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lundi 11 novembre 2019

Espace francophone de démocratie 1

Un visa francophone de circulation au sommet de Tunis de 2020


La Tunisie assume la présidence de la conférence des ministres de la Francophonie, depuis sa réunion à Monaco les 30 et 31 octobre dernier, en sa qualité de prochain hôte du sommet du cinquantenaire du mouvement devant se tenir à Tunis les 12 et 13 décembre 2020. Ce XVIIIe Sommet aura pour thème : « Connectivité dans la diversité : le numérique vecteur de développement et de solidarité dans l’espace francophone ». Comment la Tunisie réussira-t-elle à faire de ce sommet un événement historique véritable, aussi bien dans le mouvement francophone que le monde tout court ?

En effet, on dit volontiers qu'avec le sommet de Tunis un tournant doit être pris par l'organisation de la francophonie du fait même de son succès. La Tunisie devra s'en charger en arrêtant de sacrifier aux convenances en vue de redonner à la francophonie toute la mesure de son rôle pionnier devant beaucoup au génie visionnaire de Bourguiba allié à celui de Senghor et à l'enthousiasme des présidents Diori et Sihanouk. Sa responsabilité est d'autant plus grande dans le devenir du mouvement qu'elle en a été membre fondateur de l’Agence de coopération culturelle et artistique (ACCT), à l’origine de l’OIF, lors de sa création le 20 mars 1970 à Niamey, au Niger.

En finir avec la diplomatie de convenance

Les diplomates tunisiens qui assurent veiller au grain à la réussite du sommet à venir se limitent pourtant à plancher sur des thèmes éculés, estampillés projet sociétal et politique, limité pour l'essentiel à la dimension économique et technique; ce qui est insuffisant pour un sommet historique. Pour faire bonne mesure, on évoque aussi les thématiques fourre-tout de la démocratie naissante en Tunisie, de la bonne gouvernance, de la liberté d’expression et de l’égalité du genre, mais on ne présente nul projet concert, se limitant à citer ce qui se fait en Tunisie. Or, la Tunisie est loin d'être un État de droit ni n'est une société de droits; la citer en exemple relève donc du sempiternel laïus cousu dans la meilleure langue de bois. Il est vrai, à un peu plus d’un an de l’événement, le volet purement économique et technique s'est étoffé de la thématique ci-dessus citée, mise en avant par les instances de l'OIF, faisant ainsi mine d'innover par l'ajout du développement et du numérique au service de la diversité.

Pourtant, innover et de manière concrète doit bien être le maître mot du sommet du cinquantenaire. D’ailleurs, lors de la réunion de Monaco, le chef de la délégation tunisienne, Monsieur Sabri Bachtobji, a précisé l’attachement de notre pays à la réussite de l’action de l’OIF autour de sa restructuration dont la portée politique est éminente du fait des défis communs d’aujourd’hui auxquels fait face non seulement l’espace francophone, mais le monde entier. Assurant la détermination de la Tunisie à faire du XVIIIe sommet de la Francophonie « une véritable et belle réussite », il a cité un discours du président Bourguiba prononcé en 1958 à l’université Montréal insistant sur la nécessité de « donner de la vie et de la substance » au fait francophone  « pour que notre message, nos valeurs et principes communs arrivent là où nous voudrions tendre la main aux peuples du monde ».

Rappeler de tels propos frappés au coin du bon sens et même prémonitoires était bienvenu alors que le mouvement dit veiller particulièrement à renforcer la visibilité de l’OIF sur le plan international et la performance de ses actions dans le cadre d’une rénovation vivement souhaitée par le secrétariat général de la Francophonie issu du précédent sommet tenu en Arménie. Au reste, c’est en insistant sur ces mêmes thèmes que le ministre arménien des Affaires étrangères a passé le flambeau de la présidence de la Conférence à la Tunisie, lui souhaitant de conduire l’organisation francophone  « vers le renforcement et la consolidation de nos actions collectives, de notre solidarité et du développement de nos principes, et de notre espace de la francophonie ».

Comment y arriver quand on semble ne pas y être encore prêt en Tunisie où notre diplomatie est loin de tenir assez compte des nouvelles réalités du monde et dans le pays, et qui ont changé tous les deux ? On continue à se satisfaire des paillettes, comme on l'a vu avec la dernière prestation médiatique du ministre démissionnaire Jhinaoui s'en tenant, contre tout bon sens, à une illusoire grandeur de son Département dans le monde. Jouer ainsi à simuler pour dissimuler une réalité bien modeste sinon dérisoire, c'est manquer non seulement de tenir compte du principe de réalité, qui peut se révéler trop réducteur pour agir, mais aussi du réel tout court commandant, malgré le manque de moyens, d’innover, d’être original dans ses pensées à défaut de son action. C’est parfaitement possible pour peu que l’on ne manque ni de courage ni d’imagination; la diplomatie n’est-elle pas l’art de faire possible de l’impossible ? 

Aussi, les autorités tunisiennes doivent-elles, pour le sommet du cinquantenaire, proposer du nouveau, une idée originale et ambitieuse, de nature diplomatique, en vue d'en faire un acte majeur de travail de cette plateforme multilatérale d'envergure qu'est devenue l'organisation. Car l'évolution est fatale vers une francophonie politique et diplomatique en prolongement de la Francophonie historique concentrée sur les questions linguistiques, culturelles et éducationnelles; et le sommet de Tunis en marquera le point de départ. Usant de son autorité morale, tant pour sa qualité de pays hôte que de pays fondateur, la Tunisie se devra donc d’agir pour la restauration de l’esprit solidaire d'origine de l’organisation et de ses visées historiques de communauté de destin, les concrétisant par cette initiative spectaculaire dans l'air du temps, un outil qui sera bientôt incontournable dans les relations internationales d'un monde agité par les tensions : le visa biométrique francophone de circulation.

Il est sûr, en effet, que la liberté de circulation humaine sous visa biométrique est une initiative révolutionnaire de nature à permettre à la francophonie d'assumer pleinement sa nature même au vu de son action en évolution au moment où le monde a changé et que les mentalités populaires bougent à vitesse hallucinante. Cela mettre le focus encore plus sur l'urgence de refonder la francophonie. Il serait judicieux que nos responsables ne l'ignorent pas en continuant à s'adonner à leur pratique diplomatique à l'antique, cette diplomatie de convenance, et de ne pas tenir compte, dans le même temps, de l’esprit de la Tunisie nouvelle, et ce qu'il impose surtout en termes d'innovation en politique, en diplomatie.

Refonder la francophonie

Mme Louise Mushikiwabo, patronne de l'OIF, dans sa première déclaration après son investiture il y a deux ans, a fait état de son objectif de faire que l'institution pèse plus lourd sur l'échiquier mondial. Or, à ce jour, elle s’est montrée plutôt modeste, réorientant à peine l'OIF en matière de technique interne, se limitant à rapprocher les rouages officiels de la Francophonie des pays membres de manière pragmatique. Mais si l'on n'a pas encore commencé la refondation de la francophonie, les bonnes d’intentions n'ont pas manqué; on le voit avec le choix des thématiques des sommets, comme celui du précédent, réuni à Erevan : « Vivre ensemble dans la solidarité, le partage des valeurs humanistes et le respect de la diversité : source de paix et de prospérité pour l’espace francophone ». Ledit sommet a de plus donné lieu à un appel pour le vivre ensemble; n’est-ce pas la voie royale à baliser encore plus au moment où des voix autorisées, telle celle du maire de Québec, soutiennent que la francophonie fait l'objet de « laissez-aller » ? Ainsi, pour garder l'enseignement du français à la hauteur, il est impératif d'opter pour des actions percutantes qui viendront le renforcer et lui donner plus de portée; surtout que cette langue ne peut guère compter auprès des jeunes d'aujourd'hui sur la fibre nationaliste des générations précédentes. L'alarme sonnée sur une terre symbolique comme le Québec le prouve bien, le français y étant condamné à la précarité; que dire alors des francophiles des pays francophones d'Afrique, comme la Tunisie, où agit un véritable rouleau compresseur des identitaires nationalistes ?

Cela suppose que l'on prenne enfin des initiatives diplomatiques osées que le poids, la notoriété et les moyens de l'OIF permettent amplement. Leur absence explique le pouvoir d'attraction terrible aujourd'hui de l'anglais que ne saurait contrer qu'une autre force plus grande pour intéresser les jeunes; or, qu'est-ce qui importe aux jeunes plus que leur droit à bouger, circuler librement ? N'est-ce pas le meilleur antidote au repli identitaire néfaste de plus en plus entretenu un peu partout et qui serait allé, pour ce qui est de la Tunisie, jusqu'à la voir refuser le poste de secrétaire général de la Francophonie ?

Connectivité au service de la solidarité : le visa francophone de circulation 

La thématique retenue pour le sommet de Tunis, même si elle pêche par sa modestie pour cause de pragmatisme, ne s’insère pas moins dans l'orientation donnée par l'appel du XVIIe sommet, surtout si l'on en profite pour y introduire l'idée du visa francophone de circulation ici proposé. Il constituera l’acte au symbolisme certain manquant à l’OIF, susceptible de frapper les imaginaires, agissant sur l'inconscient collectif. Car c’est bien de solidarité dans l’espace francophone qu’il s’agit au travers de ces notions incontournables de nos jours de la connectivité et du numérique. Toutefois, de telles notions, ainsi que le notait déjà Bourguiba dans son discours précité, ne sont pas visibles, étant même vagues, peu consistantes sans assise concrète. Elles ne le seraient plus avec un instrument symbolique, de portée hautement pratique de par ses effets dans la vie courante des francophones : le visa biométrique de circulation.

En effet, la connectivité numérique susceptible de permettre une approche solidaire des problèmes rencontrés au sein de l’espace francophone, reposant sur les valeurs universelles de paix, de démocratie, de respect des droits humains et de la diversité culturelle, portées depuis toujours par la Francophonie, se fera d’autant mieux que le visa francophone de circulation viendra lui donner une incarnation concrète. La vraie solidarité ne suppose-t-elle pas que les pays francophones retiennent la libre circulation humaine comme principe cardinal dans les rapports interétatiques dans l'espace francophone et décident d’agir à y généraliser la libre circulation humaine ? Ce qui impose de l'étendre à la France, inclusivement ou non dans l'UE. Le visa biométrique de circulation sera alors le meilleur instrument pour développer la solidarité internationale dans la diversité.

Outre d'être déjà connu des chancelleries, mais utilisé au compte-gouttes dans les relations diplomatiques, il est parfaitement respectueux des réquisits sécuritaires européens tout en étant une parade efficace à la clandestinité qui n'est qu'encouragée par la fermeture des frontières bien loin de la stopper, au demeurant. En se substituant au visa actuel, le visa de circulation mettra fin aux drames récurrents des boat people et aux trafics qui les génèrent; on peut même prédire qu'un tel outil sera appelé à devenir la règle dans les rapports internationaux, les rendant moins chaotiques en les rationalisant. Alors, pourquoi ne pas hâter un tel processus inéluctable, allant dans le sens de l'histoire, en l'adoptant entre pays francophones ? Outre sa symbolique en termes de capacité de fournir plus qu’une connexion sécurisée numérisée, il est en mesure de réussir la connexion perdue entre les humains. Quelle plus symbolique preuve de la connectivité numérique aujourd’hui que ce visa pour joindre et connecter les diverses parties du monde ? Et quelle plus importante réussite que de faire un instrument de rapprochement des citoyens du monde du visa qui est, en l’état actuel, synonyme de rejet et d’exclusion ? Et que cela soit l’oeuvre de la francophonie, quel plus beau retour aux sources du mouvement, en son anniversaire du cinquantenaire qui plus est, celui de l’âge de raison en un monde livré à la déraison ?

Solidarité dans la diversité : l'espace francophone de démocratie

Le XVIIe sommet de la francophonie à Erevan  ayant adopté un Appel solennel au vivre ensemble, le sommet de Tunis lui donnera réalité par l'instauration au sein de la vaste aire de l'OIF d'un espace francophone de démocratie qui serait celui de la libre circulation humaine se faisant sous visa francophone de circulation dans les rapports avec les pays imposant le visa, dont surtout la France. Le recours à un tel instrument fiable en termes sécuritaires pourrait supposer d'être réservé uniquement, en un premier temps, à un espace restreint de l'aire francophone, qualifié d'espace francophone de démocratie, où la libre circulation serait l'apanage des États prouvant, selon des critères définis, avoir réussi leur transition démocratique. Cet espace de démocratie levant les frontières au-devant des ressortissants francophones munis de visa de circulation sera une sorte d'espace d'excellence mérité. Ainsi, sans rien renier de ses valeurs et ses mécanismes actuels, la francophonie encouragera-t-elle in concreto la transition démocratique de ses membres. Il ne faut pas oublier que les peuples d'Afrique, malgré les richesses de leurs pays, sont pauvres et aspirent à la démocratie. Une institution qui se veut à leur service doit se désintéresser le plus possible de la realpolitik pour se concentrer mieux sur ces questions par des actions symboliques utiles.

En plus d'encourager la transition vers la démocratie, le visa francophone de circulation sera une judicieuse façon de servir les valeurs francophones ayant trait à la démocratie, à la solidarité et aux principes humanistes, ce que suppose la charte de la francophonie outre l'Appel d'Erevan pour le vivre ensemble. Et une telle évolution majeure ne se fera pas de manière brutale, la dimension de l'OIF et la lourdeur de sa machinerie ne le permettant pas, mais tiendra compte par sa progressivité de la résistance et même de l'inertie que génèrent les traditions bien incrustées. Il suffira pour commencer de valider l'idée du visa francophone et le processus de cogiter sur la création au sein de l'aire francophone actuelle de l'espace d'excellence démocratique.

L’OIF ne cessant d'appeler au vivre ensemble solidaire, répétant qu'il est l’une de ses ambitions éminentes, le visa francophone, dans le cadre de l'espace de démocratie, sera l'instrument adéquat qui lui manque encore en mesure de concrétiser cette vocation qu'elle se doit d'incarner. En effet, si la Francophonie sert bien la démocratie, l’État de droit, le respect des droits de la personne, la dignité humaine ou la liberté d’expression, son action reste de surface, se résolvant en missions d’accompagnement, d’observation et de suivi d’élections, par exemple, ce qui pour être un marqueur important de démocratisation ne la concrétise pas, celle-ci étant d'abord dans les lois et les libertés pour les citoyens; ce qui est généralement négligé. Il est  vrai, les conflits ne manquent pas en Afrique, mais  sont-ils tous imputables aux acteurs nationaux ? Ne sont-ils pas entretenus, sinon suscités, par des intérêts internationaux, y compris français, comme cela a été le cas en Libye ?  

Pour avoir la prétention de dire que la francophonie et la démocratie sont indissociables, surtout avec une secrétaire générale issue d'un pays qui a encore des avancées à faire en matière de respect des valeurs humanistes et démocratiques, l'OIF est tenue à la performance en matière d'initiative concrète. Cela suppose donc qu'elle n'hésite pas à créer au sein de la large famille francophone l'espace de démocratie qui lui manque; ce qui, au demeurant, se placerait dans le prolongement de  la Déclaration de Bamako, adoptée en novembre 2000, donnant lieu à un pacte pour le renforcement de la démocratie et des droits de l’homme dans l’espace francophone. L'adoption de l'outil du visa biométrique de circulation ne sera donc que la concrétisation dudit pacte. Il sera aussi la meilleure manière de traduire cette force de cohésion et de rassemblement que représente l’espace francophone. En effet, concrètement manifesté par la libre circulation humaine, il maximisera les perspectives d’ouverture plus grande au marché, les liens de coopération et de solidarité unissant les États membres, particulièrement dans le contexte actuel marqué par des préoccupations sécuritaires accrues, pour agir collectivement et efficacement face aux défis réels auxquels le monde est confronté, dont notamment le terrorisme, l’extrémisme, l’intolérance, le racisme, la xénophobie et le cercle vicieux de la pauvreté.

Dans un monde divisé, où la circulation libre des humains n'est même pas possible dans l'espace supposé intégré et inclusif de la francophonie, le mouvement humain libre — encadré par l'outil sécurisé du visa biométrique de circulation — sera la manifestation tangible d'une ambition francophone majeure, ce vivre ensemble dont l'Appel d'Erevan dit avec raison qu'il « implique le respect des droits de l’Homme et de la dignité humaine, l’égalité entre les femmes et les hommes, l'acceptation de la liberté et de la diversité des expressions, des opinions, des héritages et des cultures. Il suppose le respect de la liberté de conscience, de religion ou de conviction. Il se nourrit des interactions dans l'ouverture, la coopération et la solidarité, des relations bienveillantes, du refus de s'ignorer ou de se nuire, ainsi que d’une participation éclairée à la gouvernance de nos sociétés. »

Comme on n'hésite plus à présenter l'OIF en une ONU francophone, elle méritera ce qualificatif en se transformant en creuset des droits et des libertés au concret. Ce qui changera sa condition actuelle, l'OIF se souciant plus d'être un réseau d'influence politique sur la scène internationale qu'un levier pour maximiser la solidarité internationale, répondant aux attentes légitimes à la dignité et à la démocratie des peuples qui sont le cœur battant de la francophonie d'origine. Avec l'espace francophone de démocratie, l'OIF apportera la meilleure négation de n'être qu'une organisation éclatée, soucieuse d'entretenir ses réseaux, qui n'est certes guère plus axée sur le socle linguistique, mais n'ayant pas celui d'une aire unifiée lui donnant consistance. Le visa francophone de circulation le lui fournira, reflétant de manière tangible la conviction de l’OIF dans le vivre ensemble et la solidarité dans la diversité, autour de valeurs humanistes, contribuant au renforcement de la cohésion des sociétés de l’espace francophone, y apportant paix et prospérité.



Publié sur Réalités magazine
n° 1768 du 15 au 21 novembre 2019