Quand l’Union
européenne pratique la désinformation
On ne le sait que trop,
la politique ne s’embarrasse pas de sentiments, ou alors elle verse dans ce
qu’on appelle bons sentiments qui ne
sont que ce vernis appliqué sur ce qui est trop honteux ou laid, une façon de
faire passer la pilule.
C’est ce que fait
actuellement l’Union européenne dans le cadre d’une activité diplomatique
soutenue auprès des dirigeants maghrébins afin de faire avancer ses pions
tendant à servir ses seuls intérêts, et ce au détriment même des légitimes
aspirations des populations du Maghreb.
Pourtant, de telles aspirations,
quant au fond, ne sont en rien différentes des intérêts des populations européennes
au nom desquelles la diplomatie de l’U. E. agit honteusement en violant ses
propres valeurs éthiques.
Démission et culpabilité
de nos élites
Le plus honteux est
qu’en face, nos propres diplomates se laissent aller à adhérer sans réserve à
la logique européenne au nom d’un fallacieux principe de réalité qui n’est
qu’un alignement aberrant sur le dogmatisme d’un Occident en crise sinon en
déclin.
Aussi accepte-t-on les
lubies d’Europe quand elle fait feu de tout bois dans une tentative désespérée
pour sauvegarder son prestige d’antan, s’accrochant à une domination perdue par
le biais de notions et concepts vidés de tout sens. Ceux-ci n’ont plus, en
effet, la pertinence passée, et leurs conséquences se retournent contre les
visées premières qui ont été à la base de leur apparition.
C’est ce que nous voyons
chez la plupart de nos élites, celles du moins qui ne versent pas — bien raisonnablement,
d’ailleurs — dans l’extrémisme de qui est encore plus coupable, rejetant non seulement
la pratique odieuse de l’Occident, mais aussi tout l’Occident, comme on
jetterait le bébé avec l’eau du bain.
En effet, que l’on soit bien
clair dès le départ ! Critiquer l’Occident n’est pas de notre part le
rejeter, car il est le seul horizon valable et viable pour les Maghrébins dont
l’enracinement ne fait aucun doute en une sphère méditerranéenne qui n’a aucun
sens sans le voisin européen.
Liens structurels entre Europe
et Maghreb
C’est au nom de tels
liens structurels entre le Maghreb et l’Europe que l’on refuse justement de l’Europe
sa politique aveugle, non point en versant dans l’aberration de ceux qui
veulent couper la Tunisie ou le Maghreb de leur prolongement européen, ce qui
reviendrait aujourd’hui tout simplement à les
tuer.
La Tunisie et tout le
Maghreb font davantage partie de l’Europe que de l’Afrique; cela est un fait
déjà relevé par les plus prestigieux des penseurs, européens y compris, comme
Hegel. D’ailleurs, l’Europe est déjà au Maghreb économiquement, politiquement
et culturellement, mais aussi géographiquement par le biais de ses présides au
Maroc.
Une telle réalité ne
peut plus être occultée et elle suppose, le plus logiquement du monde, le
raffermissement des liens entre l’Union européenne et le Maroc et la Tunisie
pour le moins. Je suis même allé jusqu’à suggérer leur adhésion à l’Europe.[1]
Toutefois, rappeler et
clamer le nécessaire partenariat, sinon donc l’unité entre l’Europe et le Maghreb,
ne peut ni ne doit se faire à n’importe quelles conditions.
Ce n’est pas parce que
l’Europe développe un dogmatisme qui n’est en rien différent de celui que nous
refusons chez nos intégristes qu’on se doit de ne pas s’autoriser à critiquer
ses choix actuels contestables sur nombre de dossiers. Surtout quand ils sont les
plus aberrants, étant devenus criminogènes à force d’autisme aux réalités.
Un partenariat européen
de l’immobilité
C’est le cas, par
exemple, du supposé partenariat de la mobilité qui n’est qu’un diktat de
l’immobilité.[2] Le
comble de l’aberration est que l’Union européenne déploie actuellement un
lobbying qui n’est fait que d’une pure désinformation honteuse.
Elle fait ainsi dire à
la presse et sur les réseaux sociaux que, dans le cadre des négociations
actuelles avec le Maroc, elle propose la levée du visa, rien de moins !
Or, celles-ci n’ont pour but que d’amener à signer un accord de réadmission de
ce qu’on s’entête à qualifier d’immigrés illégaux, un accord qui ne fait que
consolider la situation actuelle, voire l’aggraver.
Car tout en parlant
d’une illusoire levée de visa, l’Europe ne propose qu’un hypothétique
allègement ne concernant que certaines catégories selon des critères encore
indéfinis, mais nécessairement par trop restrictifs.
Au vrai, l’Union
européenne ne cherche qu’à faire passer — en force s’il le faut — le principal
objet de l’accord qui est une réadmission sauvage de ceux qu’elle appelle
illégaux, qu’ils soient des nationaux des pays concernés par l’accord ou même
des étrangers ayant juste transité par eux pour regagner l’Europe.
Ainsi, l’Europe ne fait
qu’exporter au Maghreb ses problèmes comme s’ils n’en ont pas déjà assez !
La libre réadmission impose
une libre admission
Un tel accord est aussi proposé
à la Tunisie qui, malgré tout ce qu’on a dit et fait, s’est empressée de plier
aux desiderata européens en commençant par en signer un protocole faisant partie de l’accord qu’elle
s’apprête à signer. Il faut l’en empêcher, car l’accord est honteux !
Il est même odieux, car
on ne peut légitimement parler de réadmission et de facilités dans la
réadmission que s’il y a auparavant une admission sans entraves. Toute facilité
en termes de réadmission ou même la moindre automaticité de celle-ci — ainsi
que l’emporte le projet d’accord — doit impérativement être le strict pendant
d’une admission préalable.
C’est ce qui n’existe
pas actuellement avec le visa biométrique qui crée plus d’empêchements à
l’admission en Europe qu’il ne la facilite. Pourtant, on l’a suffisamment
démontré au point de réclamer désormais en Europe même l’ouverture des
frontières,[3]
s’il y a des illégaux, c’est du fait de la politique restrictive en matière de
visa.
Il me souvient que dans
les années 1990, du temps où j’étais encore au service diplomatique, j’avais taillé
en pièces des tentatives similaires françaises en répondant à un projet
d’accord de réadmission proposé à la Tunisie par un contre-projet. Celui-ci posait
pour principe le lien entre la réadmission et l’admission, affirmant que la
réadmission sans formalités ne pouvait être envisagée que dans un système de
circulation libre où l’admission se fait sans visa.
À l’époque, cela fit
capoter le projet, la France s’étant vue confrontée à une logique imparable, ne
pouvant en nier la pertinence. Aussi en tint-elle compte, se contentant de
remplacer l’accord en bonne et due forme par de simples ententes et des relevés
de conclusions de négociations sans grande valeur juridique.
Malheureusement, après
mon éviction injuste de la diplomatie, la Tunisie a vite fait de plier de nouveau
aux conditions léonines de la France, en arrivant à signer un accord ultérieur de
réadmission qui demeura, bien évidemment, lettre morte quant aux promesses de
quotas de visas et de titres de séjours en faveur des Tunisiens — présentées
comme généreuses — de la partie française.[4]
Une politique migratoire
criminogène
Aujourd’hui, on a
affaire à une sorte de répétition de l’histoire de la part des autorités européennes
prêtes à tout, y compris à la désinformation, pour imposer son accord de la
honte.
Aussi, notre diplomatie
doit-elle faire montre d’intelligence et de perspicacité en ne sacrifiant pas
les intérêts de nos ressortissants à la politique politicienne et aux intérêts
de la seule Europe devenue frileuse au point de ne plus distinguer son propre
intérêt.
Notre diplomatie doit
procéder de la même manière que celle qui se révéla déjà payante, et ce en
répondant par un contre-projet sur un véritable partenariat de mobilité et non
d’immobilité. Ce qui suppose donc de commencer par assurer la libre admission
pour envisager une automatique libre réadmission.
Or, la libre admission
sans la moindre violation de la sécurité obligatoire en un temps de hauts
risques est tout à fait possible. Cela se fera grâce à l’outil que je propose :
le visa biométrique de circulation.[5]
Cet outil est respectueux
des droits de l’Homme, dont le premier est bien évidemment le droit de circuler
librement sans entraves ; d’ailleurs, l’accord euroméditerranéen entre la
Tunisie et l’Europe impose le respect des droits de l’Homme !
Un nécessaire réveil de la
conscience
Aussi, si nos diplomates
ne contrent pas les Européens dans leur politique actuelle de gribouille — qui
rappelle trop le héros biblique Samson — ils en seront les complices objectifs.
Leur devoir tant
politique qu’éthique est de refuser au plus tôt de continuer à coopérer à une
telle politique grosse des pires drames, tout en étant en plus immorale et
injuste.
Une prise de conscience
sur la gravité de ce qu’on est en train de faire est d’autant plus impérative
de part et d’autre que nous sommes à un moment critique où la menace intégriste
et l’avancée de Daech au Maghreb imposent une réaction commune salutaire qui ne
peut être utile qu’en étant solidaire, sans la moindre arrière-pensée.[8]
Elle implique ainsi la
plus impérative des obligations d’éliminer incontinent l’une des causes de ce
terrorisme. Celle-ci est la stigmatisation continue des jeunes maghrébins qui commence
par reconnaître leur droit imprescriptible à circuler librement.[9]
En effet, priver les
jeunes du Maghreb de ce droit, c’est les pousser à rejoindre les aventuriers de
tout poil, les contrebandiers des boat people en Méditerranée, pour le mieux, ou
de plus en plus les terroristes du Levant.[10]
NOTES :
[1] Pour la
Tunisie, j’y ai appelé ici : La Tunisie doit demander son adhésion à l'Unioneuropéenne!
[2] cf. mon
article : Non au partenariat pourl'immobilité avec l'Union Européenne !
[4] J’en avais parlé sur Nawaat : Aider les Tunisiens en détresse en France en les faisantbénéficier de l'accord franco-tunisien de 2008
[5] Il a fait l’objet du premier article ici
même, sur Nawaat. cf. : Pour un visa biométrique de circulation pour lesTunisiens
[6] cf. mon
article : Visa biométrique etsouveraineté nationale
[7] cf. Mon adresse aux autorités
européennes : J’accuse J’accuse…! Lettre aux responsables humainement irresponsables d’Europe
[8] cf. par exemple mon article : Le défi de l'Eiil est d'abord à relever en Méditerranée
[9] cf. par exemple, mes articles : Pourquoi les Tunisiens sont les plus nombreux des jihadistes ?
[10] cf. mes
articles : Daech : ce qu'on nedit ni ne fait