De l'état d'urgence à l'urgence de l'État de droit
Les dès en sont jetés; les autorités ont décidé l'état d'urgence. Cela dénote à quel point la situation est grave. Toutefois, cette gravité est loin de n'être que celle des préoccupations motivant l'état d'exception.
Le déficit avéré de l'État de droit
Le terrorisme mental, celui que cultivent certains dogmatiques extrémistes en col blanc, aussi bien religieux que profanes, est bien plus grave encore. C'est lui qui nourrit le terrorisme n'arrêtant d'endeuiller notre pays dont l'âme reste paisible, étant hédoniste.
Nos élites croient à la nécessité de lois répressives pour contrer la dérive de notre jeunesse vers le terrorisme alors que l'arsenal juridique du pays est déjà scélérat ; aussi, on ne fera qu'alimenter encore plus le terrorisme !
Car le terrorisme se nourrit du déficit d'État de droit et d'absences de lois et de libertés. Alors, il s'installe dans les cerveaux créant son équivalent mental responsable du lavage de cerveau des jeunes désespérés qui sont aussi victimes que leurs victimes.
Nos jeunes sont trop brimés déjà dans leurs libertés basiques; ils n'ont plus rien à perdre en cédant aux sirènes intégristes puisqu'ils croient donner ainsi un sens à une vie qui en est dépourvue faute de droits et libertés. Leur en ôter encore, revient donc à attiser le feu terroriste.
Le terrorisme est d'abord dans les têtes
Nos religieux ainsi que les dogmatiques occidentaux versent dans un même extrémisme encourageant le terrorisme physique.
Les premiers quand ils croient que la défense de la religion est dans le maintien des lois liberticides de la dictature, tels ces textes homophobes et criminalisant la consommation du cannabis ou interdisant l'alcool.
Ils se rendent encore plus coupables en osant faire l'éloge d'un type de jihad révolu qui s'est pourtant éteint comme la hijra. En n'osant pas appeler au seul jihad licite en islam, le jihad majeur, ils ne sont que les complices objectifs des terroristes.
Les seconds, nos partenaires occidentaux, sont aussi coupables en fermant les frontières de leurs pays pour une illusoire invasion alors qu'ils savent que l'on ne peut pas empêcher une constante anthropologique humaine qui est l’expatriation.
Ils créent ainsi une immigration clandestine dont ils profitent tout en poussant au désespoir nos jeunes privés de leur droit de circuler librement et tenter leur chance ailleurs pour vivre dignement au lieu de se laisser aller à quêter un sens à leur vie sur les chemins de traverse. Or, une technique infaillible, respectueuse des réquisits sécuritaires existe pour en finir avec cette monstruosité d'immigration clandestine devenue criminogène : j'ai nommé le visa biométrique de circulation.
Comme l'eau stagnante, un jeune condamné à vivre dans une réserve où les lois le privent du moindre droit de vivre et d'aimer finit par avoir l'esprit dérangé et se laisse manipuler par les experts en terrorisme, cette banalité du mal.
Une urgence des libertés publiques et privées
Pour lutter efficacement contre l'hydre de nos temps, il n'est aucune autre alternative que celle de plus de droits et de libertés.
Le monstre terroriste possède au moins deux têtes. Il ne suffit donc pas de mesures destinées à décapiter la tête apparente, le terrorisme physique ; il est encore plus important de cibler l'autre tête, celle où git le cerveau moteur, le terrorisme mental.
Un tel terrorisme est d'abord dans l'instrumentalisation de la religion au nom d'une moralité qui, à force de négations des libertés, en devient immorale. Interdire une liberté basique comme celle de ne pas faire publiquement ramadan ou de boire de l'alcool, y compris le vendredi et durant ramadan, ou encore de se vêtir à sa guise, se couvrant totalement ou se dénudant, ce n’est qu'attiser le rejet de l'autre. Or, son respect, surtout dans sa différence, est la garantie absolue de l'état de droit, seule parade efficace contre les terrorismes, physique et mental.
Qu'on continue à laisser le pays régi par des lois scélérates telles celles évoquées ci-dessus, et on encourage alors les terroristes en col blanc, leur donnant carte blanche pour laver les cerveaux de nos jeunes et les embrigader pour en faire de la chair à canon. Qu'on continue à accepter le diktat européen de fermeture encore plus draconienne des frontières en signant un accord scélérat pour une fausse mobilité et une injuste réadmission sans admission libre, et on scelle encore plus l'immobilité de nos jeunes qui n'en seront que plus encouragés à rejeter ceux qui les rejettent et tenter l'aventure terroriste !
Il est temps que l'on comprenne que la dictature qui est encore en place par son arsenal répressif doit être abolie, car elle l'a déjà été dans la tête du peuple. Or, ce n'est pas le cas dans celle des élites; c'est ce qui fait ce décalage énorme entre nos dirigeants dramatiquement déconnectés des réalités de leur peuple.
On assiste à un conflit d'imaginaires : celui du peuple cherchant plus de libertés, et celui de ses dirigeants, cramponnés à l'autoritarisme d'antan. Or, on est en postmodernité, âge des foules, et c'est l'imaginaire populaire qui aura le dessus. Il faut donc que notre classe politique se ressaisisse en profitant de cet état d'urgence pour déclarer urgente l'abolition des lois les plus scélérates en vigueur, à commencer par ce qui est plus symbolique, car s'attaquant de front au dogmatisme des extrémistes religieux et profanes.
Sur le plan interne :
Que l'on abolisse solennellement la loi 52 criminalisant la consommation des drogues douces, ce que recommandent d’ailleurs les Nations Unies; *
Que l'on abolisse l'article 230 du Code pénal, préalable nécessaire pour l'admission inévitable du différent, l'homosensuel en étant la figure emblématique. Un texte en l'objet a été communiqué aux autorités.**
Sur le plan externe :
Que la Tunisie demande solennellement que le visa biométrique de circulation soit substitué au visa actuel instaurant le libre mouvement de ses citoyens. Un tel visa est conforme sécuritairement à l'actuel tout en étant respectueux de la légalité internationale, compensant la concession octroyée par la Tunisie quant au prélèvement des empreintes digitales de ses nationaux par la délivrance dudit visa automatiquement, pour une période minimale d'un an et avec entrées et sorties multiples;
Que la Tunisie exige que sa dette, pour la plupart scélérate, bénéficie d'un moratoire immédiat, seule solution afin de permettre à l'économie de se redresser. Ses partenaires les plus sérieux ne sauraient refuser une telle demande qu’exige la situation du pays.
Publié sur Al Huffington Post