Les priorités
du dialogue national au vu de la nouvelle donne politique
Le dialogue national reprend, et il était temps
! Comme il a su sortir le pays de la grave crise qu’il avait connue, il est
appelé à lui éviter celle qui se profile s’il laisse les choses aller comme on
semble s’y résoudre.
Voici une adresse aux parrains du dialogue
national sur les priorités qui doivent être celles du dialogue national dans
l’intérêt bien compris de notre jeune démocratie que les intérêts partisans
sont susceptibles d’étouffer avant même sa naissance. Or il ne fait plus de
doutes désormais que cet intérêt est lié à la présence à la tête du
gouvernement de l'équipe actuelle, les partenaires occidentaux n'ayant ouvert
les cordons de leurs bourses qu'avec la garantie d'une telle stabilité.
Une adresse au Quartette
Madame et Messieurs,
Vous êtes aujourd’hui la seule légitimité qui
compte en Tunisie, une légitimité consensuelle. En effet, sauf à faire de
l’immoralité une règle en politique qui a plus que jamais besoin d’éthique, la
légitimité électorale est aujourd’hui épuisée en Tunisie.
Vous avez réussi à sortir le pays de l’impasse
où il s’était retrouvé et que les institutions mises en place au sortir de la
dictature n’avaient su ni éviter ni résoudre.
Vous avez su doter le pays d’un gouvernement
apolitique à la place d’un autre qui était partisan et qui a fait trop de mal
au pays. Or, la coalition dont était issu l’ancien gouvernement est toujours au
pouvoir et votre devoir et de l’inviter à le quitter pour être remplacée par
des compétences apolitiques à la tête de l’Assemblée nationale et de la
présidence de la République.
Car l’intérêt du pays commande aujourd’hui que
le gouvernement apolitique travaille en étroite concertation avec d’autres
compétences apolitiques à la tête de l’État. Pour ce qui est de l’Assemblée
nationale, sa compétence doit se limiter à apporter d’urgence les réformes
nécessaires à l’arsenal juridique actuel qui est en contradiction avec les
droits et libertés consacrés par la constitution.
Par ailleurs, les élections nationales
projetées ne serviront qu’à renouveler la légitimité des grands partis qui ont
taillé à leur mesure le scrutin électoral.
La démocratie dont tout Tunisien rêve ne
sortira pas des urnes au vu du système électoral retenu; elles reproduiront le
même scénario, à peu de chose près, que celui de l’élection précédente. Une
coalition en sortira qui cherchera à rétablir le prestige et l’autorité de
l’État aux dépens des droits et des libertés des citoyens reconnus par la nouvelle
constitution, mais pas encore effectifs, le système juridique en vigueur étant
toujours celui de la dictature.
Le service de la patrie ou des partis
Aujourd'hui, vous avez le devoir national de
décider dans l’intérêt du pays la substitution d’élections municipales et
régionales aux élections législatives et présidentielles tout en chargeant un
groupe d’experts de remplacer le scrutin de liste retenu par un scrutin
uninominal rationalisé supposant un contrat de mission s’imposant à l’élu.
Ainsi, la Tunisie revivra-t-elle, le peuple choisissant
ses élus locaux et régionaux et renouant avec une politique dont l'esprit et la
pratique ont été malmenés par ses actuels protagonistes. Dans le même temps, le
gouvernement de compétences travaillera, de concert avec des présidences
neutres au Bardo et à Carthage, à faire retrouver le pays sa santé économique
et sociale.
Ce ne sera qu’après, une fois que le pays aura
retrouvé la santé qu’on pourra organiser des élections nationales; mais pas
avant. C’est ce que commande l’intérêt du pays pour tout observateur objectif
et lucide, dégagé du moindre intérêt partisan. Et vous êtes comptables d'un tel
intérêt, Madame et Messieurs du quartette. À vous de démontrer que vous êtes bien
au service de la patrie et non des partis !
Et qu'on ne vous parle pas de légalité
formelle, car dans la hiérarchie des normes postmodernes, il est une norme
absolue dont on ne peut plus faire l'économie : une conscience nouvelle. Elle
puise sa légalité informelle dans une légitimité organique, enracinée au plus
profond de l'esprit de la révolution. Vous êtes en mesure d'incarner cette
noblesse de la politique qui ne fait plus fi de l'éthique !
Publié sur Leaders