Mon manifeste d'amour au peuple 2/3
 




Mon manifeste d'amour au peuple 3/3


I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








Accès direct à l'ensemble des articles منفذ مباشر إلى مجموع المقالات
(Voir ci-bas انظر بالأسفل)
Site optimisé pour Chrome

vendredi 18 novembre 2022

Sommet de Djerba

  Pour la visa francophone de circulation ! 5/5* 

* Après-propos de mon essai, sans les notes, et dont la table est reproduite à la fin de l'article 1.


Au moment où l'on assiste en Europe à une véritable braderie de ses valeurs fondamentales, dont le droit d'asile, et avec la multiplication des difficultés chez les membres de l'Union européenne rétifs à l'accueil des expatriés faussement qualifiés de migrants, l'espoir doit venir de l'OIF, la Francophonie devant donner l'exemple de l'ouverture à soi et au monde.

Dans son discours universitaire à Montréal, le 11 mai 1968, Habib Bourguiba parlait de la francophonie comme d'« une double ouverture au monde ». À la veille du sommet du cinquantenaire, appelant les francophones à y consacrer au concret l'esprit de solidarité des origines, je les invite, en paraphrasant ledit discours de l'un du trio des hérauts africains de la Francophone à une primordiale ouverture à soi avec les francophones visa de circulation et espace de démocratie.

La Tunisie, pays hôte du sommet, doit oser y appeler en rappelant la conception de son leader, éminent père fondateur faisant du français, langue des philosophies de la liberté, un puissant moyen de contestation et de rencontre. Or, contestation et rencontre se retrouvent dans ce qui devrait être une exigence, non seulement de la seule Tunisie, mais de tous les pays d'Afrique, tous les francophones assujettis aujourd'hui à l'indignité du visa biométrique actuel dans l'espace même de la francophone qui se doit d'être ouvert et solidaire.

Le français étant devenu une langue « structuralisante » comme la Tunisie en avait fait l'expérience consciente, il doit être aujourd'hui une participation pleinement active à la culture et à la vie du monde postmoderne actuel, cessant d'être ce facteur de fermeture, de repliement. L'usage du français pour l'accès au territoire de ses locuteurs, que ce territoire soit celui de la France ou de la Francophonie, doit être rendu suffisant pour ne plus contraindre le francophone à dépendre, pour circuler en Francophonie, d'autorisation. D’autant qu’elle est quasiment impossible à obtenir aux moins privilégiés des locuteurs de cette langue en partage ; or, tel ne doit pas être l’usage qu’elle mérite.

Ce français qui n’a plus le caractère éminemment universel qui fut le sien, pourrait le retrouver grâce à la chance qu'il a d'avoir des jeunesses qui lui ont accordé leur fidélité, qui s'offrent même à la mort pour accéder à son territoire, celui de sa mère patrie. Aussi, ayant été générateur d’une mentalité commune, que tous ceux qui le parlent habituellement se reconnaissent une communauté d’esprit, il est en mesure de rayonner comme jadis universellement en honorant le devoir inhérent à l'universalité qu'est l'accès libre à son territoire.

N'est-ce pas ainsi qu'une langue au caractère « structuralisant » à l’échelle d’une communauté nationale le serait à une échelle plus vaste, celle de toutes les communautés qui la parlent, l’utilisent dans la vie quotidienne, au niveau du travail, et plus encore au niveau des relations internationales ? Surtout lorsque la langue a été pour elles, à des titres divers, un instrument à la fois de contestation et d’affirmation. Contestation de l'ordre injuste actuel des relations internationales et affirmation du droit intangible à la libre circulation humaine sur terres francophones. Surtout encore lorsque, par surcroît, parallèlement mais à travers ce vecteur, ces communautés, ces pays, ces nations, ces États dans lesquels elles s’inscrivent, se reconnaissent tant d’aspirations, de perspectives, de besoins communs. Tel me paraît être, aujourd'hui, le sens de la Francophonie fêtant son cinquantenaire sur la terre de l'un de ses chantres.

Sait-on que ce père fondateur de la francophonie des origines, avec laquelle il importe de renouer le plus concrètement, osait déjà assurer une évidence que d'aucuns veulent contester ? Qu'il est clair que la langue française ne représente pas le bien d’autrui que nous nous serions approprié, et dont nous aurions de quelque manière à rétribuer l’usage. Il est clair que nous la considérons comme un bien propre, comme une partie intégrante de notre culture présente, une culture qu’elle a largement informée et formée. Or, ainsi qu'il le pensait à juste titre, il en est ainsi ou doit être ainsi pour tous les peuples francophones. S’il n’en était pas ainsi, il y aurait effectivement abdication de soi-même.

Pourtant, le maintien des frontières entre les pays francophones et la persistance de l'obligation du visa sous sa forme archaïque montre, tout au contraire, que pour la France, principal pays intéressé par cette obligation cacochyme, parler français n'est affirmation de soi que pour ses citoyens et ceux de ses partenaires européens, mais pas pour les francophones ! Or, être francophone, qu’on le veuille ou non (mais puisque cela est, pourquoi ne pas le vouloir ou affecter de ne pas le vouloir ?) est un signe, une marque et un caractère distinctif. Distinctif mais en même temps commun, ce qui impose des droits à la circulation, d'une part, et l'obligation de les admettre, de l'autre.

Pour Bourguiba, au-delà des personnes et des situations, le même usage de la langue française instaurait entre les francophones une vraie rencontre : rencontre entre une Afrique blanche (arabo-berbère pour simplifier) et une Afrique noire aux souches multiples et complexes ; disons entre une Afrique d’albâtre et une Afrique d’ébène qui ont connu leurs antagonismes et - parfois hélas ! - la domination de l’une sur une partie de l’autre, le gypse cherchant à cristalliser en pierre à plâtre le bois d’ipé.

Or, aujourd'hui, sans la conscience du fait francophone et de son étendue, sans la mise en oeuvre de la Francophonie dans une perspective d’harmonie et de cohésion en termes de libre circulation, la francophonie blanche européenne, bien que minoritaire et la francophonie noire et blanche majoritaire risqueraient fort de passer fatalement de l’enfermement actuel dans une indifférence ou dans une ignorance mutuelles à l'exclusion et au rejet fatals. Et le futur de la Francophonie risque de virer au noir d’ébène.

Je n’ignore pas que cette question de libre circulation humaine est délicate et suscite pas mal de réticences, notamment d'une fraction de taille, numériquement la plus importante même des francophones en France, mais aussi de la part des non-francophones de ses partenaires européens. Or, après l'instauration de la libre circulation en Europe, le premier francophone qu'est la France ne doit plus faire grand cas de la réticence de ses partenaires de réaliser la même chose dans l'aire francophone, commençant par les plus démocratiques des pays en son sein. Ce sera chose faite en optant pour l'outil du visa de circulation, généralisant une technique bien connue dans les chancelleries et parfaitement fiable puisqu'elle garde la nomenclature actuelle du visa biométrique, en faisant une garantie de circulation libre rationalisée et sécurisée.

Ce qui a conduit à formuler cette vision de la Francophonie poléthique, de libre circulation - ouverture à soi, de la France à l'Afrique, mais aussi de l'Afrique à l'Afrique et en Afrique -, c'est d’abord une méditation sur ce continent, sur la situation africaine d’aujourd’hui en Méditerranée. Une méditation sur la réalité d’un continent dans lequel s’inscrit en premier lieu celle de la Tunisie dont le réalisme a toujours inspiré l'action des dirigeants, les plus patriotes faisant toujours de la résistance à la conduite des affaires politiques de manière dogmatique, sans éthique. Or, ce continent est sinistré en termes de droits et de libertés, et l'option proposée aiderait à les instaurer ou à les encourager dans les pays où la transition démocratique est déjà engagée, comme en Tunisie.

Je puis donc dire que je ne m’emploierai pas à promouvoir l’idée de cette francophonie des origines, francophonie solidaire, d'ouverture à soi et à autrui, si je n’en avais pas puissamment et profondément éprouvé la réalité ; celle qui précède toute formulation. Et elle est cette désespérance de le jeunesse francophone d'un continent damné, qu'on veut damner encore plus en n'y encourageant point ce qui fait la dignité des citoyens de la France, leurs droits à jouir de leurs libertés, dont la première entre toutes, celle d'aller et venir librement.

Certes, une telle réalité demande aussi à être appréhendée dans sa plus grande dimension. Et il me plaît aujourd’hui de percevoir clairement, grâce aux plus francophones des francophones, la plus grande dimension de la Francophonie, son ouverture assumée au futur. Et c’est en ne se limitant pas aux initiatives actuelles de pur prestige, renouant avec le passé, ses racines de solidaire solidarité, de libre liberté de circuler reconnue aux humains tout comme elle est assurée aux marchandises.

Il me plaît de reconnaître tout d’abord qu'il est des francophones pour penser à la vitalité du fait francophone et de constater qu'elle est tributaire de réelle solidarité et combien la libre circulation humaine est une vitalité qui imprègne et fortifie ceux qui l’incarnent, une vitalité qui ne peut se détacher de l’identité, de l’esprit. Et à ces francophones organiques, je peux bien dire que ce fait est de la chair de ceux qui le vivent et le transmettent de génération en génération.

Il me plaît de reconnaître que le fait francophone, une fois revitalisé par le visa francophone de circulation et son corollaire l'espace de démocratie francophone, ne cesse de représenter pour les plus actifs d'entre vous à le mettre en oeuvre, les plus justes parmi les justes, comme il le fut et l’est pour nous, un ressort à la contestation, s’il le faut, à l’affirmation de soi, toujours, en vue de l'assomption de ce qui fait l'honneur du francophone, sa dignité.

Il me plaît de reconnaître enfin que le fait francophone constitue en France, comme il ne cesse de l’être pour nous, en Afrique, et plus particulièrement en Tunisie, un facteur de rencontre. Loin de porter au repliement, il favorise l’insertion dans le monde lui-même projeté à la pointe avancée du progrès technique, économique, social. Et d'abord dans l'enceinte du monde francophone lui-même. Loin de conduire à la satisfaction culturelle, il est générateur de besoins et d’exigences toujours plus accusés.

Sans doute le fait francophone a-t-il une infinie diversité. J’ai tenté de traduire ce qu’il représentait pour la Tunisie afin d'inviter la France à mieux pressentir son importance pour l’Afrique.

Certes, l'appel à cette primordiale ouverture à soi, le visa francophone de circulation, son corollaire d'espace francophone de démocratie, est une entreprise aussi ardue qu’exaltante, qui a le mérite de mettre un terme à une dualité dans la logique de la solidarité. Car sans liberté de circulation humaine, la solidarité est loin d’être réelle, vraiment solidaire, se résolvant en un élément de faiblesse, de duplicité même. Avec la libre circulation en francophonie, elle lui confère, en plus de l'effectivité, de l'éthique, celle d'être cette unique parole de vérité et de sincérité, une dimension nouvelle de la pratique politique, plus guère politicienne, une poléthique, qui est en même temps triple ouverture : sur le monde, sur autrui et sur soi.

À cet égard aussi, l'intérêt du visa de circulation et de l'espace de démocratie francophones serait d'inspirer l’Afrique à la recherche de son unité et de son équilibre tout autant que de droits et de libertés pour ses citoyens, en un mot de démocratie. L’unité dans la diversité, mais une unité de citoyens dignes, car possesseurs de leurs droits basiques et de leurs libertés privatives, n’est-ce pas là de nos jours la royale voie vers la coopération entre les peuples et le fondement du dialogue avec l’universel ?

Terminant cet exposé, dont la langue française a fait un dialogue avec vous, je voudrais dire ceci : que je parle au nom du peuple d'un grand pays, non par la taille, mais pas son élément humain, prestigieux de par son ouverture sur l'altérité et son attachement à la moindre affirmation de sa dignité. Grâce à la langue française en Tunisie, le génie propre de la Tunisienne et du Tunisien - vos hôtes - en a fait une exception en son monde déjà riche d'une culture ayant produit une civilisation millénaire.

Aussi, ce que vous verrez sur notre belle île des Lotophages, dont la renommée est à son zénith depuis qu’elle a reçu l'honneur d'attirer sur elle l'attention de millions d'yeux de tous les continents, et ce que vous ressentez sur la terre soufie de cette exception Tunisie, me font conclure que vous ne manquerez pas le grand rôle que la providence entend vous faire jouer au sein de cet empire de l’esprit et de l’intelligence sur lequel le soleil ne se couche jamais : l’univers francophone. Sa manifestation sera la consécration de l'outil francophone de circulation dans un espace francophone de démocratie avérée.

En addenda, je voudrais terminer ma paraphrase du propos de notre national visionnaire en citant un autre, dont la pensée est plus que jamais d'actualité, rappelant le « focus imaginarius » de Kant. Par cette expression, il désignait ce foyer des fantasmes, mythes et autres imaginaires constituant les principes de tout être-ensemble. En effet, c’est sous forme de mythes qu’apparaissent souvent les idées novatrices ; c’est bien le fait d’y croire qui les transforme en réalités tangibles.

Ce que je dis dans cette adresse et les idées véhiculées paraîtraient mythiques, de simples rêveries ; pourtant, c’est ce qui est susceptible de se réaliser assez vite pour peu que nos élites veuillent bien y croire. Et d’abord de se persuader qu’il n'est nulle autre politique qui serve la francophonie que la consécration de la manière la plus concrète des libertés et des droits des citoyens francophones, en tous domaines, notamment celui de cette dignité humaine de la libre circulation en Francophonie, condition absolue pour la santé de toute société, et mutatis mutandis de l'aire francophone.

C'est d'autant plus l'impératif catégorique du moment que la hantise migratoire amène l’Europe à se détourner honteusement de ses valeurs fondamentales, et à violer même par des pratiques quasi criminelles le droit humain sur lequel elle s’est fondée qu’est ce droit d’asile, valeur historiquement et tragiquement liée à l’histoire contemporaine du continent européen2.

Après l’instrumentalisation des migrants et des réfugiés, cédant au mythe de « Zéro réfugié », on assiste en Europe à une course contre la montre vers l’abîme au nom de la protection de ce qui reste de l’État-providence, désormais bien fragile pour résister aux attaques des politiques d’extrême droite, dorénavant appliquées même par la social-démocratie. Comme au Danemark dont le parlement vient d'adopter un projet de loi prévoyant de renvoyer vers un pays tiers les demandeurs d’asile, déléguant à des pays du Sud, moyennant finances, la mise en oeuvre du droit d’asile.

Il ne s’agit que de l’accélération d’une tendance, se développant sur le vieux continent, de pratiques consistant tout simplement à passer par pertes et profits les fondamentaux de l’Europe. Et c'est une sorte de réponse à la présentation par la Commission européenne, le 23 septembre 2020, de son « pacte sur la migration et l’asile », censé proposer une nouvelle approche équilibrée entre responsabilité et solidarité, mais qui n’était qu’une reddition, sous forme de fuite en avant, aux exigences des pays rétifs à l’accueil.

Car l’Europe n’a pu, à ce jour, se doter d’une politique commune en matière d’asile et de migrations ; ce qui fait qu'on y a affaire à 27 régimes d’asile très différents avec, comme dénominateur commun, la fermeture de ses frontières extérieures. Or, trente ans après la signature, en 1990, du règlement de Dublin, l’Europe est devenue la destination la plus dangereuse du monde pour les migrants et les réfugiés3. Ce qui rendait indispensable une stratégie commune en matière d’asile et d’immigration devant prendre la suite du règlement de Dublin, le remplaçant par un nouveau « mécanisme de solidarité ».

Comme les crises humanitaires à répétition n’arrêtent pas de mettre en doute la crédibilité même du projet politique européen et sa supposée essence humanitaire, que la Francophonie relève donc le défi de revitaliser le sien cinquante ans après sa naissance, le consacrant de la manière la plus spectaculaire et concrète qui soit au sommet de Jerba !


Essai en vente sur le site de l'éditeur,

chez Amazon

et à la librairie Kitab à Tunis, entre autres