Les Tunisiens ont-ils marre de la démocratie?
Une récente étude du Pew Research center relève le désintérêt de la population tunisienne pour les élections actuelles. De fait, ce n'est pas de démocratie que ne veut plus le citoyen tunisien, mais de fausse démocratie, cet opéra bouffe de la politique, la comédie de mécanismes formalistes, un jeu pour des démons de la politique dans ce qu'est devenue une « daimoncratie ».
Aussi, contrairement à ce que laisse entendre l'enquête, les Tunisiens ne sont lassés ni de démocratie ni ne sont nostalgiques de l'ancien régime. S'ils souhaitent un gouvernement à poigne, ce n'est pas d’une poigne de nouveau dictateur qu'ils rêvent, mais de celle d'un juste. C’est de politiciens qui ne pratiquent pas la langue de bois qu’ils veulent, tout en étant en mesure de rétablir l'ordre.
Soif d'un ordre nouveau
Cet ordre dont on mesure l’immense soif en Tunisie est loin d’être celui de l'ancien régime, car il est d'abord et surtout un ordre juste, le fruit de la totale confiance du citoyen dans ses représentants.
Que voit le peuple tunisien, en effet ? Un personnel politique qui n’a honte de rien, pratiquant le mensonge comme il respire, s’adonnant à la politique politicienne sans vergogne.
Pour une bonne part, cet état lamentable des choses a pour cause le très mauvais choix du scrutin de liste, donnant le pouvoir aux partis, rompant le lien qui doit être direct en Tunisie entre l'électeur et son élu.
Cela confirme d’ailleurs ce qu'on avait déjà noté sur le fait que les élections législatives et la présidentielle ne représentent aujourd'hui aucun intérêt pour les Tunisiens plus préoccupés, à bon droit, de la situation catastrophique dans les villes et villages. Ce sont des élections locales et régionales qu'on aurait dû organiser comme on n’a pas cessé de le réclamer ! Au demeurant, l'enquête le précise bien : c'est d'aspects économiques que se soucient en premier les Tunisiens.
Le prochain gouvernement qui, selon toute vraisemblance sera celui du rétablissement de l'autorité de l'État et de la paix, ne devrait pas se tromper sur sa nature : la meilleure autorité étatique est celle qui est basée sur le respect et la confiance, non point sur la peur. Au reste, un recours à l'usage de la peur ne réussirait plus en une Tunisie désormais effervescente.
Agir sur l'imaginaire populaire
Dans le prolongement du consensus autour des compétences, privilégié pour l’étape suivant les élections, nos politiciens devraient se retenir de revenir à leurs défauts, cédant à la fausse solution du prestige de l'État, en se convaincant que le vrai prestige étatique trouve sa réalité dans la dignité sauvegardée du citoyen.
Or, ce peuple a besoin de retrouver son honneur par des mesures concrètes. Et celles-ci ne sont pas difficiles à trouver, n'étant pas seulement de type économique ou social, ce qui est le plus dur à faire en une période de marasme comme la nôtre.
Symboliques, elles s’adressent d’abord à l'imaginaire populaire. Ce dernier pourrait ainsi changer du tout au tout si l’on prenait par exemple la courageuse décision d'abolir les lois liberticides du régime, notamment celles ayant trait à la vie personnelle et aux mœurs, et d’adopter de nouvelles lois concrétisant le caractère civil de l'État consacré par la Constitution, mais violé quotidiennement par une confusion entre le religieux et le public, alors que le religieux ne doit relever que de la sphère privée.
Une autre de ces mesures aux retombées immenses sur l'imaginaire populaire serait d'oser régulariser la dépendance de fait de la Tunisie à l’égard de l’orbite occidentale en demandant officiellement l’adhésion de la Tunisie à l’Union européenne. Cela devrait se faire dans le cadre de l’action pour un espace de démocratie méditerranéenne qui commencera par l'instauration sans plus tarder de la libre circulation pour les ressortissants tunisiens avec l'outil désormais incontournable du visa biométrique de circulation, respectueux du réquisit sécuritaire.
Avis aux politiciens assez courageux pour rompre enfin avec le conformisme ambiant, devenu mortifère.
Publié sur Leaders