La participation du citoyen dans l’action civique pour une bonne gouvernance n’est pas chose nouvelle dans le droit tunisien, puisque la dictature a usé de la notion de participation pour la dévergonder en la mettant à la sauce autoritaire.
C'est le cas du dispositif du citoyen superviseur المواطن الرقيب détourné de son véritable objectif, transformé en instrument à son service. Or, il s’agit bien d’une technique relevant de la raison participative en politique, qui est susceptible d’aider à revitaliser la démocratie pour une bonne gouvernance.
Il suffirait, dans le cadre de la refonte générale et approfondie du droit positif actuel (qui est encore, rappelons-le celui du régime déchu) de reprendre ce texte toujours en vigueur dans le sens des nouvelles réalités du pays. On en ferait rapidement une arme efficace dans le sens de son esprit initial.
C’est dans ce cadre d'ailleurs que s’insère la dernière manifestation de la très active fédération d’associations Doustourouna, organisée samedi 21 juin autour du rôle de la société civile dans l’interpellation et le contrôle du politique.
Lançant une initiative dans ce sens, inspirée d’une expérience concluante ayant lieu en Ouganda, les organisateurs ont affirmé leur objectif de sensibiliser la société civile tunisienne au rôle qu‘elle pourrait et devrait jouer dans le contrôle et de l’action des politiciens et de leur sérieux au service de l’intérêt général en vue d’aboutir à une bonne gouvernance du pays.
On a insisté aussi, lors de ce séminaire, sur la nécessité d’agir efficacement pour consolider la transition démocratique par le renforcement du rôle du citoyen à contrôler, interpeller et exiger des comptes du personnel politique censé servir les intérêts populaires et non les siens propres. Ce rôle nécessite un mécanisme citoyen de surveillance des partis, seul de nature à créer une culture nouvelle de pratique politique où le citoyen et le politique ne s’ignorent plus en dehors des périodes électorales, l’un étant en mesure de demander des comptes à tout moment à l’autre qui doit demeurer dépendant du premier. Nous avons déjà dit ici même que cela pourrait l'être par exemple selon un engagement de mission comportant des objectifs avec le devoir impératif de les honorer.
C’est donc bien d’une revitalisation des mécanismes de la raison participative en Tunisie qu’il s’agit, à l'instar du mécanisme susmentionné de citoyen superviseur. Cela suppose aussi qu’on agisse pour opter au seul scrutin électoral approprié à un tel rôle du citoyen, qui est le scrutin uninominal rationalisé avec un contrat de mission contrôlable s’imposant au futur élu.
Dans cette attente, il y a déjà pas mal d’initiatives de démocratie locale ayant actuellement lieu dans le pays et qui sont à consolider en le multipliant; on a déjà rendu dompte de certaines d'entre elles ici sur Leaders, comme pour le budget participatif, le filet communicatif ou l’espace citoyen.
Aussi, c’est bien une excellente initiative que Doustourouna lance en ce moment délicat de la vie du pays et qui ne ferait que renforcer les motifs de croire à la possibilité de faire en sorte que la démocratie naissante en Tunisie ne soit pas une pâle copie de la démocratie d’élevage ayant cours en Europe.
En effet, les Tunisiens sont bien capables d’innover, et à défaut de refonder totalement la démocratie qui n'existe plus en Occident, sont capables d'éviter une démocratie des mirages quitte à verser dans une démocratie sauvage. Nos meilleures traditions ne nous instruisent-elles pas qu’il vaut mieux être loup que chien ? En tout cas, s'il est un enseignement du Coup du peuple, la révolution du jasmin c’est bien celui-là.
Publié sur Leaders