Quand Nahdha joue contre la souveraineté économique du pays
Le dernier rapport de Nawaat sur le scandale des
concessions pétrolières n'a fait que lever un pan du voile sur une réalité
scandaleuse de l'état de nos ressources naturelles.
Un autre pan a été levé à l'Assemblée
constituante avec les péripéties du vote de l'article 10. Rappelons que cet
article prévoit une sorte d'audit de la part de l'État sur l'utilisation de
l'argent public en matière des ressources du pays, et partant de sa
souveraineté économique et alimentaire. Or, bien que voté, cet article continue
de susciter des remous au sein des groupes parlementaires. Ceux-ci, poursuivant lundi leurs négociations sur les ultimes
compromis, notamment à propos des dispositions transitoires, ont enregistré une
offensive des élus du parti islamistes pour revenir sur cet article.
Déjà, dès le vote de
l'article, tel qu'amendé selon une proposition judicieuse de la part de la
députée CPR Mabrouka Mbarek, on chercha d'en limiter la portée en faisant
pression sur cette députée patriote en vue de l'amener de faire des précisions
tendant à des interprétations restrictives des dispositions votées.
On sait, en effet, que les
débats sont enregistrés et qu'ils seront très utiles plus tard pour
l'application de la constitution et son interprétation par le juge
constitutionnel. Ce que souhaitaient et souhaitent encore les députés du parti
Nahdha, c'est la précision que les dispositions de l'article 10 ne concernent
pas les concessions pétrolières et gazières.
La vaillante députée CPR a
su résister aux pressions, sauvant ainsi l'honneur de son parti qui n'a souvent
pas été fidèle aux valeurs sur lesquelles il s'est battu aux élections. Bien
mieux, Madame Mbarek s'est payé le luxe au cours d'une séance d'intervenir pour
défendre vaillamment la souveraineté alimentaire du pays, osant dénoncer les
pressions économiques que subit la Tunisie de la part de ses partenaires
extérieurs.
N'ayant pas obtenu les
restrictions souhaitées sur les procès-verbaux des séances, le parti Nahdha
revient donc à la charge aujourd'hui en appelant à revenir sur cet article afin
d'en retrancher les ressources naturelles, et ce en usant, tout en le
caricaturant, du mécanisme de l'article 93.
Pourtant, l'article 10 a été
voté avec une majorité confortable (169 pour) et correspond à l'une des
exigences de la révolution qui est venue appeler à mettre le holà au pillage
éhonté des ressources du pays.
Il est clair que le parti
islamiste cherche à plaire à ses soutiens étrangers qui n'ont cessé de défendre
sa cause du fait de son programme économique ultra libéral, prônant un capitalisme
sauvage.
Aussi, aujourd'hui, plus que
jamais, le risque est grand que l'on fasse de la Tunisie un marché ouvert aux
marchandises de l'Occident, libres de circuler au moment même où les hommes
sont assignés à résidence dans une réserve fermée. Le parti Nahdha n'a comme
programme que l'instauration d'une société de consommation dont les effets
pervers seront pour lui une légitimation commode en vue de l'instauration de
l'ordre moral qu'il veut imposer au peuple au nom d'une religion violée par une
lecture rigoriste inauthentique.
Notre constitution voulue
progressiste doit-elle donc servir à renforcer la domination des pays du Nord
sur ceux du Sud au lieu de traduire la première revendication de la révolution
qui est un appel à plus de solidarité internationale ?
Il est clair que défendre la
souveraineté tunisienne dérange les intérêts économiques occidentaux; or, le
parti Nahdha ne saura plus jamais défendre cette souveraineté. En effet, son
programme économique dessert les intérêts de notre peuple tout autant que son
alignement sur les intérêts capitalistes du fait de son besoin avéré de
l'Occident pour rester au pouvoir.
Aussi, d'ores et déjà, notre
peuple, y compris les vrais patriotes qui continuent à se laisser berner par le
discours lénifiant de Nahdha, doit se chercher un autre parti qui soit
véritablement révolutionnaire afin d'incarner ses revendications légitimes à la
liberté, à la dignité et à la souveraineté.
Le temps est grave et ne se
satisfait plus de la recherche partisane, nationaliste ou idéologique,
d'intérêts égoïstes; notre époque commande d'affronter les difficultés en
accord avec les valeurs humanistes.
Publié sur Nawaat