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dimanche 23 mars 2014

Dialogie, trajet anthropologique 6

Pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, osons la fraternité !

  

C'est ce à quoi exhorte le rapport fort intéressant du Sénat français qui vient d'être rendu public. Présenté au nom de la Délégation sénatoriale à la prospective par le sénateur Yannick Vaugrenard, il est intitulé, en effet : « Comment enrayer le cycle de la pauvreté ? Osons la fraternité ».
Le rapporteur constate qu'en dépit du niveau élevé de la protection sociale, des différentes politiques en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion et le nombre grandissant d'associations caritatives, la pauvreté ne cesse de progresser en France et même en Europe. Touchant de plus en plus des publics déjà fragilisés, comme les jeunes les mères célibataires, les personnes âgées et les plus pauvres des travailleurs, elle est encore plus dure à supporter à cause de la récession économique. Le rapport va même jusqu'à évoquer une hérédité de la pauvreté condamnant des générations entières à ne pouvoir échapper à un sort scellé d'avance.
Pour aider à briser ce qu'il appelle « cycle dramatique », en enrayer le développement continu, le rapporteur propose des pistes d'action et des voies de réflexion pour ce qui devrait être considéré comme une cause nationale. Se situant dans un cadre d'une réflexion prospective à hauteur de l'an 2030, il examine d'abord la question à l'échelle européenne où il constate une gestion de la question de la pauvreté et de l'exclusion « au fil de l'eau », une gestion qui est au mieux à peine compatissante. En effet, la pauvreté y est ignorée et/ou perçue selon une gestion nationaliste bien incapable d'en faire la misère hors-la-loi que devrait permettre le « scénario vertueux » des gouvernants.
À l'échelle nationale, le rapport assure que la pauvreté n'est pas seulement dans les poches, mais qu'elle est surtout dans les têtes, tout comme nous le disions ici même de la crise. Stigmatisant le manque de fiabilité des indicateurs, partant d'une pertinente analyse de terrain, il identifie ce qu'il qualifie de leviers d'action pour gérer la pauvreté en amont et en aval.
Dans ce travail nécessaire, trois objectifs sont distingués comme prioritaires. D'abord, la prise de conscience des différents visages de la pauvreté qui est tragiquement de plus en plus banalisée. Ensuite, l'instauration impérative de la confiance en repensant le modèle social qui est prompt à stigmatiser avec de nombreuses idées reçues. Enfin, et cerise sur le gâteau, avoir le courage d'oser la fraternité. Parmi les mesures proposées à ce niveau, on relèvera surtout celles appelant à passer de « l'État infirmier » à « l'État investisseur » et commandant de satisfaire les exigences de proximité et de promotion de la participation en citant même quelques expériences pionnières réussies.
Ce rapport fort instructif dont on ne peut rendre compte de manière exhaustive de la richesse en si peu de place devrait être étudié à la loupe par nos responsables en charge des questions sociales, la situation en Tunisie n'étant que la réplique aggravée, portée à la puissance infinie, de la situation en France. Et ce malgré nombre d'atouts existant dans notre pays avec lesquels le rapport suggère de renouer, telle cette fraternité qu'il appelle de ses vœux.
Assurément, celle qui existe chez nous, si elle était renforcée par une véritable politique franche et honnête manquant cruellement encore, ferait bien des merveilles dans un pays qui survit grâce à une solidarité inclusive performante, relevant de l'informel et du familial toutefois. Les mesures du rapport pourraient venir la fructifier, en faire une solidarité organique généralisée, articulée à un système de développement solidaire. Avis à qui de droit.


Publié sur Leaders