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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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mercredi 13 novembre 2013

D'altermondialisme à mondianité 6

Pour une diplomatie du troisième millénaire
 
Une stratégie de notre temps :
L'époque que nous vivons à l'entame du troisième millénaire est celle de la fin d'un monde avec son paradigme saturé et une réelle faim d'un monde nouveau par la naissance en cours d'un paradigme original du vivre-ensemble des humains. Notre époque est dominée par des thématiques emblématiques que nous regroupons dans les trois suivantes : Dogmatisme, Solidarité et Islam. Nous en faisons une stratégie en les désignant par le sigle D.S.I. et en accolant à chaque initiale un déterminant qui met l'accent sur le besoin qui en est éprouvé, pouvant être en plus, en moins ou neutre.
Notre pays ayant inauguré la première révolution de ce millénaire, il est amené à développer, tant sur le plan national qu'international, une stratégie innovante, appelée à être en harmonie avec l'esprit du nouveau siècle imprégné des thèmes majeurs précités. La stratégie D.S.I. proposée avec les thèmes majeurs de notre époque et leurs déterminants se présente comme une congruence avec les orientations et les exigences du nouveau millénaire. Et nous la croyons inévitable si l'on s'attache à vouloir la réussite dans notre pays d'un islam politique à la faveur des bouleversements majeurs qu'il vit.
S'agissant plus particulièrement de sa diplomatie, c'est une stratégie en trois volets, formés chacun d'une double action. Cela nous donne : moins de dogmatisme, plus de solidarité et ni plus ni moins d'islam, soit une attitude neutre supposant juste un recours aux principes essentiels de l'islam authentique à redécouvrir par une exégèse renouvelée.
1. Moins de Dogmatisme ou bannir le passé (- D) :
Il s'agit de répudier la pensée unique héritée du passé, non seulement le nôtre, mais celui plus généralement d'un monde fini, et ce pour relever pleinement de l'épistémè postmoderne en gestation.
1.1 : Bannir le passé revient à s'atteler sérieusement à abandonner définitivement les pratiques dévoyées de la dictature en l'étendant à tous les abus, qu'ils soient de veine profane ou d'inspiration religieuse. Ce sont, d'abord, les injustices ayant frappé sous l'ancien régime des diplomates de carrière et non encore levées. C'est aussi l'arbitraire nouveau pratiqué depuis la Révolution dans le cadre d'une action tendant à politiser le ministère des Affaires étrangères et l'instrumenter au service de vues politiques de l'équipe au pouvoir, loin des intérêts de la patrie et de son peuple dans toute sa diversité.
Plus que jamais, notre pays a besoin de tous ses cadres, la diplomatie tunisienne ne pouvant plus se passer de la moindre compétence avérée et de toute bonne volonté disponible.
1.2 : Bannir la pensée unique dogmatique héritée du temps de la dictature porte aussi sur les relations internationales de la Tunisie. Au sortir de l'indépendance, notre diplomatie se voulait adaptée au génie du peuple (et nous employons ici le terme en son sens neutre d'essence) qui est une adaptabilité à toute situation moyennant une modération à toute épreuve.
Si l'on veut se conformer à ce génie, on ne peut pratiquer une diplomatie d'excès et de manichéisme comme on l'a vu avec la pantalonnade ayant accompagné la rupture des relations avec la Syrie. Tout autant, on ne peut continuer d'ignorer la réalité de l'État d'Israël pour de pures raisons dogmatiques et de bas intérêts politiques et idéologiques, notre pays ayant été le premier dans le monde arabe à appeler à tenir compte cette vérité incontournable.
Aujourd'hui, il nous faut réveiller de sa léthargie une diplomatie que la Révolution du peuple a voulue, sur ce chapitre comme sur d'autres, juste (dans le sens de justice et de justesse) de voie et de voix. Or, dans les deux cas cités, on a eu affaire à une diplomatie de cirque qui n'a rien à voir avec le génie de la tunisianité, cette sagesse populaire ancestrale, à laquelle le Coup du peuple a instamment convié de revenir.  
L'effort de justesse et de justice ne s'arrête bien évidemment pas à la question palestinienne empoisonnant les relations internationales pour, entre autres, une impéritie généralisée qu'alimente notre manque de courage et de lucidité. Il en va de même pour nos rapports avec l'Europe gagnée, plus que jamais, par des réflexes meurtriers d'ostracisme, allant contre le sens de l'histoire et même de ses intérêts bien compris. Ainsi, notre diplomatie doit oser menacer de rompre tout concours avec la politique migratoire européenne actuelle qui a démontré ses limites et son caractère criminogène. Elle se doit d'appeler à une liberté de mouvement de ses ressortissants sous couvert d'un visa biométrique de circulation qui est aussi respectueux des réquisits sécuritaires que l'actuelle pratique de visa désormais obsolète.
2 - Plus de Solidarité ou agir pour la démocratie (+ S) :
Il s'agit ici de consolider le présent et les acquis de la Révolution par une diplomatie d'excellence s'employant à être dans le sens de l'histoire.
2.1. Agir pour une démocratie réelle ne peut être utile ni prendre forme dans le cadre des faux-semblants formalistes du passé comme sur le plan interne, la démocratie représentative devant céder le terrain à une démocratie participative, seule désormais en adéquation véritable avec la légitimité et la souveraineté populaire.
Sur le plan des relations internationales, il n'est plus guère possible d'user des arguments tendant à faire un impératif catégorique du principe consistant, pour un pays pauvre sortant d'une dictature, à honorer sa dette, l'état de délabrement de sa société, la nature scélérate de pareille dette et les efforts de démocratisation l'interdisant. Car aucune démocratie ne peut naître et durer dans la misère et sans la solidarité effective des démocraties plus anciennes.
En la matière, notre diplomatie doit d'avoir comme priorité de renégocier pour le moins, sinon d'annuler d'autorité la dette de l'ancien régime. De plus, elle ne pourrait continuer de s'endetter au risque de perdre sa souveraineté économique tout en maintenant le train de vie actuel de l'État en dépenses fastueuses, de pure ostentation. Nos dirigeants doivent se rendre compte que, dans un pays zawali, bien pauvre, le prestige et le rang publics ne se situent plus dans les pompes et les fastes, mais dans la dignité retrouvée du peuple; et le nôtre est foncièrement humble.
Outre la dette — ancienne et nouvelle, dont la plus récente avec le FMI, appelée à aggraver les tensions sociales —, notre diplomatie en tant qu'émanation d'une Révolution populaire, doit s'atteler à renégocier nombre d'accords internationaux pour les rééquilibrer à l'avantage de ses citoyens. Outre les conventions avec l'Union européenne, il y a ceux régissant nos relations avec les pays où se trouvent les plus fortes concentrations de nos expatriés, comme la France, et qui sont, par certains aspects, quasiment léonins.
2.2 Dans le même cadre de la démocratisation du pays, il nous faut comprendre que la démocratie ne saurait non plus voir le jour ex nihilo, particulièrement lorsque l'imaginaire de la population concernée, y compris avec ses élites, s'y oppose. Et il n'est plus besoin de dire à quel point l'imaginaire, en structure anthropologique éminente, fait et défait les actions humaines.
L'imaginaire actuel fait de la certitude d'une incapacité rédhibitoire d'atteindre un niveau occidental supposé inatteignable, suppose qu'aucune démocratie ne peut naître avant longtemps dans un pays démuni de tradition pluraliste. Aussi, toute tentative en ce sens, pour être sérieuse, doit s'articuler à une démocratie avérée.
Notre diplomatie doit agir activement en vue de promouvoir l'idée inévitable d'un espace de démocratie méditerranéenne en se donnant pour objectif ultime l'adhésion de la Tunisie à l'Europe. Une telle adhésion, pas aussi farfelue qu'on veut le croire, pourrait devrait aussi être préparée par l'appel à un espace immédiat de démocratie francophone.
C'est là encore se situer dans le sens de l'histoire. C'est aussi la seule façon crédible, loin de toute démagogie, de réaliser l'union maghrébine, tout aussi inévitable. Or, celle-ci ne pourrait se faire qu'entre démocraties réelles au Maghreb. En effet, sauf à se bercer d'illusions, nulle unité n'est possible entre pays maghrébins sans une démocratisation préalable et aboutie. Ce qui suppose le passage obligé par le système démocratique européen en articulation et en locomotive nécessaires, et eu égard à l'intrication des rapports et des intérêts géostratégiques en Méditerranée.
Pour prendre un exemple sportif, tout se passe comme en cyclisme où le fait d'être dans les roues d'un bon rouleur aide à ne pas décrocher quand on n'est pas doté des mêmes aptitudes, même si l'on est, par ailleurs, un excellent sprinter ou un grimpeur hors pair. La démocratie est en effet un sport d'équipe, l'exemple du cyclisme étant parfaitement approprié en plus d'être éloquent. Et la politique, aujourd'hui, n'est-elle pas une activité se faisant en équipe, non seulement à l'intérieur des États, mais aussi dans leur environnement international?   
3 - Ni plus ni moins d'Islam ou rénover la tradition musulmane (I neutre) :
Il s'agit ici de ne plus ignorer que le fait religieux est central dans l'air du temps postmoderne; or, l'islam est ce fait par excellence; d'où la nécessité d'en renouveler une approche œcuménique qui soit universaliste et rationaliste. Et du fait des retombées de l'appréhension de cette religion sur les relations internationales, notre diplomatie est appelée à se ménager forcément une dimension spirituelle en mesure de lui permettre d'agir pour la paix religieuse, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays.
3. 1. Agir pour un islam de paix est assurément incontournable à l'intérieur du pays. Cependant, il ne peut y réussir sans un affichage extérieur impliquant un engagement sérieux pour la rénovation de la tradition musulmane. Pour cela, l'exégèse du Coran et l'interprétation de la Sunna au vu des réalités présentes sont devenues inévitables afin de sortir notre religion d'une conception obsolète sur pas mal de questions heurtant désormais l'esprit de paix et de concorde de l'islam.
En effet, un certain nombre de pratiques étrangères à l'islam, issues de la tradition judéo-chrétienne, a investi la jurisprudence musulmane tout au long de l'histoire arabe islamique, dénaturant certaines de ses valeurs, réduisant sérieusement son humanisme et écornant sa spiritualité. Et c'est ce qui se retrouve dans la doctrine de base du salafisme actuel, vindicatif et haineux, et qui s'inspire bien plus d'un intégrisme étranger à l'islam que de sa spiritualité telle que magnifiquement illustrée par le soufisme.
Cette réouverture de l'effort d'interprétation de la tradition jurisprudentielle musulmane doit forcément figurer en un axe essentiel de notre diplomatie du fait de la stature universelle de notre religion et des implications mondiales de sa lecture fondamentaliste, outre les menées en notre pays même des tenants des doctrines intégristes. C'est par un affichage clair et assumé en faveur d'un islam de paix, y compris et surtout sur la scène mondiale, que notre pays sera en mesure de contrecarrer les dérives actuelles d'un faux islam meurtrier attentant à sa sécurité intérieure. 
3.2 : Pareil militantisme pour l'islam authentique correspond à la seule foi possible en Tunisie, cet islam tunisien étant en congruence avec la religion tolérante du pays et les mœurs de son peuple. Notre diplomatie doit avoir le courage de promouvoir ce produit culturel authentiquement tunisien et en faire la propagande comme le ferait une diplomatie économique pour tout autre produit du pays et de bien moindre importance.
Surtout qu'une telle action pour des retrouvailles avec l'esprit perdu de l'islam véritable reste un aspect essentiel de la démocratisation du pays. Qu'est-ce la démocratie, en effet, sinon la prise en compte des sensibilités différentes et plurielles d'une société? Or, la nôtre porte, dans certains de ses larges pans, une forte marque islamique, l'islam étant d'abord un trait d'identité. En cela, il est bien plus une culture qu'un culte. C'est ce qui m'amène à affirmer que tout le monde en Tunisie, religieux comme profane, est en droit de se réclamer de la laïcité en son sens étymologique qui n'est que le fait de relever de ce qui est commun au plus grand nombre. Ce qui est le cas de l'islam en notre pays, qu'il soit vécu en culte ou en culture.  

En conclusion, disons qu'avec une pareille stratégie D.S.I, (-D. +S. I) bannissant les travers du passé, agissant pour un présent meilleur et appelant à une plus grande solidarité humaine, notre diplomatie participera activement à la réussite de l'instauration de la démocratie en Tunisie. Car dans un monde passé de l'état de village à celui d'immeuble planétaire, aucune action ne peut plus prétendre relever uniquement du pur plan local; elle emporte forcément et intrinsèquement une dimension régionale et universelle. Nul observateur lucide ne saurait ignorer cette réalité tangible sauf à être myope ou aveugle, effectivement ou par affectation; dans les deux cas, la vue est bien voilée soit par la cécité, coupant de son prochain, soit par une idéologie répudiant la solidarité humaine de rigueur en ce monde du troisième millénaire.   
Publié sur Leaders