Messieurs les Présidents de la République et du Conseil, après le second drame qui vient d’endeuiller le pays, la preuve est faite que le terrorisme ne sera pas vaincu si l’arsenal liberticide de la dictature reste en place, car c’est lui qui alimente les terroristes professionnels en munitions humaines, tout autant victimes d’eux que leurs victimes.
Seule la réforme juridique est possible
Aujourd’hui, seule une action sur les lois est possible au vu de l’état de noyautage intégriste dans lequel se trouvent nos administrations, outre les mentalités habilement travaillées par des maîtres en un machiavélisme aux couleurs islamiques. Il faut donc un véritable choc psychologique digne de la libération de la femme décidée par Bourguiba envers et contre tous et dont les retombées bénéfiques préservent notre pays de bien pires dérives.
Monsieur le Président de la République, vous êtes le garant du respect de la Constitution qui impose l'égalité parfaite de tous les citoyens et consacre les droits et les libertés d'une vie privée libérée. Cette Constitution est aussi respectueuse de l'esprit humaniste et pluraliste de l'islam que certaines de nos lois héritées de la dictature violent tout en prétendant s’y conformer.
Monsieur le Président du Conseil, votre droit et votre droit sont de consolider la démocratie en Tunisie en y développant l'État civil qui garantit le respect par la loi de tous les citoyens nonobstant leurs croyances ou leurs préférences en termes de pensée ou de moeurs.
Aussi, Messieurs, au lieu de vous attaquer aux libertés, vous offrant aux critiques de vos alliés islamiques, allez dans leur sens et servez ces libertés en décidant l'abolition de l'article 230 du Code pénal !
Il s’agit d’un article symbolique de l’oeuvre salutaire nécessaire pour un État de droit en Tunisie, consacrant le pluralisme démocratique. Il est à abolir sans plus tarder pour l’intérêt bien compris du vivre-ensemble, d’autant plus que, sauf à se renier, paraître un menteur, M. Ghannouchi s’est solennellement prononcé pour l’abolition.
Une survivance du protectorat et de la tradition judéo-chrétienne
Cet article n'est qu'une survivance du protectorat ayant été imposé au peuple tunisien à la faveur de la tradition judéo-chrétienne qui inspirait le colonisateur français dont la législation avait un article similaire hérité de Vichy et qui n'a été aboli qu'en 1982.
Nulle interdiction ne prévalait dans les traditions et coutumes populaires tunisiennes en matière homosensuelle (terme préférable à l'homosexualité, création occidentale du 17e siècle), la mentalité du peuple étant ontologiquement sensuelle et sexuellement libertaire.
De plus, l'islam n'a jamais été pudibond puisqu’il n’y existe aucune prohibition des rapports entre gens du même sexe. Outre l'absence de prescription expresse dans le Coran, contrairement à la Bible, il n'est aucun hadith dans la Sunna authentique de Boukhari et Mouslem y relatif.
L’interdiction qui prévaut de nos jours est le fruit de l'interprétation par les jurisconsultes, marqués par la Bible, des récits coraniques rappelant les faits du peuple de Loth. L’imaginaire judéo-chrétien des docteurs de la Loi dont la plupart étaient d'origine non arabe — comme rappelé par Ibn Khaldoun — a marqué leur interprétation des textes coraniques ; il est donc temps de rectifier cette aberration en notre pays dont l’islam est tolérance.
Une symbolique du respect de la différence
En effet, l'homosensuel/homosexuel est le symbole du différent absolu, son respect est ipso facto celui du droit à la différence et du vivre-ensemble paisible, une absolue nécessité en démocratie.
Abolir sans plus tarder l'article 230 du Code pénal, l'un des plus scélérats de l'arsenal juridique liberticide de la dictature, c'est manifester de la plus concrète des manières votre conviction dans la nécessité de rompre avec l'ancien régime répressif. D’autant plus que ce ne sera pas seulement abolir l'homophobie en Tunisie, mais aussi abolir l'islamohomophobie.
L'islam n'a jamais été homophobe comme déjà précisé, et des études objectives l'ont amplement démontré; c'est la tradition judéo-chrétienne qui l'est et qui, bien qu'abandonnée par les siens à la faveur de la démocratie, s'est retrouvée chez nous du fait de l'autoritarisme soutenu par l'Occident, et elle s'y maintient.
Contrer Daech en libéralisant les moeurs
Avec l’abolition de cet article de la honte, la vraie bataille contre l'intégrisme sera véritablement engagée avec des chances réelles de contrer le risque d'avancée de Daech en Tunisie. Car la lutte la plus efficace contre le terrorisme consiste à multiplier les doits et les libertés pour éviter que les mentalités ne soient contaminées par la propagande terroriste, ce terrorisme mental qui est déjà dans nombre de têtes faute de libertés et donc de responsabilité en matière de moeurs.
Il n'est qu'à voir les réactions de certains musulmans supposés modérés et tolérants qui se laissent aller à souhaiter la bienvenue au terrorisme en Tunisie en réaction à ce qu'ils croient être des manifestations d'atteinte à l'islam. Or, s'il y a une violation de l'islam vrai, c'est bien une telle mentalité qu’il faut combattre, car l'islam vrai est d'abord paix spirituelle et matérielle en plus d'être un respect de l'altérité.
Si dans la classe politique il en est qui se refusent à une telle réforme nécessaire, c'est qu'ils se sentent dépassés par l'élan revendicatif de la société bien plus libertaire dans sa vie informelle qu'on ne veut le croire. Au prétexte d'un mythique conservatisme de la société, ils ne cherchent qu’à la corseter par tous moyens, y compris en gardant les lois liberticides de la dictature, des instruments obsolètes donnant aux autorités l'illusion de contrôler une société qui leur échappe. L'article 230 du Code pénal est une de ses armes, immorale qui plus est, car se prétendant à tort respectueux de l'islam.
Messieurs les Présidents de la République et du Conseil, ordonnez donc la rupture avec le double langage et une pratique politique malhonnête et cynique. Parler d’État de droit commande aujourd’hui l’abolition de nos lois scélérates comme l’article homophobe.
Il est bien temps de transfigurer la politique politicienne en éthique et vous êtes dignes d'en être les parangons. Proposez donc sans tarder à l’Assemblée le texte que je vous avais proposé ainsi qu’aux députés abolissant l’homophobie en Tunisie !* Vous verriez alors par qui la Tunisie est menacée, un terrorisme mental à contrer pour en finir avec le terrorisme physique.