L'outrage à la pudeur de nos juges et de notre classe politique
Au lendemain du terrible drame terroriste, on apprend qu'un citoyen a été arrêté pour détention… d'alcool.
On croit rêver ! Il ne s'agissait ni d'armes ni d'engins de mort, mais bien d'un produit inoffensif.
Ainsi nos agents de l'ordre continuent-ils à se préoccuper moins des terroristes que d'innocents citoyens !
Et pourquoi arrêter un innocent et le condamner à la prison avec sursis ? Pour un abracadabrant outrage à la pudeur !
La vraie pudeur et son statut en islam
Rappelons à nos juges et à nos législateurs que la pudeur, au vrai, est cette tendance chez l'humain à éprouver de la gêne ou de la honte devant quelque chose de nature généralement sexuelle. Y avait-il la moindre exhibition sexuelle en la matière ? Pourquoi faire relever de la pudeur ce qui n'en relève point ?
On nous dira que c'est l'islam qui le veut ! Or, déjà en islam, tant que cela ne relève pas de la pornographie, il n'y aucune pudeur à avoir en matière sexuelle.
Ainsi, le premier pèlerinage islamique après la conquête de La Mecque s'est fait selon la tradition arabe des pèlerins, hommes et femmes, faisant nus leur circumambulation autour de la Kaaba. Ce n'est que par la suite, sous l’influence de la tradition judéo-chrétienne, que le péché de la nudité a été introduit en islam où il est inconnu.
Nos juges violent aussi l'islam en étendant l'outrage à la pudeur à la détention d'alcool. En effet, il n'y est nulle interdiction de la détention d’alcool et de sa consommation tant que l'on n’atteint pas le degré d'ivresse. Comment condamner au nom de l'islam une détention d'alcool quand l'ange Gabriel lui-même en a offert au prophète un verre lors de son voyage nocturne ?
De fait, tous les textes supposés islamiques en matière de pudeur ne le sont pas, l'islam ne connaissant pas une telle fausse pudeur.
L'impudeur de nos juges et de notre classe politique
Comme la pudeur est aussi la discrétion et la retenue qu'une personne délicate éprouve devant ce que sa dignité semble lui interdire, on est en droit de dire que nos dirigeants et nos juges en manquent véritablement.
Que dire d’autre quand ils continuent d'appliquer des lois scélérates datant du temps de la dictature qui sont pourtant attentatoires à leur dignité même de démocrates et de responsables d'un peuple ayant fait une révolution pour retrouver sa dignité spoliée par l'ancien régime ?
C'est une nouvelle honte qui s'ajoute au registre des turpitudes du pouvoir en place ternissant davantage sa prétention d'ériger un État de droit en Tunisie.
Et quelle dignité nos juges et non politiciens ont-ils en continuant, comme si de rien n'était, à user et abuser de textes de lois devenus juridiquement caducs du fait de l'entrée en vigueur de la Constitution ?
Quelle décence a donc le pouvoir en continuant à se couler dans le moule de la dictature supposée déchue ? Quelle pudicité peuvent invoquer les juges en agissant contre l'éthique qui commande qu'ils respectent les droits et libertés consacrés au nom du peuple dans la Constitution et qui contredisent les textes qu'ils appliquent au nom de la pudeur ?
Comme nos politiciens violent leur légitimité même en se retenant d'abolir l'arsenal répressif de la dictature, les juges auraient dû et devraient s'abstenir de les appliquer, car ils rendent la justice au nom du peuple.
Ces magistrats ratent ainsi l'occasion de démontrer qu'ils méritent l'indépendance qu'ils réclament à cor et à cri. Or, ils ne la méritent nullement étant au service de l'ordre juridique de l'ancienne dictature et non du peuple. Ils sont ainsi aussi illégitimes pour le peuple que les politiciens et les députés qui ne veulent rien faire pour mettre fin aux instruments juridiques par lesquels la dictature l’asservissait.
Certes, une fiction juridique conditionne l'abolition des textes liberticides actuellement en vigueur par des textes d'application qui ne sont pas pris à dessein. Cela relève de la turpitude des gouvernants et on sait que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude (adage du nemo auditur) surtout pas les responsables censés empêcher une telle turpitude ! Sauf à être déclarés irresponsables !
En finir avec le vrai outrage à la pudeur
Il est temps que nos juges, nos politiciens et aussi nos agents de l'ordre se réveillent de leur terrible confusion des valeurs leur faisant croire islamique des manifestations de la tradition judéo-chrétienne infiltrée en islam et se retrouvant dans les textes désormais illégitimes et même illégaux de la dictature.
Les agents de l'ordre honnêtes servant véritablement la patrie et leur foi authentique ne devraient légitimement plus accepter d'appliquer ces textes de lois de la honte qui de plus sont coloniaux traduisant moins l'esprit libre et libertaire de l'islam que la religion du colonisateur français.
Qu’ils sachent que la pudeur en islam est dans la bienséance, le bon ton et la délicatesse et non dans la contrainte, la gêne et la pudeur affectée, excessive et sans vergogne.
Il n'est nul puritanisme en islam; nos juges, nos politiques et nos forces de l'ordre doivent se le rappeler et cesser leur pudibonderie et leur pruderie annonçant le retour à la dictature dont ils gardent et respectent précieusement les lois honteuses.
Ces lois scélérates sont, pour de vrai, le véritable outrage à la pudeur et au tact d'un peuple qui a su toujours vivre ses droits et libertés en catimini certes, mais avec sagesse, sobriété, tenue et vertu.
Vivement donc plus de congruité à la tête de l'État ! Car agir comme on vient de le faire, c'est aussi encourager le terrorisme en Tunisie.
Que le ministre de l'Intérieur saisisse donc cette occasion pour appeler à l'ordre ses agents pour plus de retenue et respect des libertés privées !
Que le ministre de la Justice fasse appel de ce jugement honteux et réclame la relaxe pure et simple !
Que le syndicat et l'association des magistrats justifient leur revendication à une totale indépendance de la magistrature en appelant les juges à ne plus appliquer la législation impudique de la dictature s'ils veulent mériter une telle indépendance !
Publié sur Al Huffington Post