Loi du talion, la peine de mort viole le génie de l'islam
Le président de la République vient de faire état de son attachement à la peine de mort en se référant à l'islam. Or, c'est la peine de mort, non sa prohibition, qui est contraire à l'islam ! Comme nombre de musulmans, il se trompe sur la justification en prescription religieuse de la peine capitale qui, à la vérité, viole le texte et l'esprit de l'islam, son génie même. Car la peine de mort n'est que la loi du talion qui est bel et bien une tradition sémite, obsolèe qui plus est. Et l'islam pur n'a gardé cette loi que comme une survivance des révélations précédentes, devant disparaître grâce à l'évolution de la société à la faveur des appels insistants et répétés dans le Coran au pardon et à l'effort maximal sur soi : le Jihad Akbar.
La spécificité de l'islam est justement d'avoir renforcé la tendance, déjà initiée par le christianisme, d'universalité de la foi, de clémence et de miséricorde divines éminentes. Il y a rajouté une touche rationaliste ainsi qu'une congruence avec le réel, manifestée par une progressivité, considérée aujourd'hui comme le véritable sens du progressisme. Ainsi, nombre de lois issues de l'Ancien ou du Nouveau Testament n'ont pas été brutalement abrogées, l'islam préférant indiquer aux croyants la voie vers leur lent et inexorable abandon grâce à la raison dont il appelle de faire usage. Le musulman est censé être tout d'abord un croyant qui a non seulement sa foi, mais aussi sa raison pour ne pas agir comme un automate. C'est en cela que la foi islamique est une foi scientifique, la raison y étant sensible, nullement dogmatique. À titre d'exemple, l'islam n'a pas interdit la servitude, mais en a initié le processus. Il en va de même pour nombre d'autres questions où la progressivité est une rationalité. Par exemple, le nombre d'épouses limité à quatre, tout en conseillant une seule dans une indication de ce que la raison humaine doit finir par imposer en application de l'esprit de la religion et de ses visées. Idem pour la part moindre d'héritage pour la femme qui n'en avait point et devant finir par être logiquement égale à celle de l'homme.
Par conséquent, l'abolition de la peine de mort est bien compatible avec l'islam en étant l'aboutissement d'un processus de purification de soi. Sauf à faire une lecture débilitante du Coran, il n'y a pas incompatibilité de l'abolition de la peine de mort avec l'islam. D'abord, l'abolition est aujourd'hui une marque d'humanité dans tous les pays civilisés ; or, l'islam se veut une religion humanitaire par excellence ! Ensuite, si l'islam a retenu le principe de la peine de mort, il l'a fait d'une manière particulièrement restrictive et dans le seul but de préserver la vie humaine et l'abolition de la peine de mort consacre cette finalité. Voici les trois hypothèses où la peine de mort est prévue textuellement en islam. Dans les trois cas sommairement rappelés ci-après, il est toujours possible de ne pas y recourir, une issue qui est privilégiée et encouragée.
Le premier cas est l'homicide volontaire. Et si l'islam reconnaît à la famille de la victime le droit de tuer en représailles, il lui accorde aussitôt le droit absolu de pardonner et l'y invite fortement comme marque supérieure de piété. Le deuxième est celui de l'auteur d'adultère s'il est marié. Or, les conditions restrictives sont tellement nombreuses que la sanction peut finalement dépendre, pour être appliquée, du seul aveu du coupable. Rappelons, à ce propos, contrairement à ce que l'on croit, que ce crime n'est constitué que dans le cas bien prouvé de pénétration ; en sont exclus tous les rapports sexuels demeurés à la surface. Le dernier cas est celui du banditisme de grand chemin pour lequel la peine capitale entend protéger la paix civile et la vie des gens. Toutefois, cette sanction concerne des menées avérées de brigands en tant que tels, des hors-la-loi qui font de ce banditisme une profession. L'islam réserve donc la peine de mort à une catégorie précise et à une manière particulière d'exercice de la pratique sanctionnée, puisqu'elle ne s'applique pas à une action ponctuelle ou à quelqu'un qui se serait adonné par accident à de tels actes.
Ces trois motifs à la base de l'application de la peine de mort sont tellement encadrés que la mise en œuvre effective de la peine en devient exceptionnelle. Comme ce fut le cas en un temps où la cruauté et les violences étaient la règle des mœurs publiques, comment oser dénaturer l'esprit de l'islam humaniste en prétextant respecter sa lettre aujourd'hui que la mort est un signe de cruauté ? Notons ici qu'être abolitionniste ne suppose pas une injustice faite en retour à la victime, puisqu'il n'est pas question de la moindre abstraction de sanction ou de la nécessité de payer pour ses actes, notamment quand ils sont crapuleux. En effet, c'est plutôt en évitant de mettre à mort le coupable, abrégeant sa souffrance morale, que l'on se montre le moins cruel à son égard, la pendaison ou toute autre forme de condamnation capitale ne valant que par le moment d'angoisse, bien éphémère qui précède la mort. La vraie sanction est pareille angoisse se faisant une éternité, augmentée éventuellement de remords du fait d'une conscience qui s'éveille, et que pareil enfer marque toute la vie du coupable.
C'est ici que résident le sens réel de l'abolition de la peine de mort et sa philosophie humaniste à la fois juste pour la victime et pour le coupable. La première est appelée à dépasser ses passions humaines pour imiter Dieu et savoir pardonner. Le second est de ne pas réchapper à sa conscience, surtout si l'on agit, en prison en vue de donner au cpupable la possibilité de faire l'apprentissage de la résipiscence. Signalons enfin que Dieu n'a mis de conditions strictes à l'application de la peine suprême que pour garantir la justice, l'humaine nature étant imparfaite et ne pouvant éviter l'erreur. Or, l'histoire humaine recèle de nombreux cas d'erreurs judiciaires ayant à tort mis à mort des innocents. Et la moindre injustice en la matière est intolérable pour une religion de la justice comme l'islam.