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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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mercredi 23 octobre 2019

Pour une postdémocratie 3

Lettre à M. le Président de la République :

Comme le peuple veut, que lui proposer de suite?



Monsieur le Président,

Au lendemain de votre prestation du serment vous intronisant officiellement nouveau président de la République tunisienne, je tenais, en même temps que de vous présenter mes félicitations, vous rappeler vos engagements de campagne et votre impératif catégorique envers ce pays et surtout sa jeunesse qui vous a plébiscité, ainsi que certains manques ou oublis dans votre engagement électoral que vos nouvelles responsabilités ne tarderont pas à vous faire apparaître criants, imposant des initiatives aussi évidentes que pertinentes.


L’éthique en politique ou la « poléthique »

Je le fais d’autant mieux qu’il existe une certaine convergence ou connivence entre votre philosophie de la campagne et ma propre théorisation de la destinée de la Tunisie. Ainsi ai-je qualifié notre pays d’exception dans ma trilogie titrée justement « L’Exception Tunisie » dont le tome premier est paru fin 2016. J’y ai qualifié ses jeunes de jeunesse T, celle qui est porteuse de tous les espoirs du meilleur que mérite ce pays. Et dans son tome 3, j’ai développé ce que j’ai retrouvé exactement dans votre analyse autour de la démocratie locale et la décentralisation du pouvoir, que je qualifie pour ma part de « compétensuelle », le pouvoir des compétences locales allant de palier en palier vers l'autorité centrale; le tout dans le cadre d’une politique éthique, ma « poléthique », dont le maître mot est la fameuse parole du célèbre fils de mes îles natales, Farhat Hached : Que je t’aime, ô peuple !

Certes, et je le dis par avance, vous me diriez, en lisant mon inventaire de mesures les plus urgentes que je propose et qui sont de celles qui parlent à l'inconscient collectif et agissent sur l'imaginaire populaire, que le peuple est d'abord en quête de sa dignité qui est dans le droit au travail. Mais, honnêtement, peut-on assurer cela assez vite ? Assurément non, l'état du marché du travail dans notre pays étant lié à sa situation économique générale, qui est catastrophique, ainsi qu'au modèle occidental dont il relève nolens volens.

Par ailleurs, et vous ne pourriez le contester, la dignité est également — et même en premier — dans ce sentiment, bien plus facile à créer, qui est d'être maître de sa destinée, de se sentir vraiment citoyen, ayant non seulement des devoirs à remplir, mais aussi et surtout des droits et des libertés, particulièrement dans sa vie privée qui ne peut et ne doit regarder personne. Un tel sentiment est même en mesure de faire patienter nos concitoyens que la situation économique du pays s'améliore, car ils ne manquent pas du sens des responsabilités, ce dont vous ne doutez pas. S'ils se montrent irresponsables, c'est en imitant leurs supposés responsables, d'une part, et par manque justement, de la condition sine qua non de la citoyenneté, d'autre part, celle de disposer de leurs droits naturels et libertés basiques.

Réaliser tout cela est loin d'être impossible, ne demandant surtout pas trop de temps, pouvant ainsi constituer cette baguette magique pour changer les choses que les politiciens qui n'aiment pas le peuple prétendent ne point posséder. À la vérité, ce qu'ils ne possèdent pas, c'est même pas une once d'éthique qui est le produit de l'amour du peuple et la foi en lui; et la foi est en mesure de réaliser des miracles.


Une société de droits et de libertés

Que veut donc le peuple qui vous a élu ? 
Des droits et des libertés dans sa vie de tous les jours. Vous vous en faites, d'ailleurs, l’écho au travers de l’aspect institutionnel précité, mais est-ce suffisant ? Quel intérêt pour le commun des mortels que vous réussissiez la gageure de la démocratie locale si, dans sa vie de tous les jours, il n’échappe pas aux lois scélérates de la dictature qui l’asservissent ? Ne s’est-il pas soulevé pour se débarrasser de l’ancien régime ? Ce dernier n’est-il pas toujours en place au travers de sa législation, puisqu’il ne tenait que grâce à elle, aux exactions et aux abus qu’elles permettaient et permettent encore ?

Je sais que vous y êtes sensible, mais cet intérêt ne se limite-t-il pas au slogan de la société des droits  et à la théorie de vous en tenir à la constitution et à ses acquis ? De quels droits et libertés parlez-vous donc quand vous refusez à certaines catégories les leurs pour une vie privée libre ou une parfaite égalité citoyenne ? Et quelle constitution évoquez-vous alors qu'elle est demeurée lettre morte et les lois qu’elle est venue abolir appliquées par les juges, notamment les textes liberticides, lois illégales ?

Servir la société de droits, sortir de l’actuel État de similidroit vers un véritable État de droit commande bien évidemment, non seulement l’érection au plus vite de la cour constitutionnelle avec une composition qui soit respectable avec des compétences avérées, mais de décider sans plus tarder un moratoire à l’application des lois devenues nulles de nullité absolue depuis l’adoption de la constitution. Le juriste, spécialiste du droit public et constitutionnel que vous êtes saurait-il admettre que le droit soit bafoué sous sa présidence avec ces juges de la République appliquant des lois nulles ? Son sens de la justice pour le peuple tolèrera-t-il que de larges pans de la société, notamment ses jeunes, continuent à souffrir des lois de la dictature, dont le prototype absolu qu’est la législation de Ben Ali sur le cannabis, alors que les experts les plus sérieux ont attesté que les ravages qui sont attribués à cette drogue douce dérivent moins de sa consommation que de la loi qui la réprime à tort puisqu'elle est bien plus inoffensive que le tabac librement vendu ?

Mettriez-vous, parmi vos éminentes priorités, la suspension immédiate de l’application des lois scélérates, l'abolition du droit souterrain des circulaires illégales et l’accélération de la réforme juridique généralisée dont est chargée une commission du ministère de la Justice au rythme sénatorial, outre bien évidemment l’installation au plus vite de la Cour constitutionnelle ? Certes, en apparence, de telles questions ne relèvent pas directement de votre compétence; elles n'ont pas moins un aspect de sécurité en son sens extensif; et vous êtes le premier responsable de la sécurité du pays, de son peuple. Aussi, dans l’attente de la réforme de la législation nationale, réuniriez-vous le Conseil de sécurité que vous présidez afin d’indiquer les mesures appropriées en ce sens, y compris les mesures et instructions que devraient prendre et donner les ministres à leurs subordonnés pour ne plus appliquer les lois et circulaires illégales ni continuer à harceler et brimer le peuple sur leur base ?

Si je détaille de telles initiatives parfaitement possibles à mettre en œuvre, c'est que votre conception des libertés est particulièrement limitée, cachectique même, sinon vicieuse. Ainsi, quand vous excluez le droit des femmes à l'égalité successorale, vous heurtez le sens de l'égalité absolue de la foi d'islam, cédant à la lecture textuelle obsolète, faisant fi des visées de la loi religieuse. Or, il a été démontré que l'égalité successorale doit être réalisée au nom de l'islam et non contre lui au vu d'une saine interprétation de sa lettre et surtout de son esprit. Il en va de même de l'homosexualité, ce sexe naturel chez une partie des humains, qui n'a pas été condamné dans le Coran ni dans la Sunna authentique contrairement à la Bible et à ce qu'on croit. L'anathème actuel, légalement consacré dans notre législation, n'est qu'une application de la Bible, non du Coran, étant une survivance du protectorat. Certes, comme vous le soutenez, l'Occident exploite une telle cause contre l'islam, puisqu'on tait sciemment l'origine biblique de l'homophobie tout en omettant de parler de la saine conception en islam de ce sexe. Or, pour être minoritaire, il n'est pas moins dans la nature où il est assez répandu, y étant assez souvent lié au sexe naturel majoritaire qui est la bisexualité et qui est une marque du sexe arabe, comme la sociologie l'a démontré. Aussi, seriez-vous prêt à rendre justice en la matière en admettant que c'est l'islam lui-même, religion de la justice, qui commande l'abolition de l'homophobie, et qu'admettre l'homosexuel qui est devenu l'emblème du différent absolu, c'est agir ipso facto pour l'acceptation des uns et des autres dans notre pays sans nulle exclusion de quelque nature qu'elle soit ? Quelle belle façon ce serait d'agir ainsi pour le vivre-ensemble serein et pacifique en Tunisie, cette paix qui est tout l'esprit bien compris de l'islam !    


La libre circulation sous visa biométrique

Il est d'autres revendications aussi importantes à satisfaire qu'exigent les jeunes, ceux qui ont été nombreux à vous élire, mais aussi la majorité qui n’a pas pris part au vote, ne faisant pas partie des trois millions de voix, socle de votre légitimité. Or, ce chiffre est bien minime, non seulement par rapport aux Tunisiens en âge de voter, mais aussi ceux qui sont en mesure de revendiquer d'être traités en citoyens, ce qui commence assez tôt chez nous, bien avant l'âge de la majorité légale. En effet, et vous en avez été témoin, les jeunes de Tunisie sont mûrs longtemps avant dix-huit ans.    

Parmi ces revendications éminentes, il en est qui amène certains de ces jeunes — et on l'a même vérifié le jour du scrutin, ce qui est cruellement symbolique — à choisir de mourir pour la satisfaction de ce qui est leur droit : celui de la libre circulation. C’est même un droit humain basique que nos partenaires occidentaux violent au nom de leur sécurité. Pourtant, l’outil fiable pour réaliser la libre circulation humaine existe, il se nomme visa biométrique de circulation et est parfaitement respectueux des réquisits sécuritaires. Concrètement, il consiste dans la transformation du visa actuel en un visa de circulation délivrable pour un, trois ou cinq ans avec des entrées illimitées, et est renouvelable d’office. Un tel type de visa est connu des chancelleries qui n’en usent qu’au compte-gouttes; il deviendra donc la règle et compensera l’actuelle violation de la souveraineté du pays par la levée des empreintes digitales de ses ressortissants sans contrepartie conséquente. Ce visa mettra fin à l’immigration clandestine tout en encourageant le trafic, puisqu’il emporte l’obligation faite à son titulaire de ne pas séjourner plus de trois mois et de devoir quitter le pays quitte à y revenir de suite, de manière légale.

Comme la diplomatie est le domaine qui vous est réservé par excellence, feriez-vous de cette question du visa biométrique de circulation votre priorité bien avant d’autres questions de politique internationale ? Sa symbolique en matière d'investissement au service des intérêts du pays n’est-elle pas aussi forte sinon plus que celle de votre triomphe pour la cause palestinienne ? En effet, au moment où l'on parle de votre intention de vous rendre en premier voyage international sur les terres palestiniennes, ne serait-il pas plus judicieux de commencer par vous pencher plutôt sur cette source de drames qui n’en finissent pas en Méditerranée, auxquels vous pourriez mettre fin sans délai, contrairement aux terribles drames de Palestine ?

À la vérité, il n’y aura de paix en Palestine que si, de part et d’autre parmi les belligérants, il est non seulement des braves à la vouloir, mais aussi des justes — ou en mesure de l’être — de voix et de voie. Or, aussi bien dans la spiritualité musulmane, soufie notamment, que dans la tradition équivalente juive, il est une notion qui est de nature à réunir les musulmans et les juifs : c’est la notion du juste; ce qui commande de veiller à tenir le discours de la justesse avec les mots les plus justes. Parmi eux, outre la réanimation nécessaire de la légalité internationale moribonde, on trouve cette vérité que l'on ne veut voir, à savoir que la paix en Palestine est intimement liée à celle en Méditerranée. Ce qui nous ramène à l’initiative précitée qui, en rationalisant la circulation humaine, l’alignant sur celle désormais privilégiée et donc immorale, des marchandises, assainira grandement la situation et balisera le terrain pour renouer avec la mer commune d’antan. Cela aidera à inaugurer une ère de paix dans un espace de véritable solidarité où tous les États méditerranées sans exception se respectent et coopèrent dans une réelle solidarité ayant en vue l'intérêt plus général en un monde redevenu humain, une « mondianité ».


Une Méditerranée de paix et de démocratie

Dans ma trilogie précitée, j'ai invité la Tunisie à faire un appel solennel pour un espace de démocratie méditerranéenne, et d'y agir activement dans la perspective d’une ère de civilisation entre l’Orient et l’Occident. Tout devra y contribuer, à commencer par la paix en Palestine, mais aussi en ayant le courage d'envisager sérieusement l’option d’adhésion de la Tunisie à l’Union Européenne en ce monde globalisé où le pays est déjà dépendant de l’Europe quoique de manière informelle, sans les droits de membre, étant tout juste soumis à la volonté, et même aux lubies, de l'Europe sans nul droit au chapitre.

Assurément, la libre circulation sous visa biométrique aidera utilement pour y évoluer; mais y poussera également, à n'en pas douter, l’idée que je propose de visa francophone de circulation que notre pays pourra faire au mouvement lors de son sommet du cinquantenaire se tenant dans notre capitale l'année prochaine. Quelle meilleure façon ce sera, concrète et efficace, de servir ainsi l’ambition de réconciliation entre  l’humanité et la planète Terre qui est actuellement celle de l’organisation de la Francophonie!                                             

Pour revenir à la question palestinienne, et tout en saluant votre triomphe pour cette cause juste, bafouée par tous les injustes, ne pensez-vous pas qu’il est temps de ne plus se suffire de slogans et de gestes symboliques, comme le projet de voyage ci-dessus évoqué, qu'il s'impose particulièrement à la Tunisie qui a eu le courage, assez tôt et bien avant tout le monde, de tenir sur la question le langage de la vérité ? Durant votre campagne, vous avez qualifié de traîtres ceux qui envisagent la paix avec Israël en envisagent sa reconnaissance; n’est-ce pas pourtant ce qu’exige le droit international auquel il est fatal revenir ? Certes, Israël ne reconnaît plus ce droit, alors qu'il est son acte de naissance même tout autant que celui de son frère monozygote, l’État de Palestine; mais ne le fait-il pas en se basant sur le refus des Arabes de le reconnaître ? Aussi, les vrais traîtres à la cause de Palestine ne sont-ils pas plutôt ceux qui ne font rien pour amener l’État d’Israël, devenu voyou, à reconnaître et à appliquer la légalité internationale de 1947 ? N'est-ce pas pour cela qu'il est devenu ce qu'il est et ce par une complicité objective de certains dirigeants arabes ? Ceci est un rappel sincère que je me devais de faire dans le cadre de la « poléthique » qui nous manque cruellement et qu'il est temps de pratiquer ?


Bonne chance, M. le Président ! Mes vœux et ceux de tous les Tunisiennes et Tunisiens épris du salut de la patrie vous accompagnent. Soyez ce que vous dites être, faisant de vos responsabilités un véritable sacerdoce, en ayant surtout, outre le courage de la parole de vérité, la capacité de l'action juste, de justice et de justesse.

         


Publié sur le magazine Réalités
n° 1765 du 25 octobre au 1er novembre