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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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dimanche 17 novembre 2019

Noblesse de la foi 5

Rouvrir l'ijtihad pour faire de l'islam un levier de la transition démocratique en Tunisie


  


L'entrée au nouveau parlement de députés affichant ostensiblement leur lecture intégriste faussée de l'islam remet au premier plan le problème du rapport entretenu dans le pays avec une religion constitutionnellement consacrée tout autant que la notion d'État civil. Ambigu, ce rapport fait l'essentiel de la crise du pays qui est culturelle avant d'être économique ou politique.

Car il importe de se rendre à l'évidence que l'islam est d'abord une culture, un trait identitaire avant d'être le simple culte que veulent les intégristes pour en finir enfin avec tous les freins dogmatiques empêchant que cette religion ne soit enfin aussi un levier de taille de la transition démocratique dans le pays aidant à l'érection d'un État de droit dans une société de droits et de libertés, en paix avec elle-même.  
L'islam comme culture 
La culture, a-t-on dit, est ce qui reste quand on a tout oublié; c'est le socle, l'invariant dans la vie qui est tout en mouvement et en changement. En ce sens, chez nous, la religion est la culture par excellence; c'est autour d'elle que tout se structure. Or, on la réduit encore à un simple culte, alors que cela avait précipité le déclin de sa civilisation, faisant son drame aujourd'hui et celui de ses adeptes; c'est le cas en de notre pays dont on ne reconnaît plus la tolérance et l'ouverture légendaires de son peuple.
Dans son sens large et cette saine interprétation qui prévalait en son âge d'or, L'islam est une foi culturelle, non cultuelle. C'est une religion qui ne renie pas les révélations l'ayant précédée, se situant comme étant d'abord une foi en un Dieu unique, foi ce situant au-dessus de la simple croyance et du pur culte.

En islam authentique, au plus près de son sens d'origine, être croyant, avoir la foi, c'est croire en un Dieu unique; tout le reste, y compris les rites, demeure secondaire. Il est attesté par un dire authentifié du prophète que le fidèle s'assure le paradis du seul fait de déférer à l'impératif catégorique islamique par excellence de ne pas associer un autre Dieu à Dieu. Seul donc l'associationnisme est péché en islam, tout le reste est simple pollution découlant de la nature humaine que Dieu pardonne dans son immense mansuétude.

Nonobstant, les musulmans ont développé une conception différente de la foi après la mort de leur prophète qui n'a rien à voir ni avec l'esprit premier de l'islam ni avec ses visées. Ils ont même osé se substituer à Dieu en s'érigeant à sa place juges de leurs semblables, punissant ce qu'il ne punit pas ou pas systématiquement, interdisant ce qu'il n'interdit pas ou pas nécessairement.

Ainsi l'islam des origines a-t-il été déformé et son message vicié, formaté par des rites qui ne sont que des cogitations humaines, donc imparfaites, fortement influencées par la tradition judéo-chrétienne qu'il est pourtant venu rectifier. Ainsi a-t-il cessé d'être le fait de se livrer à Dieu en créature libre et qui le reste, un être doué de raison, agissant dans le cadre d'une foi de droits et de libertés, n'ayant aucune autre autorité pour le soumettre autre que sa volonté et à le faire en toute bonne foi à l'égard de son créateur avec lequel son rapport est direct, sans nul intermédiaire. 
Retrouvailles avec les sciences de l'islam 
La lecture intégriste surannée de l'islam fige les mentalités sur des conceptions obsolètes des rapports humains et de ceux des fidèles avec leur créateur. On en vient ainsi fatalement à interdire ce qui est à la base de la démocratie et de l'État de droit, comme l'égalité et le droit à la différence, ou rendre licite ce qui est illicite, comme d'être injuste ou de s'immiscer dans la vie des gens, violant leur intimité protégée par notre foi.

Le comble du ridicule dans l'attitude des intégristes est qu'ils ne doutent pas — et ce à bon droit — que l'islam soit une science ! Ne parle-t-on pas, d'ailleurs, des sciences du Coran ou du hadith ? Cependant, ils ne savent tirer la conséquence qui s'impose de cette vérité, à savoir qu'une science ne l'est que si elle est susceptible d'être discutée, contestée et même réformée. Depuis Popper, on sait d'ailleurs que le propre de la science est d’être réfutable par le fait polémique toujours possible, sinon inéluctable. Cher à Bachelard, maître de l'esprit scientifique nouveau, ce fait polémique, en venant contester la validité des assertions scientifiques, permet leur renouvellement, évitant qu'elles ne finissent en affirmations dogmatiques, donc religieuses. Or, c'est le cas quand la foi est un simple culte, nullement une culture, comme c'est le cas de l'islam. Alors, l'islam est-il ou non une science ? Doit-on ou non y agir en scientifique ?

Il faut dire qu'il n'y a pas que les intégristes qui se trompent sur l'islam, sa nature rationaliste; leurs excès sont même alimentés par ceux de leurs ennemis que je nomme salafistes profanes, et qui sont ces positivistes dogmatiques oubliant que l'irrationalité peut être une rationalité autre quand la raison apprend à être sensible. Aussi devraient-il se souvenir que le maître incontesté du positivisme que fut Auguste Comte a élaboré aussi un positivisme spiritualiste ou religieux qu'il a estimé, à la fin de sa vie, être le seul vrai positivisme. 

Aujourd'hui, en Tunisie, les positivistes et les intégristes font le malheur de notre pays, étant les uns et les autres soutenus par qui instrumentalise l'islam à ses fins propres : l'Occident capitaliste allié à l'islam politique intégriste qui s'est révélé encore plus sauvage que lui dans son libéralisme écervelé bien plus qu'échevelé. Les plus sincères parmi eux, ceux qui croient en la veine scientifique de l'islam doivent se souvenir de ce qu'assurait Péguy : Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée, c’est d’avoir une pensée toute faite. 
Renouer par l'ijtihad avec l'islam des Lumières 
L'exemple paroxystique de Daech, qui ne fait qu'appliquer à la lettre une lecture aujourd'hui obsolète de l'islam, le démontre bien : il urge de renouer avec l'islam des Lumières en rouvrant l'effort d'interprétation; ce qui mettra fin à l'argument fallacieux de l'autorité de la littéralité du texte bafouant son esprit et ses visées.

N'est-ce pas une telle lecture qui fait dire à des esprits éclairés, par exemple le président de la République, que l'on ne peut réaliser l'égalité parfaite entre tous les citoyens en matière de successions ? Quelle scientificité a un tel raisonnement quand le prétexte de l'interdit textuel est ignoré pour d'autres occurrences équivalentes telle l'ablation de la main du voleur ?

C'est la preuve qu'il s'agit moins de respect de l'islam en l'occurrence que d'attachement à une lecture humaine imparfaite et que, par conséquent, on peut parfaitement défendre cette religion qui fut une foi des Lumières en revenant à ce qui la définit véritablement. Or, c'est le fait irréfutable d'être une religion de droits et de libertés à la base, foi de la justice par excellence comme elle l'est de l'unicité absolue de Dieu.

Sait-on encore déjà que contrairement aux autres monothéismes dont la tradition musulmane intégriste s'inspire bien plus que du Coran, il n'est en islam, hors la célébration de cette unicité, nul péché ou nul péché impardonnable par Dieu seul responsable des actes de ses fidèles avec qui sa relation est directe ? Ce qui n'est plus le cas puisqu'on a inventé un clergé et une église en islam qui applique moins le Coran que la tradition judéo-chrétienne. D'où l'urgence de la réouverture de l'ijtihad, cet effort maximal, seul véritable jihad licite aujourd'hui !    

Nos  nouveaux députés, les plus honnêtes parmi qui se dit avoir vocation à défendre l'islam, devraient exiger que la priorité  du nouveau parlement et du futur gouvernement soit de s'attaquer à la réforme de notre lecture de l'islam devenu matière commode à instrumentalisation. Ce qui pourrait se faire à partir d'une réforme juridique audacieuse osant s'attaquer aux faux tabous de l'islam. Ainsi la Tunisie qui, malgré les dehors dilettantes de son peuple, reste rebelle dans l'âme, sera-t-elle bien vite une contrée re-belle, celle si bellement magnifiée par le poète de la Volonté de vivre. 


Publié sur Réalités magazine 
n° 1769 du 22 au 28 novembre 2019