Être inerte, c'est
être battu, disait un fin connaisseur de la stratégie politique et militaire,
le général de Gaulle. Qu'attend donc le gouvernement actuel pour agir ?
S'il refuse vraiment de se saborder comme la logique de la situation l'impose,
pourquoi n'agit-il pas ?
Le précepte du général
est toujours de mise et vaut pour la crise d'aujourd'hui où s'affrontent
confusément appétits voraces, enjeux de pouvoirs et légitimités concurrentes.
À près de trois ans
après son déclenchement, la Révolution tunisienne est sommée de refuser
l'inertie et de bouger, de se mobiliser, d'avancer : bref, d'agir pour changer
le pays. Sinon, elle sera perdue. Perdue au grand dam de tous ceux des deux
camps qui s'opposent, eu égard aux espoirs soulevés. Et les deux camps, pour
l'essentiel de leurs membres, seront alors immanquablement battus
par tous ceux pour qui la réussite de la Révolution a constitué et constitue
sinon une menace, du moins une exception intolérable.
C'est l'instabilité à
répétition que se doivent de vaincre en premier les plus sincèrement voués à
l'intérêt du pays. Or, cette instabilité a des causes internes et externes.
Aussi doivent-ils s'y attaquer, car le temps lutte contre eux. D'autant que
l'époque est aux fausses recettes préférées aux réponses innovantes.
Fausses recettes que
de penser redresser l'économie du pays en faisant appel aux capitaux étrangers
sans avoir de projet économique aux aspects concrets susceptibles d'obtenir
l'adhésion la plus large du peuple en vue de le réussir. Car la loi du marché
impose un prix à tout recours au capital étranger, ne serait-ce qu'en termes de
souveraineté. Plus la Tunisie est faible à revendiquer le respect de sa
souveraineté, plus le prix à payer sera élevé.
Or, la souveraineté du
pays est celle de son peuple; et celui-ci est en droit d'exiger une économie
sociale solidaire; et c'est possible si on arrêtait de lui imposer les
préceptes d'une économie libérale pour satisfaire aux diktats des financiers
internationaux. Sinon, si
on devait s'y résoudre, autant le faire en allant jusqu'au bout de la logique
du régime libéral avec l'ouverture des frontières, aux marchandises certes,
mais aussi et surtout à leurs véritables créateurs, les femmes et les hommes. Et pareille ouverture peut et doit se
faire moyennant un instrument respectueux du réquisit sécuritaire, à savoir ce
que je propose comme visa biométrique de circulation. D'autant plus qu'outre
son respect de la souveraineté étatique, cette formule inévitable de
circulation future ouvre des horizons devant une jeunesse réduite à vivre dans
une réserve et d'y cultiver le rejet et la haine de l'autre qui la rejette, et
ce dans un aspect fondamental relevant des droits basiques de l’Homme.
Voilà donc une action que
le gouvernement actuel peut immédiatement concrétiser en plus de dénoncer le
prêt du FMI et la dette scélérate de l'ancien régime dans le cadre d'un audit à
décider incontinent.
Qu'attend-il alors pour
sortir de son inertie du moment qu'il fait de la résistance et ne veut pas
plier aux appels à la raison montant de toutes parts le
sommant de démissionner ? N'est-ce pas mieux que de jouer au pourrissement
d'une situation explosive qui finira par l'emporter, et tout le régime, avec
les drames inévitables lors des changements radicaux ?
C'est d'un langage
s'adressant tout autant au cœur qu'à la raison que doit user le chef du
gouvernement et non de rodomontades ou de langue de bois. C'est aussi de vérité
qu'il doit rendre compte au peuple, parlant de sa conduite des affaires, notamment sur les
causes de l'insécurité actuelle, ses tenants et aboutissants dont il a, pour le
moins, une des clefs d'explication.
Alors, agir et de
manière spectaculaire pour frapper les esprits en s'adressant à l'imaginaire populaire, comme
d'annoncer la candidature de la Tunisie à l'adhésion à l'Union Européenne en
point d'orgue de modulation ou de prolongement des mesures précédemment
évoquées, ne serait-ce pas une manière intelligente de contrarier un sort que
tout porte à croire scellé et qu'impose, en tout cas, l'inertie actuelle du gouvernement ?
Qu'il la brise aussi,
en annonçant une autre mesure à forte charge symbolique consistant à insérer
dans la constitution deux marqueurs majeurs de la modernité démocratique : la
consécration de l'abolition de la peine de mort et de la souveraineté du peuple
sur toute autre souveraineté dans le cadre d'un État démocratique et une
société civile pluraliste.
Osera-t-il user de
pareille combinatoire de dernière chance quand elle peut contribuer à changer
la donne et redonner un souffle nouveau au régime ? On ne sait que trop, hélas,
à quel point peut atteindre le poids de l'inertie, avec ses inévitables
conséquences néfastes pour des esprits déjà inertes par dogmatisme !
Ainsi le
gouvernement actuel signe-t-il lui-même
son sort.
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