Visite de M. Antonio Tajani en Tunisie : le moment d’abolir l’homophobie
La visite en Tunisie du président du parlement européen sera-t-elle l'occasion pour le parlement tunisien de s'engager solennellement à abolir ses lois les plus scélérates, notamment celle sur l'homophobie manifestation coloniale toujours en vigueur ?
En effet, pour saluer la visite en Tunisie de M. Antonio Tajani, l’Assemblée des Représentants du peuple tiendra, lundi 30 octobre, une séance plénière extraordinaire en la présence de son illustre hôte. Est-ce suffisant pour honorer par de telles vaines solennités vides de sens le président d'une instance ayant réclamé des actes législatifs salutaires pour la démocratie que notre parlement se refuse encore à prendre ?
Honorer notre visiteur et aussi la démocratie naissante en Tunisie ne serait-il pas de se décider à aller dans le sens de l'histoire que son parlement a eu le courage de rappeler dans sa résolution ?
Abolir la diabolique trinité des articles 226, 226 bis et 230 du Code pénal
Un tel hommage sera concret et sérieux si le président de notre parlement s’engage, lors de cette journée voulue historique, à réaliser à court terme l'entreprise incontournable de la réforme de l’arsenal scélérat du pays. Il s'agit d'une législation héritée de la dictature, et qui remonte même au protectorat, restée en l’état à ce jour presque sept ans après la révolution.
Un engagement solennel avec un échéancier précis est plus que souhaitable en vue de l’abolition des textes liberticides qui briment toujours, dans sa vie privée, notre peuple, surtout jeunesse artisan de la révolution, tout en contrariant le vivre-ensemble paisible qu'impose la transition démocratique. D'autant plus que tels textes, quoique formellement légaux, sont devenus illégitimes et matériellement illégaux depuis l’adoption de la constitution.
Aussi invitons-nous le président du parlement tunisien pour la plénière solennelle de lundi prochain de souhaiter la bienvenue à son hôte par la déclaration urbi et orbi de l'engagement de l'assemblée qu'il préside à toiletter le droit tunisien de ses tares ignobles, en commençant incontinent par celles faisant un crime de l’amour et du sexe. Qu’il s’engage donc, lors de cette séance plénière, à abolir avant la fin de l’année la trinité diabolique du Code pénal, datant de la colonisation, formée par les articles 226, 226 bis et 230 ! Ces lois sont scélérates, parmi celles qui violent le plus tout à la fois le droit et les valeurs constitutionnelles de l'islam.
En effet, il a été amplement démontré que les bonnes moeurs et la pudeur, objet des deux premiers articles, ne se protègent le mieux que par le bon exemple à donner dans un environnement de libertés et non de contraintes. C’est l’interdit qui crée les refoulements avec leur retour dévastateur, en plus d’encourager la simulation et la dissimulation, ce jeu du je si prisé en Tunisie, le peuple étant obligé de se montrer hypocrite par peur de la loi tout en ne la violant en cachette à qui mieux mieux.
C’est d'ailleurs plus qu'évident avec le troisième article précité, base légale de l’homophobie et justificatif du moyenâgeux test anal, une pratique toujours en usage chez les juges qu'ils n'imposent certes plus, mais dont le refus est pour eux une présomption de sûre culpabilité. Aussi, la Tunisie doit au plus vite en finir avec de telles scélératesses légales, ce à quoi a eu l'honneur d'appeler l'assemblée présidée par l'hôte de la Tunisie dans sa fameuse résolution.
Résolution du parlement européen pour la réforme législative en Tunisie
Dans cette résolution en date du 14 septembre 2016, le parlement européen a exhorté la Tunisie à parachever sa mutation démocratique par une réforme législative d’envergure. Il préconise ainsi, en point 21, « de réformer le Code pénal et, en particulier, d'en abroger l'article 230, qui sanctionne l'homosexualité par une peine d'emprisonnement de trois ans et est contraire aux principes constitutionnels de non-discrimination et de protection de la vie privée ».*
Notre parlement s'honorera à son tour de saisir l’occasion de la visite du président de l'assemblée de Strasbourg afin de l’honorer concrètement tout autant que le peuple tunisien par l’annonce de l’abolition prochaine des textes les plus honteux de sa législation. Lors de sa séance plénière extraordinaire, l’assemblée tunisienne serait donc bien inspirée de faire état, par la bouche de son président, de l’abolition future de la trinité diabolique susvisée ou, pour le moins, de la tare homophobe, violation à la fois du droit et de la religion.
Cela aura assurément une signification particulière, non seulement eu égard à l’engagement clair du parlement européen pour que soit éliminée de notre législation le scélérat article 230, mais aussi du fait que l’homosexuel est devenu l’emblème du différent absolu; l’accepter, c’est bien faire disparaître toute résistance au droit à la différence en notre pays où d'aucuns continuent à s’y refuser, faisant abusivement état du nécessaire respect de la religion. Pourtant, c'est la respecter que d'abolir pareils textes injustes, l'islam étant la foi de la justice.
Abolir l’homophobie au nom du droit et de la religion
Outre le respect de la constitution en consacrant le droit d’une partie de nos concitoyens à vivre paisiblement leur nature voulue en eux par leur créateur, abolir l’homophobie en Tunisie c’est aussi se conformer à la religion au respect des valeurs de laquelle renvoie d'ailleurs la constitution.
Car l’islam n’est jamais été homophobe, ce qui a été démontré de la manière la plus définitive. Il n’est aucune prescription dans le Coran prohibant l’homosexualité et nul dire du prophète non plus, ce qui est rapporté de lui étant faux, ne figurant pas dans les recensions les plus fiables de Boukhari et de Mouslem.
Bien sûr, le fikh traditionnel, celui-là même qui permet à Daech de justifier ses crimes, considère l’homosexualité comme crime, mais c’est sur la base d’un effort obsolète de jurisconsultes musulmans n'ayant pas fait une exégèse correcte du Coran et de la sunna. C'étaient des jurisconsultes musulmans influencés par la Bible, qui ont créé de toutes pièces le crime d’homosexualité. Comme démontré par Ibn Khaldoun, ils étaient tous d’origine non arabe, ayant l’imaginaire et l’inconscient influencés par la tradition judéo-chrétienne, la Bible interdisant l'homophobie contrairement au Coran.
Par conséquent, abolir aujourd’hui l’homophobie, c’est rendre justice à l’islam défiguré par les siens. C’est aussi agir dans le sens de la concrétisation de la dignité et de la souveraineté du Tunisien, visée majeure de sa révolution, cette loi étant non seulement un héritage de la dictature, mais aussi du protectorat. Son abolition parachèvera ainsi l’indépendance de la Tunisie.
Nous formulons ici le vœu que la visite de l’ami européen en notre pays, président d’un modèle de gouvernance parlementaire, soit saisie par nos députés pour sortir leur pays de la nuit homophobe actuelle en s’engageant dans le sens de l’histoire, celui d’un vivre-ensemble paisible, respectueux de la différence. Cela commence par la reconnaissance de leurs droits aux gays, figure emblématique du différent. Reconnaître leurs doits, c’est faire un pas de géant dans le sens de l’État de droit, rompant avec l’état de simidroit actuel.
À la veille de cette visite, il serait bienvenu aussi que les associations et militants humanistes contre l'homophobie se mobilisent à bon escient en osant sortir de la simple incantation et proposer des projets de lois consensuels mais radicaux, les seuls en mesure de faire triompher leur cause. Or, ils en existent,** mais sont ignorés par les militants pour cause de laïcisme fâcheux de leur part. C'est ainsi et ainsi seulement que sera utile et sincère la bienvenue à souhaiter à M. Tajani par une Tunisie encore homophobe, où l’amour est malheureusement un crime !
NOTES
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