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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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dimanche 3 octobre 2021

Coup et contrecoup du peuple 7

 La faute du président Saïed

 

 

« Puis, tout d’un coup, pendant que le cercueil descendait, soutenu par les cordes, dont les nœuds lui arrachaient des craquements, un tapage effroyable monta de la basse-cour, derrière le mur. La chèvre bêlait. Les canards, les oies, les dindes, claquaient du bec, battaient des ailes. Les poules chantaient l’œuf, toutes ensemble. Le coq fauve Alexandre jetait son cri de clairon. On entendait jusqu’aux bonds des lapins, ébranlant les planches de leurs cabines. Et, par-dessus toute cette vie bruyante du petit peuple des bêtes, un grand rire sonnait. Il y eut un froissement de jupes. Désirée, décoiffée, les bras nus jusqu’aux coudes, la face rouge de triomphe, parut, les mains appuyées au chaperon du mur. Elle devait être montée sur le tas de fumier.

— Serge ! Serge ! appela-t-elle.

À ce moment, le cercueil d’Albine était au fond du trou. On venait de retirer les cordes. Un des paysans jetait une première pelletée de terre.

— Serge ! Serge ! cria-t-elle plus fort, en tapant des mains, la vache a fait un veau ! »

 

Cet extrait de l’un des épisodes les plus riches stylistiquement et symboliquement de la série de Zola des romans sur les Rougon-Macquart s’applique bien à la Tunisie, le président Saïed y étant l'abbé Serge Mourel et le peuple son amante Albine délaissée.

Paru en 1875 dans le cadre de cette histoire naturelle et sociale d’une  famille sous le Second-Empire, La faute de l’abbé Mouret est le second ouvrage traitant de catholicisme tout en ayant pour thème la vie d'un prêtre déchiré entre sa vocation religieuse et l'amour d'une femme. On pourrait dire, pour ce qui est de notre propos, que M. Kaïs Saïed est déchiré entre sa vocation de servir sa patrie et son peuple et l’amour de sa foi ou ce qu’il croit être l’attachement à l’islam, en faisant une fausse lecture sur nombre de points, comme l’égalité totale des femmes avec les hommes, violant cette foi qui fut révolutionnaire et doit le demeurer, foi postmoderne des droits et des libertés, en faisant une religion sinon obscurantiste, du moins fortement marquée par les rites et les aspects cultuels qui défigurent sa nature foncièrement culturelle et sa vocation à un humanisme intégral universel, étant le sceau des révélations.

Dans le roman de Zola, le prêtre d'un pauvre village, quelque part sur les plateaux désolés et brûlés du Midi de la France, tombe malade pour cause d’excès de religiosité, mais va apprendre peu à peu la vie en se retirant au Paradou, coin de campagne à la végétation luxuriante, et qui fut pour lui une sorte de paradis terrestre. Il y retrouva son équilibre en vivant avec Albine, la femme qui s’attache à lui, comme Adam et Ève, découvrant un véritable amour commençant spirituel pour finir charnel. Hélas!, il ne tarda pas à être chassé de son paradis par le religieux Archangias venant le rappeler à ses devoirs de prêtre. Forcé à quitter son amante Albine, l’abbé Mouret revient dans sa paroisse en s’appliquant à étouffer en lui son désir pourtant sincère et avéré pour Albine qui finit de se suicider lorsqu’elle désespère de retrouver l’homme qu’elle aima de tout son être.

Comme le héros du roman qui, nous dit Zola dans le 5e chapitre du livre II, « s'éveille » face à la beauté de la nature, ainsi que tous ses sens, une nouvelle naissance du président Saïed à son sacerdoce de servir le peuple et la patrie est souhaité. Son enthousiasme pour la souveraineté de ce peuple, au point de n'arrêter d’en parler, ne doit pas ressembler à ce qui arriva au prêtre dont l’émerveillement à la vue d'un lever de soleil fit en lui, inconsciemment, l’effet d’un premier péché le détournant de la religion, l’amenant à ne plus y penser ou à y penser comme on le fait chez nous, incorrectement, selon une lecture intégriste qui la viole. Car ce peuple auquel il veut rendre la dignité en le voulant souverain a besoin pour cela de ses droits et de ses libertés, étant de chair et de sang et vivant journellement le calvaire de devoir subir les lois toujours en vigueur de la dictature. Il doit se souvenir, s’il a lu le roman, de ce passage du livre I (chapitre 2) où la nature est perçue bonne et salutaire contrairement à la religion représentant la mort.

Car la religion musulmane telle qu'on l'applique est devenue mortifère, non de par sa nature comme se trompent à le colporter nos élites entichées d’un occidentalocentrisme par trop marqué de l’esprit judéo-chrétien, mais par cette lecture encouragées par des imams intégristes qui sont plutôt des rabbins et prêtres orthodoxes se référant à la Bible; non au Coran. En effet, contrairement à l'interprétation restée dominante de l’islam, cette religion célèbre la vie et ses plaisirs, car cela conditionne l’épanouissement de l’humain qui se doit d’être libre, doté de tous ses droits et libertés, pour honorer sa soumission absolue à Dieu et rien qu’à lui.     

M. Saïed ne doit plus rappeler le prêtre Mouret du début du roman, avant sa faute, et qui a plutôt vécu en ermite qu’en prêtre, barricadé dans sa petite église, muré dans les certitudes émerveillées de sa foi, assujetti avec ravissement au rituel de sa fonction et aux horaires maniaques que lui impose sa vieille servante. Or, il a dû, lui aussi, commettre une faute, la rançon de sa prise de conscience de la vie au quotidien de son peuple. En effet, la faute de l’abbé Mouret a permis son éveil à la vie, lui faisant découvrir à la suite de sa maladie, suivie d'une amnésie, à la fois l'amour de la femme et la luxuriance du monde. Ce fut pour lui une seconde naissance, avant de se condamner à un nouvel exil loin du jardin terrestre d'Eden que fut la région du Paradou. Quant à la faute du président Saïed après le coup de force du 25 juillet et sa réitération le 22 septembre, elle a été de s'être abstenu de les transformer en coup populaire, osant mettre fin à la législation de la dictature, coeur du système d’oppression et de corruption contre lequel il dit agir. Or, ce système est une pieuvre à plusieurs têtes renaissant chaque fois qu’on les frappe mortellement. Aussi, comme pour l’Hydre d’Hercule, le coup fatal consiste à brûler chaque tête coupée en évitant son sang empoisonné, ce qui doit être l’abolition sans hésitation par juridisme ou réflexe politicien des lois scélérates en vigueur, aussi bien du Code pénal que du Code du Statut personnel. Justes pour tous enfin, les lois seront l’antidote au poison des têtes coupées du serpent de Lerne et le coup de force de Saïed, sa faute initiale, mue alors en coup du peuple, le signal attendu de son éveil avec la prise de conscience de sa terrible détresse.

C'est que la situation au pays est marquée surtout par la confusion extrême des valeurs et une sorte d’indifférence et de tentation à la destruction, y compris en acte supposé de sacrifice suprême, aggravée par la simulation, les futilités et la fourberie devenues monnaie courante dans une langue de bois généralisée. Pourtant, rien n’empêche qu’une telle insouciance se transforme finalement en une sorte d’ataraxie, cette sérénité à toute épreuve, la tranquillité absolue de l’âme quêtée par tout vrai croyant honorant une foi spirituelle et non pas un simple dogme cultuel comme c’est le cas chez la plupart de nos prétendus croyants. Faut-il y travailler, en faire une contrainte forcée à défaut d’être une vocation. Serait-ce enfin le cas de notre Abbé Mouret à nous en Tunisie ?