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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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mardi 12 mai 2020

L’exception i-slamique 5

La Tunisie au temps de la maladie
Retrouvailles avec les mauvaises habitudes



On sait que les habitudes ont une faculté de résilience qui défie tout entendement ; celles de l’abus d’autorité en sont l’exemple type. On le vérifie en notre Tunisie, mais pas seulement, il est vrai, au temps de la maladie du nouveau virus Corona. Montesquieu ne considérait-il pas la peur comme la source de toute tyrannie ? Toutefois, chez nous, alors que l’État de droit n’est encore qu’une chimère avec la législation de la dictature encore en vigueur et l’absence de cour constitutionnelle, les dégâts sont amplifiés par des réflexes devenus quasiment une seconde nature chez les gouvernants.

Réflexes du passé

À la faveur de la pandémie controversée du Covid-19 et la panique orchestrée à l’échelle mondiale, le gouvernement semble retrouver les réflexes autoritaires d’antan. On l’a vu dans la gestion du confinement et du déconfinement ciblé où l’on maîtrise l’art de la répression bien mieux que celui de la pédagogie et surtout de l’imagination au pouvoir. Ainsi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a-t-il critiqué sévèrement le décret organisant le déconfinement, y voyant une dérive dangereuse vers l’ingérence des autorités dans la gestion d'une justice supposée indépendante. Venant après les mesures restrictives des libertés du confinement, ce décret a même comporté des maladresses traduisant moins des erreurs ou omissions qu’une vision antique de la Tunisie et des droits citoyens, notamment ceux aussi sensibles touchant à la condition de la femme.

Le CSM parle de « politique du fait accompli » pour le décret gouvernemental ; et on pourrait étendre le qualificatif à toute la gestion de la situation induite par la pandémie du Covid-19 dont notamment le report sine die au parlement des séances supposées être l'urgence des urgences pour l’instauration de la Cour constitutionnelle. Pourtant, on a bien trouvé du temps pour organiser un vote sur ce qui demeurait bien moins important que cette question de vie ou de mort de la démocratie tunisienne et de son modèle de gouvernance que représente l'instauration au plus tôt de la Cour constitutionnelle.

Or, l'État de droit en Tunisie demeurera en danger tant qu’on n’aura pas débarrassé le pays de ses lois scélérates. Le CSM qui a lancé un appel  au président de la République et au président de l’ARP pour assumer leurs responsabilités face à la « dérive constitutionnelle » qu’il dénonce concernant ses attributions devrait aussi en faire un autre concernant l’état des droits et des libertés dans le pays au moment même où le syndicat des journalistes alerte, pour sa part, sur les dangers encourus, par ailleurs, par la liberté de la presse.

Droits et libertés menacés

On le vérifie bien tous les jours dans le quotidien citoyen, mais aussi à tous les niveaux avec une censure qui tente de revenir en force, pointant son nez par exemple à la faveur de cette alerte émanant de l’autorité supposée réguler les médias. Elle s’offusque, en effet, que l’on ose critiquer un aspect certes à ne pas généraliser, mais qui n’a pas moins existé, au prétexte que cela porte atteinte à l’honneur des patriotes tunisiens que furent les fellaghas. Il s’agissait d'une scène dans un des feuilletons du ramadan évoquant un incident bien réel, parmi tant d’autres drames, où les valeureux patriotes se sont laissés aller à des pulsions humaines par trop humaines. Fallait-il s'offusquer d'une réalité aussi brusque et fruste au point de demander la censure du passage l'évoquant comme l'a demandé la Haica ? Et que dire de l'attitude de cette même instance face à un autre feuilleton pour des scènes jugées par trop violentes, appelant à les occulter à la vue du public de moins de seize ans ? Nos jeunes, et nos enfants même, ne sont-ils pas abreuvés de violence dans leur vie de tous les jours ? Ne vaudrait-il pas mieux agir plus utilement en s'attaquant aux sources de la violence qui court les rues, surtout que la violence morale est quasiment institutionnalisée dans les mentalités avec les lois de la dictature annulées par la constitution, mais toujours appliquées par les juges et dont les conséquences encombrent nos tribunaux ?

L’une de ces lois scélérates a valu à une jeune blogueuse d’être inquiétée pour avoir partagé une publication jugée attentatoire à la religion. Mais qu’est-ce donc cette atteinte au sacré qui mue en une atteinte au droit à la libre expression qui est non seulement garantie par la norme supérieure du pays, mais aussi par cette religion qu’on prétend protéger alors qu’on ne fait que la caricaturer ? On s’étonne, à ce propos, que le gouvernement n’ait pas encore décidé de donner les instructions qui s'imposent à ses ministres afin que l'on s'arrête de harceler les citoyens pour tout ce que la constitution protège. Cela ne relève-t-il pas de l’urgence de l’instauration de l’État de droit dont on n'arrête de parler sans rien faire de concret ?

Pourquoi donc les ministres de la Justice et de l’Intérieur, chacun dans son domaine particulier, ne décident-ils pas d’appliquer d'office la constitution dans ses dispositions ne faisant nul doute en matière de droits et de libertés, contournant de la sorte la honteuse impasse faire à l’État de droit et à la justice par la perpétuation de lois annulées cette la constitution et qu’on n’applique pas moins encore en toute illégalité ?  De quel droit parle-t-on quand les fonctionnaires de l’État se réfèrent à des textes juridiques et administratifs, telles ces circulaires liberticides, qui sont pourtant légalement nuls de nullité absolue ?

Célébrer, au nom de l'islam, la journée du 17 mai ?

Si notre adhésion à la démocratie est authentique et bien avérée, ne relevant pas de la politique du mensonge si répandue de nos jours, il nous est impératif de secouer au plus vite le cocotier de l’illégalité dans le pays. La meilleure façon de le faire, avec des résultats assurés, est de s’attaquer avec courage aux questions sensibles, habituellement honteusement tus. En effet, du fait de leur symbolisme, ils sont de nature à faire oeuvre d'électrochoc salutaire, seul désormais en mesure de sauver l’État de droit bien mythique encore en Tunisie.

Comme on a osé fermer les mosquées pour cause de pandémie (bien que des témoignages rapportent que certaines recevraient en catimini les orants), et comme on se réclame des standards internationaux des droits humains, pourquoi donc ne pas oser célébrer cette année, comme tous les pays démocratiques, la journée mondiale de lutte contre l’homophobie du 17 mai, surtout qu'elle tombe en plein ramadan ? Et pourquoi ne pas le faire, justement, au nom de l'islam ?

N’est-ce pas la seule façon de débloquer enfin les mentalités d’autant plus qu’il a été désormais établi que l’islam n’a jamais été homophobe ? Surtout que cela serait possible en couplant la célébration de la journée mondiale avec le rappel du souvenir de ce jeune marocain gay assassiné en Belgique et qui était un musulman pieux respecté de tous et que défend son père, musulman pratiquant.

Il s’appelait Ihsane Jarfi et la Belgique, son second pays honore son souvenir chaque année grâce à la fondation dédiée par son père à sa mémoire et qui organise tous les 17 mai une journée rappelant le martyr d'Ihsane Jarfi et qui est celui de tous les homosexuels musulmans. La Tunisie, au travers de sa société civile, oserait-elle importer une telle journée alors que les militants anti-homophobie s’y refusent étant par trop influencés par la conception occidentale islamophobe tenant à aligner l’islam sur l’homophobie judéo-chrétienne ?

Faut-il rappeler encore que l'homophobie est bel et bien un crime qui brime des innocents et qu'il n’est devenu tabou en un islam qu’il défigure qu’à la faveur du colonialisme occidental ? En effet, en Tunisie, ce n'est qu'un legs du protectorat, le crime homophobe n'ayant pas existé auparavant. À défaut d'agir, en ce ramadan, à bon escient, n'est-il pas temps aux gens de bonne volonté, pour le moins, de méditer sur cette flagrante injustice qui n'a pas cessé de faire du tort à une foi qui est, par essence, est celle de la justice ? En ce mois de piété, n'est-il pas temps de se souvenir enfin que la première piété est la pratique, en conscience, de la vérité sinon en acte et en parole, du moins en pensée ?