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dimanche 7 mars 2021

Poléthique postmoderne 2

 

Bréviaire pour l'Alzheimer politique de nos élites

 

En recevant le 5 mars courant les familles des victimes de l’agression terroriste du 7 mars 2016 contre la ville de Ben Guerdane dans l’extrême sud du pays, le président de la République a pointé du doigt ceux qu’il qualifie de premiers responsables du terrorisme parmi nos élites délitées : « Après chaque attentat, a-t-il notamment dit, ils font semblant de pleurer et feignent le dénoncer et le combattre, donnant l’impression qu’ils sont contre le terrorisme. En réalité, ce sont eux-mêmes qui nourrissent et cultivent le terrorisme. Beaucoup de gens commercialisent le discours de la crise pour parvenir au pouvoir, y compris en marchant sur les cadavres. Pourtant, la Tunisie a tous les moyens pour faire vivre dignement ses enfants. Tout le monde peut apercevoir à l’oeil nu les richesses dans les rues, là où vous allez, alors qu’ils parlent de crise et de misère. Nous combattrons le terrorisme et les terroristes, et tous ceux qui sont de connivence avec ce phénomène moyennant de misérables dons d’argent. Le terrorisme est aussi d’ordre intellectuel, et celui-là est le plus cruel, le plus ravageur et le plus pernicieux. Il y a ceux qui veulent conditionner la situation, et baliser le terrain selon leur bon vouloir en s’appuyant sur le terrorisme, au prix du sang des innocents. Que ces gens-là sachent que leur jeu n’est plus un secret pour personne, et que notre peuple s’opposera à leurs visées terroristes. Nous savons d’avance qu’ils vont par la suite venir pleurnicher et dénoncer. Mais cela ne peut plus passer. Malheureusement, ils préfèrent vivre dans les creux, tout simplement parce qu’ils ne connaissent pas le sens des responsabilités. »

Ce dont parle M. Kaïs  Saïed est ce que je qualifie d’Alzheimer politique dont sont atteintes nos élites, particulièrement celles cultivant le terrorisme mental qu’il fustige. En effet, la vérité scientifique qui s'impose de plus en plus est que la maladie d'Alzheimer est une soi-disant maladie. Et j'affirme, pour ma part, que le vrai Alzheimer n'est que politique ou sociopolitique. Car s'agissant de l'Alzheimer classique, ce qui est scientifiquement incontestable aujourd'hui, c'est qu'il s'agit d'une affection incurable, la médication prescrite n'ayant nulle prétention de la guérir, mais tout au plus et au mieux d'en ralentir l'évolution. Il ne s'avère pas moins que c'est le produit chimique qui fait la maladie dans ce qu'elle a de manifestations en dehors du simple oubli, telles l'agitation, l'agressivité, l'impotence jusqu'au stade absolu, en passant par l'activation de troubles éventuellement latents, comme l'épilepsie. C'est que le principe actif de tout médicament, notamment prescrit pour des affections lourdes, a des effets indésirables, les fameux effets iatrogènes. Aussi, au plus juste, éthiquement parlant, l'Alzheimer est d'abord un vieillissement cérébral problématique se manifestant par l'oubli. On n'en sait toujours pas le déclencheur, ce qui pourrait être un problème génétique ; mais on suppute sérieusement, et de plus en plus, une batterie de causes tenant surtout à la qualité et à l'hygiène de vie. Ce qui veut dire qu'il y a de fortes probabilités que l'Alzheimer commence dès l'enfance, se mettant en place progressivement, suivant les effets psychosociologiques d'une hygiène vitale déficiente, se développant avec des perturbations émotives influant sur une saine psychologie. On sait qu'Auguste Deter, la première diagnostiquée en vieillissement cérébral précoce, avait des problèmes affectifs, particulièrement conjugaux.

Par conséquent, au temps où l’on assimile dans le monde l’État à une propriété privée — ce qui est patent en Tunisie —, nos élites politiques s'avèrent être les vraies malades d'Alzheimer ; elles en reproduisent les manifestations, notamment en termes d'oublis, de désorientation spatiotemporelle. Et tout observateur attentif des réalités de nos sociétés a le devoir et le droit d'appeler cette classe politique malade à plus de sérieux et à moins d’indignité, l'invitant surtout à avoir d'abord le verbe sincère, le langage d'une culture des émotions et des affects. Au risque de les étonner, il dira aux politiques qu'il suffit au peuple d'une phrase toute simple pour se mettre à les écouter. À condition qu'elle soit véridique en partant du coeur et en étant suivie d'une action imprégnée par ce qui constitue le meilleur en soi, une réelle empathie avec son prochain. Cette phrase, archiconnue chez nous, est celle de tout authentique patriote, comme le fut le syndicaliste Farhat Hached, et qui doit être la devise de toute action politique, en Tunisie en transition démocratique comme ailleurs où est partout la crise. Comment y arriver ? En pratiquant la médication que je préconise pour la soi-disant maladie d'Alzheimer que je  nomme « bécothérapie » et ce en la débaptisant en « bécopoléthique » soit une politique éthique et des bisous.

En une sorte de bréviaire en dix principes, en voici le decapharmakos (en préfixe, pharmaco est le médicament et, en grec ancien, pharmakos est ce qu’on immole en expiation. En sa forme neutre pharmakon, le même terme signifie le remède, la drogue, le poison. D’où le tetrapharmakos d’Épicure, quadruple remède en recette du bonheur), recette que je recommande à tout politique en quête du coeur du peuple. Ce sont les mêmes qu'on conseille aujourd'hui pour le soin de la soi-disant maladie d'Alzheimer. Certes, le malade ici est bien l'élite et non le peuple ; mais on s'adressera à la première comme si elle était saine devant soigner le second supposé malade, et ce par cette technique de jeu de rôles inversés bien connue en psychologie pour ses effets thérapeutiques. Que nos politiques, notamment ceux ne cachant plus leurs ambitions dogmatiques, méditent ces principes comme autant de vérités tirées de la réalité de notre pays, une centralité souterraine quoique pas nécessairement évidente à qui se suffit de l'écume des apparences sans aller en leur creux.

1. D'abord être conscient et sûr que chaque citoyen est une personne unique devant être traitée en tant qu’individu ayant des droits, même si sa conception de ces droits se révèle excessive. C'est le rôle du politicien de lui expliquer cela et de se montrer assez clair et convaincant.

2. Chaque citoyen, le Tunisien en ce qui nous concerne en premier, du grand notable au plus humble, est important, qu'il soit dans le vrai ou désorienté par la vie, ses heurs et ses malheurs. Mais les égards du politique doivent être inversement proportionnels à l'importance sociale de son interlocuteur, eu égard à l’importance de son exclusion sociale.

3. Il y a toujours une raison qui motive le comportement des personnes désorientées dans et par la société. Il ne suffit pas de dénoncer et de juger, mais de comprendre les causes et d'agir à les éliminer. Pour prendre deux exemples provocateurs, ce n'est pas parce que l'on a bu de l'alcool ou fait subir à quelqu'un des rapports sexuels non consentis que la faute dérive de l'alcool ou de la pratique sexuelle. Elle réside plutôt dans notre discours moralisateur et nos lois pudibondes empêchant que l'alcool, s'il doit être ingurgité, le soit sans excès ; et si l'on n’arrive à résister à sa pulsion sexuelle, qu'on le fasse avec le respect absolu de soi et du partenaire. C'est une révolution mentale qu'il nous faut au lieu de nous contenter de pousser des cris d'orfraie ; ce faisant, on se révèle plus coupable que les coupables. Ceux-ci peuvent à la limite être considérés comme des victimes d'un état social ou moral alors que nous, en notre qualité de responsables, on ne doit pas agir en pyromanes, mais en pompiers authentiques, nous souciant de la cause du feu pour l'éteindre et empêcher qu'il reprenne.

4. Le comportement des jeunes n’est pas seulement lié aux modifications anatomiques de leur corps et celui des personnes âgées n'est pas lié à des modifications du cerveau. De fait, dans un cas comme dans l'autre, le comportement humain reflète l’ensemble des changements physiques, sociaux epsychologiques que la personne a connus au cours de sa vie. Aussi, comme il faut que jeunesse se fasse, il faut que vieillesse passe, mais de la meilleure façon pour les deux âges, c.-à-d. en permettant aux uns et aux autres de vivre pleinement leur vie et de s'épanouir au mieux afin d'être bien dans leur peau. C'est la sérénité qui fait la santé ; or, parfois elle ne vient qu'après une période d'agitation, en balancier mettant du temps à trouver son équilibre. Et c’est le cas dans notre environnement liberticide avec les lois scélérates de la dictature, restées en vigueur.

5. On ne peut pas obliger un jeune à ne pas assumer ce qui fait partie de son développement normal, y compris ses pulsions sexuelles et son besoin d'action, tout comme on ne peut empêcher une personne âgée de modifier ses comportements construits durant toute sa vie. Certes, on peut s'y essayer, mais on ne réussira pas nécessairement à amener les intéressés à changer s'ils ne sont pas vraiment motivés. Sinon, c'est aller contre la nature et construire de nos propres mains soit des robots soit des monstres. Or, ni les uns ni les autres ne sont des citoyens libres, et donc capables du meilleur pour leur pays !

6. Le Tunisien, le citoyen en général, est à accepter tel qu'il est, dans ses spécificités aussi variées que différentes, surtout parmi les plus jeunes ouverts au monde par essence, riches de talents, d'envies et de rêves. Ainsi que le respect qu'on doit à une personne âgée, ces jeunes devant être acceptés sans jugement, avec leurs qualités et défauts. À leur égard point ne doit être développée la fameuse moraline religieuse nietzschéenne. D’autant qu’elle est bien plus d'origine judéo-chrétienne que musulmane, l'islam des origines n’étant pas pudibond dans les choses du sexe, plus en harmonie avec la nature humaine.

7. Chaque âge a ses impératifs et ses implications ; aussi doit-on accepter que des tâches soient associées à chaque étape de l’existence et aider à son sain développement. En effet, une tâche non accomplie engendre des manifestations psychologiques et peut induire de graves conséquences. Ainsi, pour la jeunesse, ses folies doivent être tolérées même si elles peuvent heurter un certain rigorisme, moral ou politique ; l'expression populaire le dit bien : il faut jeter sa gourme. Assurément, la plus légitime de ces folies est le droit à circuler librement dans le monde, sans nulle entrave.

8. Ce n'est pas parce que nos jeunes ne connaissent généralement pas leur glorieux passé et ne parlent pas correctement leur langue qu'il faut les forcer à le faire. Il se passe avec eux le phénomène inverse arrivant aux vieux. Ainsi, quand la mémoire des faits récents s’estompe chez les personnes âgées, elles essaient de retrouver leur équilibre en se retirant dans leurs souvenirs anciens. Pareillement, c'est parce que les jeunes sont rebutés par un passé mal présenté, assimilé à tort à la décadence actuelle, qu'ils s'en détournent, honteux. Il suffit alors d'agir sur la présentation de ce passé à intelligemment valoriser, sans nul faux magistère de qui croit détenir la science infuse, pour que leur intérêt pour la richesse infinie des valeurs du passé se réveille. Quant aux minorités exaltées par un passé mythique, trompées sur sa réalité, c’est le refus de leur présent qui les y amène, leur condition y étant minable. Or, notre époque postmoderne, ère de zéroïsme du sens, réhabilite les valeurs, dont les plus anciennes. Chez les personnes âgées, si la vue faiblit, on utilise les yeux de l’esprit ; n’entendant plus correctement, on écoute les bruits du passé. C’est ce qui permet aux aveugles de développer des perceptions insoupçonnées. La jeunesse n’est ni sénile ni aveugle et est pleine de vie, de vitalité ; si elle présente des problèmes aux élites, c’est du fait de leur incapacité à savoir s'adresser à elle au lieu de la brimer, user des mots trouvant écho en elle, ce qui sort du coeur y allant tout droit.

9. C'est d'un problème de communication qu'est fait le drame de nos élites, un déficit de tact et de savoir-faire politique. Elles oublient, concentrées comme elles le sont sur leur nombril pris pour le centre du monde, que les sentiments douloureux diminuent s’ils sont exprimés, reconnus et validés par une personne digne de confiance et qui sait écouter. Mais si ces mêmes sentiments endoloris sont ignorés ou niés, ils s’intensifient au point de verser dans l'agressivité et la violence. En tant qu'élites en charge de responsabilités éminentes, on a le devoir de savoir être justement responsables. Encore une fois, la meilleure façon pour ce faire est l'empathie réelle avec les gens, celle qui fait de leurs soucis les nôtres et de leur réel notre propre quotidien. Et en cas d’échec, être responsable rime forcément avec oser s’accepter coupable.

10. L’empathie crée la confiance, réduit l’anxiété et restaure la dignité. Aussi, ô politiques de Tunisie et d’ailleurs, quel que soit votre bord, veillez à faire montre de moins de sympathie affichée à l'égard du peuple, une sympathie que vous entretenez et qui est une pure comédie ; optez pour une réelle empathie ! C'est certainement dur, mais c'est nettement gratifiant ; surtout, plus sincère, en mesure de faire le vrai honneur du politique et de ses obligés. Et la vraie empathie ne se suffit pas de mots, nécessitant des actes à concrétiser en termes de droits et de libertés. Hic et nunc, cela suppose de commencer par abolir la législation scélérate de la dictature, toujours en vigueur bien que devenue illégale.

* Extraits, légèrement modifiés, de mon essai : Alzheimer au quotidien. Soigner une soi-disant maladie, L'Harmattan, 2020.