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lundi 19 avril 2021

Poléthique postmoderne 7

 De quoi Anis Morai est-il coupable ?



 

La bévue en direct à l’antenne de son journaliste Anis Morai a amené récemment RTCI,  Radio Tunis chaîne internationale, a s’en excuser  auprès de son invitée, Madame  Samar Sammoud, professeur d’immunologie à l’Institut Pasteur de Tunis ainsi que l’ensemble des médecins qui ont, à juste titre, estimé que l’animateur de l’émission « Dans le vif du sujet » a attenté à la dignité de leur profession au travers de la personne de leur collègue. L’intéressé a, de plus, été écarté de l’antenne dans l’immédiat et une enquête administrative ouverte à son encontre pour des agissements non conformes  aux principes de l’institution médiatique. De quoi M. Morai s’est-il donc rendu coupable ?

Limites personnelles et de méthode scientifique  

Tout d’abord, d’avoir manqué, pour le moins, de tact avec son invitée dès qu'elle a tenu des propos qui ne lui convenait plus, allant jusqu’à lui dire qu’étant dans son émission elle devait l’écouter et tenir compte de son point de vue à lui, alors que l’habitude veut que ce soit l’invitant qui écoute son invité, ne serait-ce que par courtoisie. D’autant mieux qu’il s’agissait d’une spécialiste ne parlant que de sa spécialité ! Bis pis, le journaliste a même manqué de politesse sinon de galanterie, osant quasiment inviter son invitée à quitter le plateau. Ce qui est déjà beaucoup en termes de manque de déontologie du métier.

Certes, M. Morai a présenté ses excuses  publiques à l’intéressée et au public, ce qui aurait pu clore l’incident. Après tout l’erreur est humaine et il n’est plus temps à la diabolisation de quiconque, surtout d’un fautif repentant. Or, ce n’est pas le cas, car outre le manquement grave  à la déontologie, il y avait toute une symbolique attachée au comportement de M. Morai et qui est symptomatique des maux actuels des médias en Tunisie.

Ainsi, M. Morai n'a pas démontré seulement ses propres limites humaines, mais aussi la mauvaise conception de son métier prévalant chez lui, car de plus en plus généralisée autour de lui, ne lui étant pas propre. C'est cette mentalité consistant d'autant plus à regarder de haut les gens qu'on a affaire à des personnes cultivant la simplicité, n'ayant pas la folie des vanités et de la grosse tête des vaniteux. Aussi, la faute de M. Morai était d’autant plus grande ­ et peut-être que cela en fut même la cause ­ que Madame Sammoud était spontanée dans son intervention et n’avait nullement l’attitude souvent adoptée par nos supposés savants, soucieux de formalisme pour mettre en évidence un magistère du sachant soucieux moins de dire la vérité scientifique que de débiter ses titres de vanité et de plastronner avant.

Du coup, la vérité scientifique n'importe plus, devenant scientiste. Car cette vérité, pour un vrai scientifique, reste par essence contestable, supposant réfutation par l’advenue d’un fait polémique, seule la démarche rationnelle étant scientifique. Or, et la vidéo de l’émission le montre bien, M. Morai a semblé accorder plus d’importance à ses convictions qu’aux vérités apportées par une spécialiste. Il était aussi plus soucieux de l’effet de ces vérités, bien moins comme il le dit sur le large public que sur les oreilles des responsables dont il s’est empressé d’en faire parler un  dans l’émission, venu en plus pour ne rien d’autre que des banalités.    

Limites morales et d’éthique professionnelle

Le plus grave pour M. Morai est  d’incarner in concreto une dérive de plus en plus grande de l’information et d’en jouer, en conscience ou inconsciemment. Ce qui aggrave le malaise de la situation de la presse se voulant désormais libre dans le pays, mais que contrarient les réflexes d’un passé plus que jamais vivace dans les esprits, aussi bien pour le rejeter - chez une minorité - que pour tout faire pour en profiter ­ chez une majorité hétéroclite ­, faire de profiteurs de tous bords. Les actuelles péripéties que vit l’agence TAP n’en sont que l’illustration la plus évidente.

Je vais livrer ici un témoignage, ayant bien connu M. Morai puisqu’il m’avait invité par deux fois à l'une de ses émissions, une fois sur sa propre initiative et une autre sur la mienne pour évoquer un sujet parmi les sujets sensibles dont j’ose parler. J'ai alors réalisé que de telles questions faisaient partie de sujets tabous qu’on n’ose certes plus officiellement avouer, mais qui l'étaient bel et bien. En l’occurrence, ce n'était pourtant pas le plus intouchable des tabous, puisqu'il ne s'agissait que de la question de la liberté de circulation pour nos concitoyens à laquelle j’appelle.      

La première invitation dans ses émissions en arabe, M. Morai qui suivait apparemment ma militance cybernétique, l'a apparemment faite du fait que j’étais au cabinet du ministre des Affaires étrangères de l’époque. Était-elle intéressée ? Je n'en sais rien, mais M. Morai en a bien profité pour solliciter mon aide à faire venir chez lui le ministre, y allant de son laïus sur la nécessité d’encourager le service public face aux stations privées, ce qui cadrait parfaitement, au reste, avec mes propres principes. Et il eut la visite du ministre malgré la réticence initiale à ce moment-là de ce denier de répondre aux médias sur son activité.

Je m’illusionnais alors que M. Morai pouvait être un de ces justes si rares dans nos médias en général, et qui manquent tant dans les services publics, qui seraient en mesure de dire le vrai sans manquer à la déontologie, surtout être justes de voix et de voie. Non seulement pratiquer ce que je nomme « infothique », l’information éthique, mais aussi ­ et pour le moins ­ ne pas désinformer. Or, le silence sur les sujets relevant du quotidien relève à mes yeux de la désinformation. Ce qui me mit la puce à l’oreille, ce fut son refus de m’inviter pour évoquer le silence coupable sur certains sujets tabous, notamment sur la célébration de la journée mondiale de lutte contre l’homophobie qu’on s’évertue à ignorer. Une faute impardonnable, de mon point de vue, chez qui prétend faire son métier honnêtement, car il suppose de ne rien passer sous silence. C’est juste la manière d’en parler qui peut varier chez les uns et les autres.

Des travers sinistrant nos médias

Ce ne fut pas le seul et dernier travers de M. Morai, sa récente faute confirmant mon témoignage. Or, s'il la reconnaît, il ne se rend pas compte de sa gravité en cherchant à la justifier.  Que dit donc M. Morai ? Qu’il s’est senti obligé de réagir au nom aussi bien de l’intérêt de la chaîne publique que des citoyens, accusant son invitée d’alarmer la population par des propos dangereux (sic) et choquants (resic). C'est laisser supposer que des propos parfaitement raisonnables sont de nature à être interdits d’antenne étant contraires à la doxa officielle, en l'occurrence que le vaccin dont la professeure a relativisé scientifiquement l’intérêt en termes d’efficacité contre le coronavirus serait au-dessus de tout soupçon ayant reçu l’agrément des autorités sanitaires du pays.  

La défense de M. Morai indique bien qu’il n’a pas agi en journaliste respectueux de son métier, mais d’un serviteur de l’État ; or cette conception du journalisme n’a plus cours en Tunisie même si d’aucuns font tout pour la rétablir ! Il dit lui-même avoir eu peur des propos iconoclastes de son invitée alors que le propre du journalisme, pour être véridique, est de ne pas hésiter à braver les tabous, et ce du moment que c’est la parole ou le constat d’une vérité, ne serait-elle que celle d’un moment. Et on l’a dit ci-dessus, c’est le propre même de la vérité scientifique !    

Son comportement sur la vidéo de l’émission a même semble être celui d’un journaliste moins au service de l’information que de l’effet sur sen auditoire, ce qui inclut manifestement l’écho auprès des autorités, au point de ne même plus écouter son invitée, s’en désintéressant et finissant par l’agresser gratuitement. 

C’est cela la face hideuse dans nos médias qu’illustre la faute d’Anis Morai et qui dépasse sa personne pour incriminer tout un système faisant peu de cas de l’impératif catégorique de l’information éthique. Mais comment en rêver quand la politique est, elle-même, tout sauf éthique, une « poléthqiue » selon mon néologisme !

En cela, l’incident dont Anis Morai a été la cause et l'effet est bienvenu, car il permet d’éclairer au grand jour une si triste réalité qui ne devrait pas durer et nécessite d’urgentes mesures d’assainissement, pour le moins éthique. En réagissant de manière inqualifiable « par peur d'être le vecteur d’une psychose dans un moment aussi délicat de la pandémie », M. Morai n’a fait qu’attiser une autre pandémie qui s’attaque aux mentalités et contamine tout dans le pays, à commencer par ses médias ainsi que l’a  récemment illustré la tentative de mise sous contrôle de l’agence TAP coupable de velléités d’indépendance en total respect des règles mêmes de son art.  

 

* Lien vers la vidéo de l'émission