On n'y pense pas assez, mais nos vêtements ont une symbolique qui n'est pas négligeable dans l'indication de notre capacité au changement, à l'accepter ou à y résister. Ils indiquent même parfois un refus farouche d'un changement paraissant fatal, étant dans l'ordre des choses, nécessaire dans la vue humaine, ainsi qu'il l'est dans la nature.
Une histoire savante
Dans la psychanalyse des rêves (p. 36), Angel Garma démontre comment le vêtement représente une sorte de membrane foetale. Il note aussi que changer de vêtements, c'est changer de peau, changer de parents.
D'ailleurs, dans la plupart des oeuvres — sinon toute la littérature — traitant d'utopies, comme l'Icarie de Cabet ou la Cité du Soleil de Campanella, l'habit a une place importante en ce qu'il symbolise et concrétise une volonté de régénération, le début d'une vie nouvelle. On y constate, à ce propos, une prédilection pour les vêtements amples et flottants, "à la manière de la Rome antique ou des Highlands" dit Mercier dans son Voyage au centre de la Terre où les hommes et les femmes sont habillés pareillement de ces habits flottants. Dans La Nouvelle Atlantide de Bacon, on porte des vêtements aux couleurs éclatantes et des turbans à la turque.
Peut-on imaginer un homme continuer à porter les fanfreluches de son enfance et même de l'adolescence? C'est ce qu'on voit, malgré tout, quand on se décide à répudier la vêture de son temps pour en adopter une autre censée être plus convenable, refléter une identité qu'on ne veut pas perdre, qu'on cherche à retrouver ou à afficher. C'est le cas du fameux qamis chez certains de nos garçons ou du prétendu voile islamique de nos filles qui est bien plus le voile des nonnes chrétiennes que des musulmanes.
Symbolique du vêtement
Il est certain que c'est une pareille volonté de régénération qui explique l'attachement des habitants d'Arabie à leurs robes, au-delà de l'explication consciente des conditions climatiques. Ces vêtements flottants à l'antique perpétuent certainement des usages arabes, mais aussi une tradition qui n'est pas propre aux Arabes. Ils symbolisent la continuité de la protection maternelle. Ce qui n'est pas pour étonner dans la psychologie arabe où la sentimentalité est une dimension cardinale du caractère.
Cette invagination du sentiment revenant à l'état de l'enfance traduit aussi une résistance à tout changement, comme un enfant refusant de grandir. Si l'attachement à sa vêture habituelle ou l'adoption d'une ancienne supposée de tradition représentent donc une résistance au changement, c'est que la prise d'un nouveau vêtement est chargée fortement d'un thème initiatique non négligeable. Quand ce vêtement symbolise la tradition, la geste des anciens, cela marque une volonté inconsciente d'accession à une vie nouvelle purifiée, une nouvelle naissance.
Parallèlement, c'est le signe qui ne trompe pas de la vacuité actuelle de la vie de ces personnes, une vacuité abyssale qu'un simple masque suffit à remplir. Cela permet de mesurer aussi à quel point les dérives suite à ces premiers signes de trouble identitaire ne reposent que sur du vide qu'on remplit de préjugés.
Ainsi, on pourrait se demander combien il existe d'intégristes ayant des convictions arrêtées, des valeurs bien définies correspondant à ce qu'ils affichent et veulent refléter ? La définition de leur combat est toujours un montage par défaut, une réplique au discours aussi manichéen que le leur prétendant les combattre alors qu'il les nourrit.