Exclure en démocratie, c'est s'en exclure !
Le CPR, parti du président, continue à se distinguer par son jeu
malsain. Après avoir boycotté le dialogue national, seule légitimité
aujourd'hui depuis l'adoubement de la légitimité consensuelle, il se lance à
corps perdu dans une bataille antidémocratique. Ce faisant il démontre que non
seulement il est une illusion politique, mais qu'il n'a nulle âme démocratique.
En effet, exclure autrui en démocratie, c'est s'exclure du jeu politique. Et
c'est ce que fait le CPR qui cherche à retrouver une illusoire existence en
faisant de la surenchère supposée démocratique.
Que veut dire exclure son adversaire en démocratie sinon vouloir
garder le pouvoir pour soi, un pouvoir dont on a abusé depuis a révolution ? Où
sont les valeurs d'origine du CPR sur lesquelles des votes se sont portés lors
des élections législatives abusées par ses mensonges ? Le CPR d'alors parlait par
exemple de justice sociale, de libertés, d'abolition des lois liberticides de
l'ancien régime, d'audit de la dette et de souveraineté du peuple. Aussitôt
arrivé au pouvoir, il a tourné le dos à toutes ces valeurs et celles plus généralement
des droits de l'Homme pour l'unique ambition de se maintenir au pouvoir.
C'est ce qu'il veut aujourd'hui en lançant une campagne pour
l'exclusion qui ne fera que signer la sienne de la scène démocratique. En
effet, s'il voulait véritablement la démocratie et la souveraineté du peuple,
il aurait plutôt lancé une pétition pour l'organisation d'élections municipales
comme y appelait fort justement M. Marzouki avant d'entrer à Carthage et d'y oublier
que le peuple exerce son pouvoir d'abord dans les localités et les régions.
Mais au-delà de cette campagne qui n'a aucune chance d'aboutir, il
est important que les démocrates dans ce pays entreprennent d'urgence une
clarification qui s'impose. La première concerne le président de la République
dont les menées de son ex-parti ne peuvent point se faire sans son aval. Or, peut-il
cautionner ainsi l'action de son parti sans se déconsidérer à la place où il
est ? C'est une question de principe que tout démocrate ne peut pas ne pas se
poser.
La seconde concerne le parti de cheikh Ghannouchi qui s'est certes
désolidarisé publiquement de pareille action; mais on sait que le CPR n'est que
le clone de son parti. Alors, M. Ghannouchi, dans sa rhétorique permettant de
dire et de faire tout et son contraire ne joue-t-il pas toujours ce malsain
double jeu qu'on lui reproche ? A-t-il véritablement fait le pari de la
démocratie ?
Que les démocrates de ce pays appellent le dialogue national à le
sortir d'une telle confusion en mettant fin à ce genre de suicidaire agitation !
Qu'ils l'invitent à couper l'herbe sous les pieds de tous les aventuriers de la
politique, laissant les compétences du gouvernement travailler en paix. Il le
fera en décidant la suspension des travaux d'adoption du code électoral en sa
forme actuelle, notamment avec un scrutin inadapté à la situation du pays, et
en décidant le remplacement des élections législatives et présidentielle par
des élections municipales et régionales, seules de nature à réconcilier le
peuple avec la politique ! C'est non seulement de la compétence du Dialogue
national; mais aussi de son devoir. Et il doit en faire son impératif
catégorique, la situation du pays le commandant.
Publié sur Leaders