et du droit, un esprit galvaudé sinon foulé au pied. Il est bien temps que les vrais patriotes — et il en reste, mais sont démobilisés ou tenus à l'écart — agissent afin que s'arrête la mascarade devenue tragédie et qu'on cherche sincèrement à sauver le pays en grave danger imminent.

Or, voici un nouveau gouvernement qui est appelé à se mettre en place, gouverner enfin le pays. La seule façon de le faire sans trop de dommages pour le peuple est de déplacer la bataille sur le plan de la légitimité législative afin de rétablir l'État de droit, instaurer une société de droits ; c'est ainsi qu'il sera possible de sortir le pays de l'impasse actuelle. Ce qui suppose de cesser de pratiquer la fraude des mots comme disait Platon, s'en tenir à l'éthique de la juste parole que commande nos valeurs, notamment islamiques ; ce qui impose d'oser de passer de la politique politicienne à la poléthique, une politique éthique. 



Consacrer l'éthique en politique : la poléthique

Il n'est ni aisé ni évident d'avoir la lucidité et le courage de passer de la politique, surtout politicienne, à la politique éthique, avec ses lettres de noblesse. Outre la capacité et le cran de défier le dogmatisme ambiant mortifère, il importe d'avoir le sens du réel qui ne se réduit pas au principe de réalité si réducteur et que ne permet qu'une clairvoyance à toute épreuve, un bon sens, un savoir-faire politique en plus d'un charisme manquant cruellement en ces temps de poltronnerie généralisée et de turpitudes qui se parent des atours trompeurs de la morale.

Le drame shakespearien étant par excellence celui de l'accession à la conscience et à la liberté, il n' y a pas de fatalité en cette Tunisie du drame d'Hamlet à l'inertie ou à la médiocrité ; il n'y a que celle que commande la providence, notre pays étant désormais en pilotage providentiel. C'est donc bien la fatalité de l'éthique en politique et qui sera une poléthique ou elle ne sera plus. Plus que jamais, le monologue d'Hamlet : To be or not to be…   (Être ou ne pas être…) — probablement le plus célèbre de la littérature anglaise — est bien la seule question se posant en Tunisie aujourd'hui. Or, Hamlet finit par avoir gain de cause, accomplissant sa vengeance, tout en y laissant sa vie. Est-ce une telle fin que veulent nos politiques à notre peuple ? 

La situation catastrophique actuelle de notre pays, comme le dit Sartre, « laisse entrevoir cependant ce que sera une éthique qui prendra ses responsabilités en face d'une réalisation humaine en situation ». Alors, il est bien temps de dire adieu à la politique politicienne aux vues cacochymes. Les caciques de la politique à l'antique, laïcs comme religieux, sont déconsidérés ; allez, ouste, du balai ! Ce qui se passe dans le pays est la preuve du délitement fatal de nos élites actuelles. Il est donc temps qu'apparaisse un chef charismatique intègre, faisant de la politique une poléthique ! Ce sera l'intégrité contre l'intégrisme religieux et profane, la foi policée versus la foi policière.

Aussi, le nouveau gouvernement se doit-il de quitter les sentiers battus de la politique pour oser proposer ce qui serait un remède de cheval aux maux du pays, évidents comme occultes, les premiers étant les moins importants, car se nourrissant des seconds. Voici donc en un package une sorte de pharmakon, ce remède des anciens dans le cadre d'une politique tenant compte du réel qui est celui d'une action au local, insérée au plan global, l'environnement du pays, duquel il ne saurait se dégager. 

Au local, comme on ne peut satisfaire de sitôt par le travail et une vie décente les légitimes revendications à la dignité, qu'on reconnaisse au moins sa dignité au peuple d'avoir ses droits et ses libertés ! Ce qui commande d'abroger sans délai les textes attentatoires aux libertés privées et aux moeurs, la police se devant de défendre la vie privée, non de la bafouer. Sans attendre le parlement ou l'installation de la Cour constitutionnelle, on doit geler les lois liberticides que nos juges et nos sécuritaires appliquent alors qu'elles sont illégales, nulles de nullité absolue. Jusqu'à quand donc, pour un esprit légaliste comme celui à la tête du pays, tolérer pareille hérésie ?  

Au global, la Tunisie ne pouvant se sortir de sa misère sans l'Europe, comme cette dernière au sortir de la Seconde Guerre mondiale des États-Unis, un plan Marshall européen est nécessaire pour un pays en guerre contre des terrorismes périlleux pour toute la Méditerranée et au-delà, et bien plus que ne l'est le coronavirus. Pour susciter cette aide salutaire, il faut avoir la lucidité et le courage de déposer officiellement une demande d'adhésion médiate de la Tunisie à l'Union européenne avec l'instauration immédiate de la libre circulation humaine sous visa biométrique de circulation.

De telles mesures revitaliseront le droit dans le pays en l'arrimant à un système juridique qui fonctionne et transformeront la dépendance informelle actuelle en une dépendance réelle avec des droits. Surtout, elles ramèneront l'espoir dans le coeur des Tunisiens, les jeunes notamment, les rendant moins sensibles aux sirènes intégristes, au désespoir actuel. 

Publié sur Réalités Magazine
n° 1805/1806 du 6 au 19 août 2020 (pp. 24-25)