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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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lundi 18 mai 2020

Ramadan 2020

Ramadan au temps du
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Chroniques de la maladie d'islam
Troisième semaine

Jour 15
Vendredi 8 mai 2020

Dans la précédente chronique, nous avons parlé de la parousie d'un islam enfin guéri de sa maladie, l'islam premier, celui des origines. Nous pensons, s'agissant de la Tunisie, qu'une telle parousie est plus que jamais possible, le terrain légal y étant préparé avec la notion d'État civil. Aussi consacrons la chronique de ce jour pour en présenter la signification exacte, tout en sachant que la constitution réfère aussi aux valeurs de l'islam. Or, même si certains juristes et théologiens relèvent une contradiction dans un tel lien établi entre le civil et le religieux, il est indéniable que religion et politique sont pareils en islam. En effet, contrairement au judaïsme et au christianisme, c'est une foi et une politique, une union spirituelle duale, unicité et non cette unité supposant l'absence de la moindre multiplicité ou variété en son sein.
Aussi, le concept d'État civil est parfaitement islamique, par définition même, tout comme est civique tout humain qui l'est par nature. Cependant, nombre de gens ne comprennent pas ce sens correctement, allant jusqu'à avoir ou supporter de sots comportements, et qui sont injustes dans le même temps avec la religion et la constitution. Comme, par exemple, de valoriser les appels émanant des autorités officielles pour la prière invocatrice de la pluie ou la diffusion des appels à la prière sur les réseaux publics d'information ou encore cette violation manifeste de la constitution et de la religion au sein même d'une institution veillant en principe à leur respect : l'Assemblée des représentants du peuple, violation consistant dans l'interruption des séances du parlement pour s'acquitter de la prière. Il n'est nul doute que tout cela contrevient à la constitution dans sa lettre et son esprit tout comme il porte atteinte à l'islam en ce qu'il a de meilleur, soit cet accord à l'unisson qu'il réalise entre la foi et la politique ou la vie en cité, et donc entre les sphères publique et privée voulues en parfaite harmonie sans nul désaccord.
Précisons ici que le caractère civil ou civique de l'État relève du plus vieil héritage humain; c'est la principale caractéristique des humains du moment qu'ils ne vivent qu'en groupe. Ce qui veut moins dire l'adoption des moeurs des citadins et les habitudes des habitants des villes et des aires de civilisation qu'il ne réfère plutôt au nécessaire passage de la solitude et de la sauvagerie à la vie grégaire, l'état domestique policé des humains. Or, assurément, cela n'est pas le propre des villes, l'esprit citadin pouvant se retrouver aussi dans les villages et même chez les nomades malgré l'idée répandue de la contradiction entre la ville et la campagne faisant du nomade, notre bédouin, le parfait antonyme du citadin. Une telle affirmation est dépassée car la civilisation est d'abord une nature humaine policée avant d'être archéologie raffinée et édification de villes et d'États. En effet, l'histoire nous apprend que pas mal de tribus ont détruit des villes et érigé des civilisations et nombre d'empires civilisés ont versé dans la sauvagerie la plus bestiale, y cultivant la loi du plus fort bien au-delà de la cruauté de la jungle.
Aussi, l'État civil ou civique en islam se situe-t-il, tout d'abord, dans son aspect civilisationnel dont il importe de ne pas limiter le sens à l'urbanisation, l'étendant plutôt à l'urbanité. Or, celle-ci est moins liée aux techniques de construction et d'aménagement des agglomérations et des villes que leur adaptation aux besoins humains et au vivre-ensemble. Ce qui est le fait des lois conditionnant les moeurs, les orientant vers la politesse affable qui est loins d'être un privilège des villes, pouvant parfaitement relever de la ruralité. Et ce sont les valeurs de solidarité, d'amour, de fraternité et d'altérité, ce dont est bien riche la religion d'islam. L'État civil n'est donc rien que la civilisation et le progrès; y-a-t-il mieux que le progrès moral ? Les nations les mieux civilisées ne sont-elles pas les plus éthiques ?
L'État en islam est civil, donc civique; et il l'est, comme on l'a déjà noté, dans la séparation de la chose privée de la chose publique. C'est ainsi qu'il est possible de saisir à bon escient la nature foncièrement civile de l'État d'islam; c'est l'État au sens ancien de civilisation, qu'il soit donc urbanisé ou non, citadin ou rural. En effet, bien que passant de Médine à Damas puis à Baghdad, l'islam est demeuré champêtre d'esprit, particulièrement durant l'empire omeyyade, et ce du fait de la spécificité tribale de ses composantes. Ce qui ne l'a pas empêché, grâce justement aux tribus ayant formé son ossature première, de faire de sa religion arabe bédouine une foi de civilisation universelle, gagnant quasiment toute la planète. C'est que cet État civil islamique signifiait la reconnaissance de deux sphères parfaitement égales, quasiment identiques comme le seraient des germains : la sphère religieuse et la sphère civile.
La première est réservée à la foi seule, ne concernant qu'elle avec un rapport direct et exclusif entre le fidèle et son Dieu, puisqu'il n'est ni église ni clergé en islam. Même l'institution de l'imamat n'y est pas légitime, surtout ce qui a cours au chiisme, traduisant une bien mauvaise lecture juridique de l'islam. Quant à la seconde sphère, l'ère civile publique, c'est le domaine des relations et transactions humaines, dédiée aux affaires courantes de la vie quotidienne selon ses contingences, ses avatars et vicissitudes. Obéissant à la loi de l'évolution et du changement, inhérente à la nature humaine, c'est un domaine où n'entre point la religion au risque d'y perdre sa sacralité, n'y échappant pas à ce qui marque les choses de la vie de trivialité et de dépravation. N'est-ce pas ce qu'on a vu tout au long de l'histoire de l'islam lorsqu'on est arrivé à acheter l'honneur de certains des religieux, y compris de grands Compagnons ? Ce fut le cas d'Abou Hourayra, plus grand rapporteur de hadiths apocryphes, qu'on disait céder bien volontiers aux sollicitations politiciennes pour son mets préféré, la Madhira, bien prisé du temps du fondateur de l'État omeyyade. Et c'est ce qui se poursuit de nos jour avec la daéchisation de la foi d'islam, ce qui fait qu'elle n'est plus celle de la justice et de la justesse.
Comme la confusion du privé et du public pervertit la religion, il est impératif et certain que sa sauvegarde impose la séparation entre le civil et le religieux, surtout lors de l'arrivée au pouvoir de partis ayant un référentiel religieux. Car la religion, tout comme l'État, est pour tous, que l'on soit croyant ou non; ce qui n'est possible qu'avec une coexistence et un vivre-ensemble pacifiques. Dans cette harmonie musulmane, il n'est nulle préférence d'une sphère sur une autre étant indépendants et séparées. Le secteur privé, celui de l'intime, et donc du religieux, n'a pas la moindre prééminence sur le secteur public, celui de la vie civique, qui n'en a pas non plus en retour, car ils sont égaux en valeur et en importance, et on ne les mélange point au risque de pervertir la foi d'islam. Voilà la sécularité anticipée, précédant la laïcité occidentale.
C'est grâce à une telle séparation des sphères du public et de l'intime que l'islam a élevé bien haut sa foi dont le point d'orgue est la totale remise du fidèle de son sort à son créateur et à sa volonté, au sens où il est le seul, l'unique à connaître les intérêts de ses créatures et à les servir au mieux, notamment en leur intimité et libertés privatives; aussi, aucune autre autorité ne saurait s'y substituer. Rappelons, à ce propos, qu'il n'y a eu que le prophète comme seul vicaire de Dieu. Et il est bien connu que son successeur tenait à être appelé successeur du prophète; qu'il en alla de même au début du règne du calife Omar avant qu'il ne choisisse, assez vite, d'être appelé Prince des croyants pour éviter que ne s'allonge à l'infini la dénomination de successeur du successeur du prophète. C'est bien cette absence de calife ou successeur de Dieu après son prophète qu'ont enfreint les gouvernants arabes musulmans avec Mouawiya quand le pouvoir est devenu héréditaire avec la dynastie omeyyade. Bien pis ! le fondateur de cette dynastie a eu l'outrecuidance d'oser se déclarer calife de Dieu, s'érigeant en parfait égal du messager de l'islam. Ce qui atteste encore mieux de la perversion qu'emporte la confusion entre la religion et la politique, amenant à sortir de la vraie foi pour une foi altérée, une quasi-religion n'ayant rien à voir avec l'islam, d'autant que nombre de traditions judaïques y ont proliféré au point de rendre méconnaissables ses préceptes cléments et indulgents à l'origine.
Il est sans conteste que le concept d'État civil ainsi que défini est la garantie de sortie de cette maladie de la confusion des valeurs qui marque les musulmans dont la foi est un nouvel antéislam imposant de libérer l'islam de la politique qui l'a dénaturé et défiguré. Au reste, les jurisconsultes les plus réputés n'avaient pas manqué de refuser le mélange politico-religieux afin de se garder de se salir aux turpitudes terrestres. Car il n'est d'islam politique qu'au sens précité de sécularité musulmane, soit cet État civil qui sépare clairement entre la sphère de la religion - cantonnée dans l'intimité du fidèle et sa vie privée, où il garde toutes ses libertés privatives du fait de la sacralité de la vie privée en islam - et la sphère publique qui est celle de la vie politique selon les principes de la volonté populaires et ses standards universels. Faut-il rajouter ici que ceux qui relèvent de la sphère privée ont seuls le droit de pénétrer dans la sphère publique, le contraire n'étant ni permis ni possible pour la raison ci-dessus évoquée, à savoir le risque de pervertissement de la foi. Toutefois, étant donné que les deux domaines sont égaux, l'immixtion dans le domaine public par qui relève du domaine privé, les religieux particulièrement, ne se fait que pour donner le bel exemple en incarnant le meilleur des comportements, puisque la vocation du fidèle de l'islam est dans la grandeur de l'exemple apporté. Or, en une foi basée sur la liberté, le droit et la saine intention, quelle autre grandeur avoir sinon de se retenir de la moindre gêne pour son prochain, non seulement en geste et parole, mais aussi par le regard indiscret ou réprobateur ? C'est cela l'islam en son sens de paix : i-slam !


Jour 16
Samedi 9 mai 2020

D'aucuns situent la maladie d'islam dans la politique, arguant même que ce serait l'islam politique. Or, s'ils ont raison s'agissant de la pratique immorale de la politique par ces politiciens qui osent prétendre représenter l'islam et qui n'en font qu'une lecture intégriste sans nulle éthique, ils se trompent en croyant l'islam dénué de politique qui lui serait contraire. En effet, l'islam est foncièrement une foi et une politique et cette dernière ne lui est antinomique, en violant les valeurs, que dans la mesure où elle est immorale. Aussi, la religion d'islam est-elle de par sa nature propre intrinsèquement politique, mais une politique au sens éthique. C'est pourquoi nous avons appelé et appelons à passer de la politique à la poléthique; ce qui signifie que l'expression d'islam politique aurait le sens étymologique du mot, contrairement à l'usage commun d'islamisme. Nous le préciserons brièvement (on retrouvera les détails dans le texte arabe de la chronique) à partir des sens de la politique en langue arabe avant de revenir pour redire que le propre de l'islam est d'être une religion politique, précisant mieux la distinction à faire entre l'islam politique et la politique ou poléthique d'islam.
En langue arabe, le terme politique signifie l'essence qui désigne aussi un type de plante à la fois douce et amère en comparaison avec la politique, somme toute, à laquelle, mais dans sa caricature, réfère un autre sens de l'origine du mot arabe qu’est la mite. Il en ressort qu'au sens noble, la politique est la gestion au mieux des choses en conformité avec ce qu'elles commandent. Et c'est son sens islamique (nous dirions i-slamique) alors que le sens linguistique avec ses différentes déclinaisons est ce qui a été incarné par le second vicaire du prophète, véritable fondateur de l'islam politique comme il sera dit plus loin. En effet, on se rappelle bien sa harangue lors de sa proclamation calife, y affirmant notamment : "L’exemple des Arabes est celui d’un chameau rétif que l’anneau nasal soumet à son maître, le laissant se faire conduire ; or, par Dieu, je les ferai bien marcher dans la bonne voie !". Il n'est nul doute que cela entre en contradiction avec la pratique du pouvoir du messager de Dieu ainsi que l'a incarnée son successeur et premier vicaire Abou Bakr. Ainsi sa harangue à lui lors de son accession au pouvoir est-elle aux antipodes de celle de son successeur Omar, et qui est venue préciser la mutation de la nature de la politique en islam. À l'issue des pourparlers ou chamailleries du préau, Abou Bakr tint le propos suivant ô combien symbolique : "J’ai été chargé de vous diriger et je ne suis pas le meilleur d’entre vous ; donc, si j’agis bien, vous m’aiderez, mais si je me conduis mal, redressez-moi !"
L'interprétation par le premier calife du sens de la politique au nom de l'islam était conforme à l'essence de cette religion, voulant dire qu'elle est un islam politique ne dédaignant pas les choses de la vie, mais entendant s'en charger dans le cadre de la gestion des intérêts humains, notamment en termes de préservation des droits et des libertés, tant que ces humains honorent les droits et privilèges divins. Bien évidemment, cela demeure soumis à la férule de la religion pour assurer sa durée; or, il s'agit d'une foi veillant à l'instauration de la justice. Certes, pour se préserver, la religion peut être appelée à combattre ses ennemis, ainsi que ce fut le cas lors des guerres d'apostasie qui furent politiques à la base, ceux qu'on appela apostats n'ayant pas renié l'islam, mais contesté le pouvoir exercé sur eux par la tribu des successeurs du prophète. D'ailleurs, on a vu Omar à ce moment-là contester la décision du calife de combattre ces supposés apostats au nom justement de la séparation de la religion et de la politique; mais il changera vite d'avis. Et tout au long de son règne, il deviendra non seulement fervent supporter de la politique d'islam, mais également de l'islam politique au sens de l'instrumentalisation de la foi par la politique et ses gens. On sait, d'ailleurs, à quel point son pouvoir était despotique, au nom de l'islam bien évidemment, mais aussi dans la limite de sa conception fondamentaliste de la religion. Cela l'amena à interdire la libre circulation des Compagnons, leur refusant le droit de quitter Médine sans autorisation expresse de sa part et pour une cause impérative et pressante. De plus, il n'est pas un secret que son choix par son prédécesseur pour lui succéder a rencontré une vive opposition du fait de son caractère revêche et ses moeurs rigides; ce qui voulait dire, usant de nos termes d'aujourd'hui, qu'il était bien un dictateur en islam.
À la vérité, la compréhension d'Omar de l'islam n'était pas fausse, puisqu'il n'a pas trahi la pratique ou sunna du prophète, puisque l'islam a mué en politique depuis qu'il a consolidé ses assises en Arabie après la conquête de la Mecque. Aussi, cette religion qui a commencé spirituelle a vite changé en politique dès l'entrée de ses troupes à la Mecque au point que cela allait devenir sa plus authentique idiosyncrasie, la manière d'être de cette foi de haute spiritualité face aux contingences et aux humeurs de ses adeptes; ce qui allait créer de toutes pièces une mentalité d'islam politique, revers de sa médaille, son avers étant une spiritualité des origines. On le verra, c'est ce que traduisait déjà, dans le Coran, la nature mecquoise et médinoise de la révélation. D'où la nécessité de parler, tout comme pour le Coran, d'islam mecquois, essentiellement spirituel, et islam médinois, plutôt politique. Nous y reviendront bien évidemment. Disons juste dans l'immédiat que la phase de l'islam politique, au sens noble de la politique (poléthique) a officiellement pris fin avec le califat d'Abou Bakr, ouvrant la voie à une religion politique au sens trivial du terme de politique politicienne, remplaçant la foi poléthique des origines, mais sans la nier ni l'annuler, l'islam spirituel et sa politique éthique demeurant en arrière-plan et toujours en référence majeure, comme un programme informatique assurant la marche du système.
Il est faux de confondre tel islam politique avec ce qu'on nomme de nos jours islam politique; pour l'en distinguer, il vaut mieux le qualifier de poléthique. Cet islam poléthique est la foi qui se distingue par le fait qu'elle ne se limite pas la religion au sens de simple culte étant d'abord et surtout une culture. C'est ce qui distingue, au reste, l'islam du judaïsme et du christianisme, particulièrement avec l'absence d'église, de clergé ou de rabbinat. En effet, nul n'est autorisé ni légitime à prétendre parler au nom de l'islam; tout au plus peut-il — et doit-il même — faire l'effort d'interprétation de sa foi avec une intention pure. C'est, au reste, ce qu'assuraient faire les chefs des rites que nous appliquons et qui reconnaissaient aussi ne rien connaître de définitif de l'islam. Qui donc, sans être un fieffé menteur, aurait-il l'outrecuidance en islam de prétendre accéder à la sagesse divine ?
Quant à l'islam politique (et non poléthique), c'est l'interprétation de cette religion qui s'est imposée depuis la mort du messager de Dieu, avec le calife Omar spécialement, et dont les aspects caractéristiques se sont précisés avec la troisième calife Othmane dont la califat a consacré d'une manière quasi officielle l'instrumentalisation de la religion au service de la politique et du pouvoir héréditaire. En effet, Othmane a été le premier représentant de la lignée omeyyade qui n'a cessé de mettre la main progressivement sur le pouvoir en islam depuis la conquête de la Mecque et qui l'accaparera après le meurtre du quatrième calife qui fut en quelque sorte le dernier représentant de l'islam poléthique. Ainsi, la politique en islam, avec Mouawiya, digne représentant de l'islam politique, est-elle devenue politicienne, soumettant la foi aux visées de la religion au point de considérer le calife comme désormais le successeur non du prophète, mais de Dieu sur terre !
Il est à rappeler ici que l'intégrisme en islam, cette forme islamisée du monachisme qu'interdit l'islam, a acquis son existence officielle durant la grande discorde à la faveur du phénomène des encagoulés, ces lecteurs du Coran qui ont présidé la contestation contre Othmane et décrété son meurtre, commettant au final le premier pur assassinat politique islamique. Or, toutes ces horreurs ont été accomplies au nom de l'islam politique. Quant à l'islam poléthique, la pratique saine de la politique selon ses lettres de noblesse, il est bien plus ancien, datant du temps du prophète, avant que la tendance à la politique en islam ne commença à dominer sa pure vocation spirituelle, et partant la mentalité des musulmans, depuis la conquête de la Mecque. Celle-ci eut lieu, d'ailleurs, avec le revirement spectaculaire en faveur des musulmans du chef de leurs ennemis, et qui était le père du fondateur de la lignée omeyyade, devenu entre-temps l'un des secrétaires du prophète consignant la révélation. Depuis lors, la tribu de Qaraych contrôla en douce l'islam, en faisant un islam politique, minimisant en lui son essentielle veine spirituelle. Or, comme la religion en son sens étymologique est l'obéissance, celle-ci n'allait plus être uniquement celle qu'on avait pour Dieu avant la conquête de la Mecque mais devenir, petit à petit, l'obéissance qu'on devait au gouvernant bien avant Dieu, ce fut le cas, avec évidence, sous les Omyeyyades.
Pour illustrer une telle mutation de la nature de la foi chez les musulmans, citons l'exemple éloquent du changement intervenu dans le culte du pèlerinage. Ainsi, le premier hajj après la conquête de la Mecque a eu lieu et pour la dernière fois selon la tradition arabe consacrant une totale liberté du pèlerin, dont celle de faire sa circumambulation totalement nu. il faut dire qu'il n'y a avait pas encore de péché de la nudité en dehors de la tradition judéo-chrétienne. Les choses vont changer depuis avec la révélation de la sourate médinoise Le Repentir ou La Dénonciation, et surtout depuis que les gouvernants vont commencer à imposer à tout le monde, au nom de la religion, leur loi qui était celle de la tribu de Qoraïch et qui lui était spécifique, comme pour la vêture du pèlerinage. Cela a été d'autant plus possible que le prophète est décédé peu de temps après la conquête de la Mecque. On sait, par ailleurs, ce qui a entouré cette mort de contestation, y compris quant à sa volonté peu avant son dernier soupir de laisser un testament aux musulmans, sans parler de la lutte pour le pouvoir au préau des Béni Saâida et l'exclusion des Renforts de la succession alors qu'ils étaient les premiers supporters de la foi nouvelle. Tout cela n'a pu avoir lieu qu'à la faveur de la mainmise de Qoraïch sur les rouages du pouvoir dans le nouvel État avant de l'avoir tout entier sous le contrôle d'une dynastie se maintenant aux commandes en usant de la religion avec le concours de jurisconsultes à son service, le nouveau calife ne lésinant sur rien pour les satisfaire à consolider son pouvoir, même si cela violait la foi.
Par conséquent, il nous faut être attentif au fait que la politique est enracinée en islam dès le début pratiquement, mais au sens éthique (poléthique) avant d'être dénaturée en politique politicienne tout autant que de foi instrumentalisée, vidée de sa substance spirituelle. Il est erroné, comme on le fait de nos jours, de nier toute légitimité à l'islam politique (poléthique), car cela revient ipso facto à renier l'islam dans son entièreté ainsi qu'il s'est donné à voir durant son histoire. Quant aux retrouvailles avec l'islam authentique dans sa vocation spirituelle, particulièrement la mise à niveau de la jurisprudence encore en vigueur grâce à l'ijtihad, cela prendra assurément pas mal de temps. Aussi, les contempteurs de l'islam politique dans sa déclinaison habituelle doivent-ils être attentifs au fait que c'est, à la base, une caractéristique réelle de l'islam, bien moins pernicieuse que sa particularité d'être instrumentalisé en politique. L'islam politique (poléthique) est bien de l'islam dans son historicité et pour sa dualité en tant que foi et politique. Et cela a déjà été précisé, ce sont deux caractéristiques rétives à la moindre confusion, la foi ne pouvant déborder la stricte sphère privée comme la sphère de la vie publique n'ayant aucune aptitude à se réclamer de la religion relevant de l'intime, et encore moins à investir sa sphère. En celle-ci, de plus, le rapport entre Dieu et le fidèle est direct et exclusif, puisqu'il ne s'en remet qu'à lui, et à aucune autre autorité même pas celle des gouvernants. Autrement, on tombe dans la politisation de l'islam, ce qu'on appelle islamisme et qui n'a rien à voir avec l'islam politique (poléthique).



Jour 17

Dimanche 10 mai 2020

Je commencerai cette chronique par un chaleureux salut à un ami et fidèle lecteur de ces chroniques qui m'a écrit pour partager avec moi des informations sur une plante médicinale citée dans la chronique d'hier. Je le cite, ayant décidé, à mon tour de partager ces précieuses informations avec mes autres lecteurs : « Au cours du développement de la définition de la politique, on trouve dans le texte en arabe : " فالسوس شجر في عروقه حلاوة شديدة وفي فروعه مرارة؛ وهذا مثل تعاطي السياسة ولا شك". En français cette plante est la réglisse (nom latin : Glycyrrhiza glabra). Elle est cultivée pour ses longues racines, de couleur jaune à l’intérieur et offrant une saveur douce, fraîche, légèrement amère et mentholée. C'est ce petit morceau de bois doux qu’on achetait et qu’on mâchouillait durant l’enfance. Cette plante contient un composé appelé acide glycyrrhizique, principe actif donnant le goût sucré, qui peut entraîner une irrégularité des battements du cœur, une forte tension artérielle, des gonflements, un état de somnolence et des insuffisances cardiaques. D'ailleurs, en France, l'Agence Nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) conseille de limiter, ou mieux, d’abandonner la consommation de réglisse (bonbon ou boisson anisée sans alcool) en cas d’hypertension. La Food and Drug Administration (FDA) américaine conseille aux personnes ayant dépassé les 40 ans de limiter leur consommation de réglisse, car elle pourrait causer une arythmie cardiaque. »
Cela confirme bien notre propos, la réglisse qui est dans l'étymologie du terme arabe pour la politique étant la meilleure parabole de ce qu'emporte la pratique politique comme bienfaits et méfaits, particulièrement en terre d'islam avec la distinction que nous avons opérée entre islam politique ou poléthique — qui est la science de la philosophie politique de l'islam — et ce qu'on qualifie de même et qui n'est qu'une politisation de l'islam sans nulle éthique. 
Cet islam politique non éthique, qui est à rejeter dans la poubelle de l'histoire, date du meurtre du calife Othmane; ce fut le tout premier forfait de l'islam politique (et non poléthique), donc en son sens à rejeter impérativement. Au reste, nous avons raconté les péripéties de ce drame dans une fresque historique en français publiée en 2015 (au Maroc, chez Afrique Orient) et elle a inspiré la série que publie une compatriote (Héla Ouardi) rencontrant un grand succès. Il est, par ailleurs, à noter que notre traduction en arabe du roman est prête à l'édition depuis longtemps, mais l'état déplorable de l'édition dans le monde arabe a empêché à ce jour qu'elle soit offerte au public arabophone. Bien évidemment, pour quiconque intéressé par cette version, il est possible de contacter directement l'éditeur afin d'en demander des nouvelles et la date de parution.
Nous continuons aujourd'hui à parler des turpitudes de la politique non éthique et la mauvaise pratique de l'islam en soutenant que le ramadan est propice, particulièrement cette année, à l'effort à faire pour ne pas oublier que la piété du mois du jeûne n'est valide qu'en étant l'occasion non seulement pour varier les mets et s'empiffrer à l'envi le soir devant des productions mélodramatiques, mais pour méditer aussi et surtout les événements tragiques ayant jalonné l'histoire musulmane et qui ont fait sa maladie dont on parle. Assurément, le plus triste de ces souvenirs est le drame du meurtre du troisième calife Majeur, Othmane Ibn Affène, tué la nuit de la fête du sacrifice, le 17 juin 656 après J. C, an 35 de l'hégire, alors qu'il avait 84 ans et après avoir été encerclé dans sa demeure pendant quarante jours.
Sans conteste, ce fut le premier crime politique islamique au sens où le meurtrier et la victime professaient tous deux la foi d'islam, agissaient en principe en son nom et prétendaient se conformer à ses préceptes. En effet, nonobstant les divers récits se rapportant à la mort du prophète et d'Abou Bakr, qui auraient été victimes d'un empoisonnement dont un juif aurait été responsable, Othmane fut le second assassinat du personnage public de premier plan dans l'histoire de l'islam après Omar, son prédécesseur. Toutefois, il fut le premier à être mis à mort de mains musulmanes et au nom de l'islam. Ce crime politique est bien particulier pour avoir ouvert la voie à ce qui allait devenir une habitude de gouvernement, réhabilitant en islam la vision antique du pouvoir politique vu par ses premiers théoriciens comme étant l'union de la force du glaive et la ruse de la tromperie, faisant de la politique une pratique sans éthique, un comportement bestial du lion et du renard tout à la fois. Ce qui est bien loin des sublimes valeurs de l'islam originel, la foi mecquoise.
Si nous revenons pour rappeler encore cet événement tragique, c'est bien parce que l'assassinat d'Othmane a été la fissure initiale apportée à l'édifice de l'islam; il est son tout premier crime politique resposnable du malheur dont il souffre toujours. Aussi disons-nous que l'islam politique en islam est apparu avec le meurtre du calife Othmane, entraînant l'apparition des tendances politiques, à la faveur de ce qui fut nommé Grande discorde, à commencer par le chiisme et les sectateurs ou Khawarejs, et surtout l'islam officiel que la dynastie omeyyade allait imposer et que consolidera celle des Abassides. Ce qui nous permet d'affirmer aussi que l'islam auquel croient les multitudes, à savoir cette foi de paix et de miséricorde, ne s'est pas retrouvé dans l'histoire officielle des pays d'islam ni au travers de l'islam politique qui ne fut qu'une série de guerres, internes et externes, et de crimes politiques au nom de la religion, exploitant et profanant non seulement ses principes, mais aussi ses rites et ses lieux les plus sacrés. En effet, nombre de forfaits ont été commis dans les enceintes des mosquées et durant des fêtes religieuses, et aussi à Médine et à la Mecque dont on alla jusqu'à bombarder à la catapulte la Kaaba !
Othmane a péri injustement, victime de ces intégristes de la religion qu'on nommait alors Encapuchonnés ou Fronts noirs du fait du port des capuchons et de leurs fronts noircis par les prosternations appuyées dans leurs prières. C'étaient de pauvres pieux devenus des lecteurs du Coran, mais surtout frustes et excessifs dans leur lecture intégriste et manichéenne de leur foi. Certes, Othmane avait pas mal de défauts, dont le tort de privilégier les siens du clan Omeyyade; cela n'autorisait pas toutefois sa mise à mort selon les préceptes de l'islam même. Encerclé dans sa maison, il sera tué alors qu'il récitait le Coran, le Livre saint dans les mains; l'une d'elles fut même coupée alors qu'il tentait de défendre un Livre qu'il rédigea lui-même. Ses meurtriers, qui comptaient dans leurs rangs le fils du premier calife Abou Bakr, Mohamed, n'hésitèrent pas fouler aux pieds le Coran tâché de sang du calife, alors qu'ils se disaient pieux, puis devinrent les principaux soutiens d'Ali, le gendre du prophète.
Est-il nécessaire après cela de redire que l'islam politique, ainsi que l'usage l'a imposé au sens de l'instrumentalisation de la foi au service d'une politique nullement éthique, n'est point l'islam authentique. Il n'est qu'une caricature de cet islam contraire à ses origines, né avec le drame de l'assassinat d'Othmane qui amena la guerre avec le gouverneur de Damas et la bataille de Siffin puis la comédie de l'arbitrage. Avant, eut lieu la révolte de l'épouse préférée du prophète contre Ali et la bataille du dromadaire; et c'est cette révolte d'Aïcha qui fit douter nombre de musulmans de l'innocence d'Ali de sa complicité supposée avec les meurtriers du calife que le gouverneur de Syrie prétendait venger dans le but de garder le pouvoir dans la dynastie omeyyade. Comme il y a réussi, commença alors en islam l'ère du pouvoir héréditaire avec lequel nous n'avons pas encore fini à ce jour, même si les gouvernants se succèdent moins dans la transmission du pouvoir à leur descendance que dans l'abus dans son exercice.
Nous ne pensons pas être loin de la vérité en soutenant que l'islam des origines a pris fin avec la mort du prophète, messager d'une foi demeurée consignée dans des Écritures saintes et selon l'interprétation d'une minorité de pieux et de justes musulmans non intégristes. Ce furent les gens de la Soffa, qui donnèrent par la suite naissance au soufisme, ces adeptes de l'islam premier, celui des origines, que sont les soufis de la Vérité. Quant à la foi qui nous est restée, elle est plutôt le produit de luttes et de guerres, un islam politisé n'ayant plus de rapport avec l'islam de la révélation de Mohamed, le messager porteur d'un message d'amour et de fraternité en ses visées. La même chose peut être dite de la jurisprudence, cet effort humain entrepris par des jurisconsultes dont la plupart étaient au service des gouvernants, que ce fut la dynastie omeyyade ou abbasside, ou de leurs opposants. Ce qui concerne ici le sunnisme peut être dit pareillement pour les autres courants du dogme et ses sectes, spécialement le chiisme, n'ayant pas échappé à la motivation politicienne qui fut leur terreau.
Le malheur d'Othmane est venu confirmer la justesse du jugement d'Omar relativement aux Arabes dont le gouvernement nécessite un pouvoir à poigne, car la moindre tolérance relève pour eux de la faiblesse. Ce qui ne justifie point, bien évidemment, l'état déplorable des droits et des libertés et la dictature des gouvernants, leurs abus et leur injustice, ne faisant que mettre l'accent sur la nécessité impérative de lois justes et éthiques. Ce sont elles qui sont en mesure d'interdire l'abus et l'exploitation des uns, la majorité, par les autres, une minorité qui invoque illégitimement la religion pour justifier ses privilèges. C'est bien la loi, non le pouvoir, qui doit être à poigne de nos jours pour s'opposer à de tels abus, une loi juste et égale pour tous et non à la manière des lois scélérates régissant les pays d'islam dont la Tunisie. Car l'islam est une foi de droits et de libertés; on l'a dit on ne rappellera jamais assez cette vérité. Ce n'est qu'avec une telle médication que l'islam guérira de sa maladie et recouvrera la santé, même si cela ne devait être que sous la forme d'un placebo; faut-il le vouloir puisqu'on ne guérit pas un malade contre son gré !



Jour 18

Lundi 11 mai 2020


Il a été déjà précisé que la naissance de l'islam politique, cette politique sans lettres de noblesse ni éthique instrumentalisant une foi spirituelle à la base, se situait déjà au tout début de l'État islamique. Et nous avons daté l'apparition de l'intégrisme dès la conquête de la Mecque, précisant qu'il a commencé politique avant de muer en religiosité avec la mainmise de la tribu du prophète sur la nouvelle religion. Par la suite, il n'a fait que se radicaliser, contrôlant le moindre rouage de l'État nouveau en exploitant la nature duale de l'islam en tant que foi spirituelle et politique pour la gestion de la cité.
Ce qui fut le terreau fertile des adeptes de l'islamisme politique, même si cela n'a pas été le facteur essentiel de l'intégrisme religieux introduit par des politiciens de haute volée ayant asservi la religion à des appétits politiques sans nul lien avec la spiritualité religieuse. En effet, c'est la dictature politique avec la négation des droits et des libertés basiques qui a généré la dictature morale et religieuse. Assurément, une telle dichotomie en islam entre la religiosité politicienne qui s'affichait sans vergogne et la spiritualité qui se cachait, ne serait-ce qu'en conformité avec l'esprit de la foi, était flagrante dès les débuts de la révélation.
L'esprit novateur de la nouvelle religion reflétait bien l'âme des Arabes, dans la langue desquels s'est faite la révélation, ainsi que celle des pauvres et déshérités, ses premiers adeptes qu'on a retrouvés sous le préau de Médine après l'Émigration, constituant le noyau de base du soufisme. Or, on ne le retrouve plus chez les notables de l'islam installé, perverti dans sa déclinaison officielle par les responsables et les chefs, y compris le second calife Omar, pourtant connu pas son sens éthique très développée. Que pouvait-il faire donc contre un système qui s'est mis à copier les moeurs du temps, particulièrement chez les ennemis vaincus, politiquement plus raffinés ?
Omar ne fut pas moins le premier gouvernant despote en islam politique, contrariant par son caractère autoritaire ce qui avait caractérisé le prophète et son successeur, premier et seul calife à la vérité. Cela a annoncé le changement de nature du pouvoir en islam à la mort de son messager et l'érection de son État, avec particulièrement le dogmatisme autoritaire, allié à l'intégrisme religieux, qui allait caractériser ses responsables.
Cette thématique intégriste gardant son importance dans la maladie d'islam de nos jours, nous revenons avec quelques détails supplémentaires à son apparition du temps des Califes Majeurs, d'autant que cette époque est considérée comme bénie, mais dont certains aspects sombres relèvent des sujets tus dans la civilisation d'islam.
Nous préciserons qu'il existe une culture de l'intégrisme en islam dans ce qu'on qualifie à tort d'islamisme au sens d'islam perverti (le fait-on donc pour les termes similaires du judaïsme et du christianisme?). Cette instrumentalisation de la foi n'arrête jamais chez les musulmans, ayant des cycles de naissances et de renaissances continues; ce qui ne s'arrêtera pas tant qu'ils n'auront pas eu l'audace de renouer avec la spiritualité des origines de leur foi et sa particularité d'être une foi de droits et de libertés dont on donnera quelques exemples parmi ceux au symbolisme capital étant exclus du débat public au prétexte d'un supposé caractère immoral ou irréligieux.
La culture se renouvelant sans cesse de l'intégrisme politicien, et partant religieux, s'est peu à peu consolidée après ses tout premiers débuts lors de la conquête de Mecque, sanctuaire de la nouvelle religion. Et si l'intégrisme dans sa dualité politico-religieuse a adopté par moments un profil bas face au retour en force de la spiritualité, essence de l'islam, c'est pour revenir encore plus forte au nom de la religion qu'il singe, se prétendant son âme même. C'est qu'il est dual comme la religion; mais alors que l'islam est une foi spirituelle et une politique éthique (poléthique), l'intégrisme politico-religieux ou religio-politique est une jonglerie politicienne et une religiosité dogmatique. Ce fut bien évident durant l'époque des califes Majeurs, considérée comme un âge d'or de l'islam après son époque fondatrice. Or, celui de la gouvernance en islam a pris fin avec l'érection de son État puisqu'il est notoire que le gouvernement d'État est généralement vicieux en termes de valeurs morales.
L'accession au pouvoir du dernier des quatre califes Majeurs, Ali Ibn Abi Talib, a-t-il coïncidé avec la fin de la mutation de l'État musulman, passant d'une nature à une autre, de la spiritualité et la politique éthique à la politique sans éthique, cet islamo politico-religieux ou religio-politicien qu'on qualifie d'islamisme. Cela manifesta la fin d'un système où les rouages du pouvoir étaient centrés sur la foi, une sorte de théocratie primaire et informelle, où la religion est une foi intime dans un refuge immergé en un environnement voulu de paix même s'il est toute inimitié. Celui qui prit sa place, une théocracie formelle généralement non déclarée ou non assumée, est un pouvoir au nom de Dieu, centré autour d'une autorité politique d'humains se comportant comme les serviteurs d'un temple profane ou civil, se consacrant tout entier à servir et à affermir ce pouvoir, dont l'ossature religieuse, sur des terres immenses, quasiment sans limites, appréhendées en ennemies même si elles étaient paisibles. C'est ce qui distingue l'énorme différence entre l'islam de la révélation et celui de la conquête ou Fath.
Avant la formidable extension territoriale de son État, l'islam a usé du pouvoir politique (poléthique) pour ses propres besoins religieux, essentiellement spirituels. Après son expansion territoriale, il s'est retrouvé réduit à n'être qu'in instrument au service des visées d'une autorité politique dont le pouvoir est devenu science infuse en tout, y compris en cette religion dont il tire pourtant sa légitilité, moyennant l'investissement de celle-ci dans toutes les manifestations de la vie, aussi bien publiques que privées.
En cet environnement mutant, Ali Ibn Abi Taleb, dernier des califes bien guidés, était une sorte de phénomène anachronique, dernier survivant de politiques musulmans ayant disparu ou s'étant raréfiés, de ceux portant encore une conception plus juste de sa foi, proche de sa manifestation du début. Ce qu'il ne sut pas faire durant son pouvoir, ou dont il ne put s'acquitter, était de réussir à amener les gens à l'aider à apprivoiser l'autorité politique au service de la foi. Sa conception a bien changé et on était plus facilement enclin à se soumettre à la volonté humaine pour peu que cela libère du joug d'une morale religieuse devenue austère, quitte à être asservi par une autorité civile sans nulle éthique. À noter que cette relative liberté dotait d'un certain pouvoir ce qu'on appelait alors populace puis bas peuple ou plèbe, ce qui amena les califes à s'en méfier. On raconte ainsi que le calife abasside Maamoun eut ce conseil à son successeur et frère Moatassim : "Ne néglige pas tes sujets; tes sujets, tes sujets! Attention au bas peuple, au bas peuple ! Le pouvoir lui appartient."
Ce qui n'échappa forcément pas à qui vivait de la religion, en faisant un métier et en commecrait, quêtant une influence terrestre, ne serait-ce qu'en prestige moral, soit auprès de l'autorité publique en place soit contre elle auprès de la plèbe. On a ainsi vu le sort de la politique d'Othamne, aux antipodes de celle d'Omar, marquée par la bonhomie et la faiblesse, débouchant sur sa triste fin.
Avec le gendre du prophète ne s'acheva pas seulement le temps du califat bien guidé, cette époque d'un pouvoir encore soucieux d'éthique, du moins officiellement, et qui n'était pas encore la dictature d'une dynastie, même s'il n'était que le pouvoir d'une tribu dominatrice; avec lui prit fin aussi l'islam premier, la foi spirituelle. Pour cela, ses supporters ont fait d'Ali une icône de cette époque érigée en âge d'or, ainsi que le firent les musulmans de l'ensemble du pouvoir des quatre califes, un temps d'autant mieux prisé qu'il a été assez tôt perdu.
Il faut dire que l'intégrisme religieux a alors connu une vigueur particulière qui s'est consolidée durant la guerre entre Ali et Mouawiya, particulièrement avec les Encapuchonnés, lecteurs du Coran qui prétendaient être spécialistes de l'intelligence de la religion et en avaient la compréhension courte, altérée par une politique politicienne immorale. Il est à noter aussi qu'un tel intégrisme était en harmonie avec celui des gens du pouvoir au service de leur autorité. L'excès chez certains en arriva jusqu'à maudire le prophète dans les prêches en maudissant un être notoirement connu pour avoir été cher au coeur du messager de Dieu, son neveu et gendre Ali. C'est ce que fit Mouawiya avec Ali en réaction, faut-il le préciser, à ce dernier qui le maudissait dans ses prières; mais cette vengenca devint la politique d'un régime islamique d'apparence.
Depuis, le ver des basses choses matérielles de la vie est dans la foi d'islam, ce qui permit à l'intégrisme d'y faire sa culture, y naissant et renaissant sans discontinuer en une religion dont l'appel à des retrouvailles avec ses valeurs est resté un slogan révolutionnaire, soit pour construire en revenant à sa spiritualité d'origine, soit pour détruire comme on le vérifia avec les Sectateurs Khawarej ou Harouria. Ces derniers, malgré une propension à se libérer du joug du pouvoir autoritaire et de la royauté héréditaire, ont ignoré l'esprit de l'islam et ses visées, restreignant excessivement sa tolérance au point de verser dans le crime, attentant tout autant à la vie d'innocents qu'à la foi d'islam tout court. Il n'empêche qu'au départ, ils se sont souvent révoltés contre la tyrannie d'un pouvoir abusif se prétendant gouverner au nom de l'islam, ce qui amenait ses adversaires à le contrer avec la même arme, usant aussi de la religion, opposant au dogmatisme de cette dictature un fondamentalisme encore plus fort puisqu'il se revendiquait seul divin vraiment auprès des masses forcées à suivre.
On a pu vérifier cela et de manière régulière dans l'histoire arabe et au Maghreb surtout, l'islam ayant représenté la meilleure arme pour les gens du pays amazigh usant du dogme karijite afin de défendre leur liberté contre les despotes envahisseurs en y trouvant confirmation de leur conviction d'être les Hommes Libres.
Assurément, l'attachement à la liberté et la capacité de l'islam d'en être l'oriflamme en tant qu'appel et slogan révolutionnaire a été pour beaucoup dans l'adhésion des Arabes à la religion de Mohamed au point d'agir à en conformer parfois les préceptes à leurs propres convictions. Ce qui renvoie à la fameuse expression que les Arabes sont d'accord pour n'être pas d'accord et qui, bien qu'employée à titre de critique et de satire sévère, peut se révéler laudative. Pour un observateur lucide et perspicace, elle serait même un titre de fierté de l'Arabe pour sa propension à discuter, jusqu'à discutailler, dénotant un esprit de contradiction au point de refuser l'avis contraire tout en n'étant que le catégorique refus de l'avis unique en tant que vérité surplombante. N'est-ce pas une expression basique du pluralisme traduisant brutement l'esprit démocratique ?
Certes, cela commande l'ordre et non le désordre, nécessitant des institutions, particulièrement avec mission régulatrice veillant à la pluralité des opinions. Or, elles sont absentes chez les Arabes ou ne sont que de pure forme pour différentes raisons, dont nous n'évoquerons ici, en nos temps présents, que l'immixtion des autorités étrangères du Nord développé de façon plus poussée que par le passé dans les affaires intérieures des États du Sud en développement pour cause de la mondialisation et de toutes ses implications.
Si le judaïsme et le christianisme ont réussi à évoluer et se libérer de leurs propres intégrismes, cela se fit dans une atmosphère de liberté de pensée, particulièrement pour la religion judaïque qui a profité de l'esprit démocratique qui régnait en terre d'islam, en Andalousie notamment. En effet, l'islam ne s'est nullement immiscé dans les affaires religieuses judéo-chrétiennes lors de leur aggiornamento théologique. Or, en l'islam, les choses sont différntes, l'effort de rénovation de l'islam de l'intérieur est contrarié par l'Occident judéo-chértien. Hier comme aujourd'hui et depuis son déclin, il n'a pas bénéficié de la même liberté précitée pour ses penseurs étant sous l'emprise impérialiste, particulièrement sous sa plus récente déclinaison mentale. Ce qui assure la pérennité de l'intégrisme musulman aussi bien comme mauvaise interprétation de la foi, au service des divers intérêts en terres d'islam ou hors d'elles, que pour une instrumentalisation dans la lutte contre un intégrisme similaire sinon plus abject encore.
                                                                                               

Jour 19

Mardi 12 mai 2020

Nous finissons notre propos sur les manifestations de la religiosité intégriste islamiste en insistant sur le fait que sa caractéristique foncière est d'être politicienne, une politique sans éthique. Aussi n'est-il de parade efficace contre l'intégrisme islamique qu'avec la loi, car la référence à l'éthique y est tout autant facile qu'assurée, sinon impérative. L'histoire de l'islam confirme amplement cette nouvelle règle en politique ainsi qu'elle l'est ailleurs qu'en islam : tromperie, mensonge et immoralité. Ce qui contredit l'essence de cette foi d'être une totale soumission du fidèle à son créateur, étant en possession de tous ses droits et libertés et tant que c'est de même pour son prochain; aussi n'y a-t-il point de soumission humaine mutuelle après celle due à Dieu du moment que sont honorés les droits et libertés des uns et des autres.
C'est le sens de l'absence d'autorité centrale religieuse en islam, comme en christianisme l'église ou la synagogue en judaïsme. Or, c'est ce qu'a perdu l'illégitime islam d'aujourd'hui, désormais contraire à son esprit et à sa lettre, puisqu'on y trouve clergé, sacerdoce et rabbinat avec les imams, faqihs et mufti de la République.
Pour revenir à une saine appréhension de l'islam des origines, il importe de le débarrasser de toutes les faussetés qui l'ont défiguré, en commençant par reconnaître l'aptitude du musulman à gérer sa vie terrestre en totale liberté et en éloignant la de la foi la politique politicienne qui l'a altérée et continue à le faire. Aussi, la première initiative à prendre serait d'oser se passer dans le gouvernement du ministère dédié aux Affaires religieuses et de l'institution des avis officiels juridico-politiques (office de l'iftaa) n'ayant pas de légitimité en l'islam originel. S'agissant de la pratique politique outre que poléthique, il s'impose que les politiciens, notamment les symboles de l'État, s'abstiennent de s'immiscer dans la religion, sa meilleure protection et sauvegarde étant dans l'interdiction d'y faire pénétrer l'autorité publique, étant spécifique à la vie intime. En effet, la foi en slam est affaire privée où la créature et son créateur sont en rapport direct et exclusif.
En plus de ces résolutions osées et symboliques, il est bien évidemment nécessaire aussi de hâter l'abrogation de tout ce qui est obsolète dans les lois de nos pays, d'autant qu'elles ne sont, en Tunisie, que le reliquat de l'ordre déchu et du temps du protectorat français chrétien. Une telle réforme juridique se doit d'être réalisée non seulement au nom de la Constitution, mais aussi de la religion, enfin correctement interprétée et non ainsi qu'elle est lue, ce qui a produit l'horreur absolue de Daech. En effet, ce qui interdit réellement la mise à niveau de notre législation dans ses présupposés religieux est bien cette mauvaise lecture d'une religion à laquelle renvoie la Constitution.
Or, bien que l'on ne doute pas que la plus efficace parade à l'intégrisme religieux soit la loi et que les autorités se refusent à légiférer en faveur des droits citoyens et de leurs libertés, il est regrettable que la société civile n'agisse pas à bon escient en la matière.
Certes, les associations, en Tunisie et dans d'autres pays du Maghreb, n'hésitent pas à militer pour les libertés individuelles, comme le droit de ne pas jeûner publiquement durant ramadan, mais elles n'exploitent pas nécessairement et d'une manière efficiente sa force en cet âge des masses et de la toute-puissance de l'information. Comme la Constitution tunisienne est restée lettre morte pour nombre de principes de liberté, qu'est-ce qui empêcherait d'agir avec intelligence pour demander l'application de la loi supérieure de l'ordonnancement juridique de l'État; référence majeure en un pays se voulant un État de droit ?
Cela peut se faire en délaissant la parlote et les simples manifestations de rue, sans effet concret dans des régimes liberticides autistes, ayant plutôt l'audace de proposer des projets de loi prêts au vote, sans les attendre de la part d'un législateur réticent. Cela suppose que la société civile propose ses propres textes dans ce qu'on pourrait qualifier de self-service législatif et d'en faire la promotion en les défendant activement dans les médias nationaux et internationaux, particulièrement dans les pays amis, jusqu'à finir par les imposer aux gens de la politique et au législateur. Peut-on donc ignorer, de nos jours, la force de frappe des médias et des lobbys, leur influence sur les décideurs dans tous les domaines de la vie ?
Il est vrai, pas mal de projets ont été présentés directement au parlement par les associations, et parfois même par des autorités officielles, mais se sont retrouvés au cimetière des textes mort-nés. L'on doit toutefois noter que la raison évidente de leur rejet était invariablement le fait qu'ils n'avaient pas bénéficié d'un battage médiatique et qu'ils ne comportaien pas de référence explicite à la saine lecture de la religion du pays et ce, d'une manière expresse ou cachée, pour cause d'attachement à la laïcité, cette conception occidentale de la séparation des autorités. Il est bien temps de combattre enfin ces manifestations d'intégrisme dogmatique, tout comme dans les textes législatifs illégaux, de la manière la plus utile et infaillible qui soit en proposant des projets qui ne méconnaissent nullement la référence à la religion réhabilitée, y renvoyant et agissant même en son nom.
Si l'on veut réaliser le passage qualitatif qui s'impose de la mauvaise à une meilleure interprétation de la religion du pays, consacrée par la Constitution comme référence majeure, une interprétation correcte rendant hommage à sa veine humaniste, il nous est impératif d'avoir le courage d'affirmer et de le démontrer aussi, preuves à l'appui, que c'est une religion de droits et de libertés, tous les droits et toutes les libertés sans exception, un humanisme défiguré.
Notons ici de nouveau que si ce propos contredit la jurisprudence religieuse en vigueur en islam et qui, inspirant les criminels, doit être réformée avec la réouverture de l'effort d'interprétation de l'ijtihad, il ne rencontre pas moins — et fatalement même — l'adhésion des... intégristes, et ce bien qu'ils soient opposés à l'appel pour l'instauration imparable des droits et libertés en terre d'islam. C'est que du fait des engagements pris par l'islam politique, particulièrement en Tunisie, auprès de ses soutiens capitalistes libéraux d'Occident, ils n'ont pas d'autre choix. C'est ici que se situe le comble de l'absurde, à savoir que s'opposent donc à pareil appel ceux qui sont censés l'appuyer quant à son fond et qui le refusent pour une question de pure forme du fait de leur dogmatisme laïciste.
Au vrai, le vice majeur des textes que proposent les miitants laïques sur les sujets sensibles est qu'ils ne sont pas enracinés dans le vécu populaire, ce qui les rend sans efficience pour s'imposer aux esprits et avoir de l'effet sur l'imaginaire collectif. Particulièrement, ils méconnaissent la religion et ses valeurs comme spiritualité dans la vie tunisienne, parlant invariablement de sécularité et des dispositions civiles de la Constitution et ignorant, dans le même temps, ses dispositions référent à l'islam et à l'impératif du respect de son éthique. C'est bien le noeud du problème !
Cette référence dans la Constitution à la religion est un stratagème des intégristes pour empêcher la moindre évolution de la vie sociale sur les questions sensibles généralement tues, tels le droit de ne pas jeûner durant ramadan, celui à boire de l'alcool, l'égalité successorale, le droit au sexe y compris homosexuel et adultérin, etc. C'est bien ce que j'ai qualifié de clou de Jha, une ruse où se laissent prendre les laïcistes qui, s'ils sont de bonne foi dans leur militance, font preuve de courte vue et d'un manque flagrant de perspicacité en cantonnant l'islam dans le culte, exactement comme le font les intégristes.
De la sorte, ils se font leurs complices dans le maintien en l'état déplorables des libertés, n'ayant nulle capacité à faire parvenir leur voix aux masses et leur vision rayonnante des droits des gens. Pourtant, ces derniers et la société en général n'ont de leur religion ni une conception intégriste ni cultuelle, ce qui suppose que si on leur propose un texte intelligent pour n'importe quel projet de loi en mesure de renverser totalement la donne, il peut obtenir la plus grosse adhésion populaire.
Aussi avons-nous insisté et le refaisons-nous volontiers sur la nécessité de ne pas ignorer la référence à la religion afin de le faire passer enfin du cultuel au culturel. Il n'est nul doute que l'on y arrivera un jour, la question n'étant que de savoir quand cela se fera mais après combien de victimes innocentes encore? Et qui assumera la responsabilité d'une telle injustice au nom d'une religion de justice ?
    
         
Jour 20

Mercredi 13 mai 2020

Il a été précisé que la pratique politicienne de l'islam, du moment qu'elle n'était pas éthique (une poléthique donc), était désormais jonglerie et tromperie selon les règles antiques de la politique, ce que le sens populaire qualifie de politicaillerie. Et elle s'y réduit tant qu'elle n'a pas pour assise l'éthique islamique dont elle revendique la référence, et que fonde la bonne et sincère foi.
En effet, il n'est de loi que divine du moment qu'elle ne se réduit pas à ce que l'humain a forgé en des temps reculés évanouis ainsi que c'est le cas avec le droit musulman et sa jurisprudence. En la matière, on n'applique que le simple effort d'interprétation humaine, imparfait par nature, entrepris par de prédécesseurs qui ont fini par l'élever au rang du Coran, tradition prophétique y compris, authentique ou apocryphe. Celle-ci a même été établie par les islamistes intégristes, ainsi qu'on le verra ultérieurement, supérieure au Coran. Les musulmans n'ont donc fait qu'emprunter la voie de leurs ancêtres, négateurs de l'islam qui avaient attesté ne point dévier de la tradition des anciens, même obsolète.
Aussi allons-nous préciser ce qu'est le véritable sens de la loi divine et de la jurisprudence musulmane avant d'en arriver à affirmer que nous nous attachons aujourd'hui à un islam malade qui relève de l'illusion religieuse, que nous qualifions d'islam virtuel.
La loi d'islam ou chariaa dérive du mot arabe chaar' ayant pour sens l'explicitation et la présentation; d'où la chariaa qui est, à la base, la source d'eau. Dans sa signification religieuse de fiqh, la chariaa ou le chaar' est la voie et la doctrine ou l'école de pensée entendant l'explicitation des préceptes religieux. Ce qui veut dire, en premier, les comprendre dans leur vérité, soit selon leurs visées, puis de les appliquer. Aussi, le chaar' ou chariaa ne déclare licite ou illicite ce dont il traite qu'en vertu d'un effort humain d'interprétation pouvant ne pas se révéler juste dans la compréhension des visées de la loi religieuse. Or, elles sont bien évidemment difficiles d'accès pour l'entendement humain qui est imparfait par nature; sinon l'humain relèverait du divin.
Par conséquent, la conviction courante quant à la véracité des affirmations des jurisconsultes est une négation de l'esprit de la religion qui ne fonde une vérité éternelle qu'en conformité avec ses visées, et dont la caractéristique première est d'être tout bénéfice pour la créature. De plus, il tombe sous le sens que ce bénéfice varie avec le lieu et le temps. Aussi l'ijtihad est-il une obligation en islam; ce qui impose de renouveler cette religion au moins chaque siècle.
Comment, dans ce cas, prétendre oeuvrer au service de cette foi sans appliquer sa prescription en matière de rénovation de la compréhension d'une religion bien malade, la santé l'ayant désertée avec l'extinction en elle des valeurs éthiques et des principes humanistes ? Car elle n'est plus rien sans ces valeurs, au contraire des dogmes et croyances qui ne sont que purs cultes.
Quant à la jurisprudence ou fiqh, en son sens linguistique, il est la compréhension et l'intelligence avec sagesse; c'est aussi la saisie avec clairvoyance des questions difficiles. D'où, à la base du terme, ces emplois pour la sagacité et la perspicacité, l'esprit de finesse. Or, c'est ce qui est devenu inatteignable chez nos faqihs ou jurisconsultes, les visées de leur foi demeurant hors d'atteinte de leur cerveau incapable de les comprendre, corrompant ainsi la religion.
Au mieux, ils ne font que ruminer l'effort d'exégèse et de cogitation intellectuelle de leurs prédécesseurs ayant pensé leur foi pour leur époque, au vu de ses valeurs et en tenant compte de l'esprit de ce temps; ce qui n'a été valide que pour leur siècle, non pour ceux venus après avec leur propre compréhension des visées de la religion qui sont les seules valides de tout temps.
La jurisprudence musulmane du temps présent fait bien du tort à sa foi. Tout se passe, avec nos cheikhs et imams, comme si l'on avait affaire à une cinquième colonne, services secrets d'espionnage ennemi, qui détruit ce que cet ennemi ne réussit pas à faire, ou veille tout au moins au maintien de l'état de total délabrement.
Nous le vérifions dans nombre de questions relevant de ce qu'on a pris l'habitude de taire des sujets sensibles et dont on a déjà évoqué certains parmi tant d'autres. Or, le vrai travail du jurisconsulte, ainsi que défini par l'imam Abou Hanifa, est de connaître ce qui est exigé de l'âme humaine et qui lui est dû, ce qui inclut le dogme et le culte, mais aussi la morale et les relations entre les fidèles. Et nous savons à quel point a été élevée la dignité de 'humain en un islam qui se présente comme étant une religion de justice, avec l'obligation expresse de ne point être injuste à l'égard de quiconque. Sinon, cela ne se ferait qu'illégitimement, au nom de la foi d'islam qui plus est, ce qui la violerait et la nierait.
Pour sa part, le philosophe de l'islam Ghazali définit le fiqh comme la connaissance des prescriptions précises particulièrement pour les faits des justiciables; ce que synthétise Razi en savoir sûr des lois religieuses de manière pratique et intuitive du comportement en conformité de la loi, mais sans référence nécessaire à la religion. Une telle conception intelligente suppose la réouverture de l'ijtihad en islam en vue de lui rendre sa dignité par une jurisprudence, ainsi que cela a été rapporté par Raghib Asphani, accédant au grade de science manquante grâce à une science comparante, le propre d'une sapience.
Plus que jamais, la jurisprudence musulmane a besoin de méditation et de réflexion sagace par un effort d'interprétation continu et ce savoir objectif se résolvant en ignorance dès que le savant — celui qui quête le savoir — s'arrête d'apprendre sans cesse.
Ceux des jurisconsultes prétendant détenir la vérité en religion sans la confronter à la vérification par le doute méthodique de l'effort continu qu'est l'ijtihad, ne sont que de vrais ignorants, se souciant bien plus de la vie ici-bas que de l'au-delà, ayant l'envie, avec leur savoir religieux, d'un magistère religieux parmi les humains . Il n'est même pas exclu que leur inconscient, contre leur gré et sans s'en rendre compte, leur donne des prétentions d'atteindre au statut divin; car ils svent pertinemment que seul Dieu est savant, connaisseur de tout, ignorant de rien.
Ce qui n'est qu'équivoque satanique instituant une illusion de la foi ou cet islam virtuel qui sera évoqué dans la prochaine chronique.

Jour 21
Jeudi 14 mai 2020

Étant virtuel, notre islam aujourd'hui relève de l'illusion employée ici au-delà de son sens habituel (encore plus riche en arabe) d'erreur de perception provoquée par une apparence trompeuse; car l'illusion est aussi et surtout l'interprétation fausse de quelque chose de réel, comme un sens. Ainsi parle-t-on de l'illusion visuelle et d’optique. C'est surtout la croyance erronée, pouvant être séduisante pour l’esprit, comme celle relative à la foi chez les religieux, particulièrement les intégristes prétendant y être attachés alors qu'ils l'altèrent. C'est ainsi que leur foi fait illusion, trompant tout en présentant une apparence flatteuse de la religion. Ce qui correspond au sens étymologique du mot voulant dire en latin raillerie et jeu.
C'est sous sa signification étymologique, d'ailleurs, que se présente l'illusion de l'islam de nos jours, en faisant bien plus une foi virtuelle que réelle, sans rapport avec la religion qu'on croit honorer, que l'intention fût saine et bonne ou malade et mauvaise chez le croyant.
Cette illusion est celle de l'islam cultuel rendant illusoire la religion en se limitant à l'apparence rituelle de la foi sans se soucier de son essence culturelle en syntonie avec l'âme de l'Arabe dans la langue duquel elle a été révélée. Or, elle est marquée par son indéfectible attachement à sa liberté qu'illustre bien sa langue dont la richesse est phénoménale en idiomes et en expressions.
Le souci d'être libre de l'Arabe musulman est même allé jusqu'à lier sa conception du sacré à la liberté étant d'abord un sacré moral et non matériel comme il l'est devenu sous l'influence de la tradition judéo-chrétienne qui marqué la jurisprudence musulmane. J'en parle en détail dans le troisième opus de ma série "Pour le Renouvellement de l'islam" devant paraître chez l'éditeur Afrique Orient.
La religion d'islam relevant de l'illusion, le musulman de bonne foi a alors l'impératif de distinguer ce qui est authentique dans sa croyance afin de sortir de l'illusion dans laquelle il baigne, l'islam ne se réduisant pas aux rites qu'il respecte tout en croyant qu'ils suffisent à honorer sa foi.
Réduire l'islam au culte, c'est en faire un faux islam n'ayant rien de cette religion spirituelle dans son essence, sans rapport avec l'état actuel de totale étrangeté à laquelle il a été réduit, non seulement à Daech, mais partout en terre d'islam. C'est un biais commode pour les gouvernants imposant leur pouvoir aux gens au nom d'un culte, qui n'est que la part congrue de cette religion, et d'une jurisprudence ou chariaa loin d'incarner la parole divine, mais bien plutôt celle des humains dans leur interprétation imparfaite du texte et de l'esprit du Coran.
Or, du fait qu'on a strictement limité l'islam en simples rituels et jurisprudence humaine faillible, on se suffit d'une pratique de la foi fondée sur ce que font ses membres, non de ce qui émane du coeur. Ce qui nous a fait ignorer son esprit que traduisent ses visées, transformant la religion en cette drogue dont parle le philosophe occidental relativement au christianisme.
L'illusion a fondé en islam la dictature de la chariaa bien plus inspirée par la Bible que par le Coran sous l'influence prépondérante de la tradition judéo-chrétienne qu'on qualifiait de "judaïcité" (israilyïet). De ce fait, elle n'est véritablement pas islamique, ne reproduisant pas exclusivement les préceptes du Coran tout en n'étant qu’un effort d'exégèse valide un temps et non indéfiniment. Aussi, la chriaa n'est musulmane que par prétention est illusion; et c'est particulièrement le cas de la Sunna alimentée de hadiths dont la plupart sont inauthentiques, qui ne se sont pas moins imposés au Coran.
Bien pis ! les musulmans aujourd'hui ont le rapport avec leur religion plus altéré encore qu'auparavant, puisque l'influence judéo-chrétienne s'y est renforcée à la faveur de la colonisation des pays d'islam, y laissant ses lois brimer les gens. Telles ces lois coloniales homophobes qui y sont appliquées au nom de l'islam alors qu'il a été prouvé que le Coran, contrairement à la Bible, n'interdit pas l'homosexualité. Or, et on ne l'ignore plus, un tel colonialisme est toujours effectif sous forme d'impérialisme, mental particulièrement, incrusté dans l'imaginaire populaire et l'inconscient collectif.
Nous le vérifions tous les jours en Tunisie où la situation a changé du tout au tout suite à l'intervention de l'étranger ayant jugé ses intérêts et ses diktats mieux servis par l'islam intégriste dans le cadre de cette alliance que j'ai nommée capitalislamisme sauvage et qui n'est autre qu'une copie de l'alliance ancienne avec l'hérésie wahhabite de la Grande-Bretagne puis des États-Unis.
Malgré la condition avérée d'asservissement de l'islam par le complot occidental usant en quelque sorte d'une nouvelle croisade, nous voyons les musulmans ne pas hésiter à accepter et cultiver l'illusion d'islam cultuel avec sa jurisprudence dans la conception qui leur est imposée non seulement par l'Occident seul, mais également et en premier par les tenants de l'islam officiel intégriste, allié de cet Occident agissant selon ses traditions judéo-chrétiennes incrustées dans son inconscient. Ainsi les voit-on entretenir une foi folklorique par des manifestations et festivités déconnectées des préceptes islamiques qui n'ont jamais été ce qu'ils sont devenus : tartuferie et hypocrisie.
Se manifestant le plus souvent en une illusion de religion, la foi d'islam s'y fait duplicité ou inconscience, sans rapport avec l'éthique. Au mieux est-ce l'islam virtuel légué par l'histoire et instrumentalisé au service des intérêts politiciens, non de l'unicité divine. C'est bien loin d'être nouveau puisqu'on se souvient de la célèbre parole de ce Compagnon musulman des premières années du siècle inaugural de l'islam, Abou Dardaa, mort en l'an 32 de l'hégire, qui stigmatisait déjà la piété des musulmans de son temps, niant la purete de leur foi, affirmant que le prophète lui-même, s'il devait revenir en ce temps-là, ne reconnaîtrait point ce qui en était resté, exclusion faite de la prière. Ce qui n'est que la piété mécanique des membres, la moins élevée et la plus banale des formes de la piété.
Aujourd'hui, particulièrement en ces temps de maladie d'islam, le plus important pour le musulman n'est que l'affichage de son respect purement formel de sa religion et l'excès dans sa démonstration, jusqu'à la caricature et la malhonnêteté, faisant mine d'oublier que la foi véritable se cache et ne se montre jamais ni s'affiche ostensiblement. La piété n'a nul besoin de réclame comme on le fait de plus en plus. Par exemple, en abaissant la valeur du Coran au niveau d'une chanson de rue diffusée à tue-tête quand on le récite du haut des minarets alors que sa psalmodie suppose écoute et méditation. Ou rabaissant la dignité de l'appel à la prière à celui d'une pollution sonore et d'atteinte au repos de qui en a besoin comme les enfants et les malades quand, en temps d'hiver, est emis à plein régime l'appel de la première prière du jour. Or, c'est fait au nom de la foi qui n'est pourtant, avant tout et en définitive, que paix, sécurité et respect de son prochain avant même soi.
Assurément, le musulman croit en ces valeurs et n'en doute point, mais ce n'est qu'en tant que caractéristiques d'une foi virtuelle, sans manifestations concrètes, se taisant, dans le meilleur des cas, sur les questions sensibles posant problème, tout en continuant à soutenir que l'islam est une foi de justice, d'équité, de tolérance et d'égalité. Cela est évident dans la discordance entre cette prétention et l'état réel des droits en matière de successions ou de vie privée, particulièrement sexuelle, qu'elle soit hétérosexuelle ou homosexuelle.
De plus, au temps du virtuel et de la prééminence de l'information, malgré la flagrante contradiction précitée, ce musulman se sent à l'aise avec sa religion virtuelle, n'hésitant pas à se réclamer de la science pour prouver le miracle scientifique du Coran, se substituant aujourd'hui au miracle linguistique dont on se suffisait auparavant. Que n'aurait-il commencé plutôt avec le premier et dernier prodige coranique, prouvant moyennant des exemples concrets du quotidien vécu son miracle humaniste en des temps inhumains !