Femen : le jugement de Salomon
Est-il possible, dans le ramdam des passions et le brouhaha de la désinformation, de se garder d'un glissement vers la voie de l'injustice, gardant une voix de raison sans aucune autre prétention que celle de la justesse ?
Essayons donc d'éviter les apparences toujours trompeuses et si faciles lorsqu'on demeure juché sur leur crête, drapé de préjugés et d'a priori; allons plutôt en leur creux saisir les dessous de la vérité qui plongeant racine bien souvent dans un inconscient qui nous fait et nous défait à loisir. N'est-il pas établi, aujourd'hui, que l'on pense ou agit moins qu'on est pensé et agi par autrui et par notre inconscient ?
Aussi, nous disons que le dernier jugement de Tunis dans l'affaire Femen est un avatar contemporain de celui de Salomon, en ce sens qu'il use volontairement d'injustice par souci éminent de justice.
C'est assurément un jugement non pas tant politique, comme il a été par trop hâtivement soutenu, mais à visée politique au sens de gestion de la cité et de son ordonnancement.
Qu'ont voulu dire les juges en condamnant à la prison ferme les activistes pacifistes données comme ennemies de la morale publique, alors que d'autres juges, quelques semaines auparavant, ont fait bénéficier de sursis des activistes autrement plus dangereux pour l'ordre public et la paix civile ?
Il ne fait aucun doute, pour celui qui dépasse les faux-semblants, qu'ils ont affirmé tout haut qu'un certain ordre des choses doit être maintenu en Tunisie, envers et contre tous, quitte à le faire en usant d'un arsenal répressif hérité de la dictature et qui aurait dû être abrogé, ayant perdu toute légitimité depuis la suspension de la norme supérieure du pays qu'est la constitution.
Et nos juges ont tenu à marteler comme une vérité ce qui est une évidence à leurs yeux ne devant point être contestée, parce qu'elle est justement contestée non seulement par les élites laïques, mais aussi — quoique de manière diffuse, silencieuse et informelle — par les plus larges couches populaires. C'est qu'on se trompe souvent sur ce pays en ignorant son ressort profondément sensuel et hédoniste, constituant en lui une sorte de centralité psychologique souterraine, souvent cryptique nécessitant une sorte de maïeutique à la manière socratique.
Qu'ont voulu donc dire les juges, plus exactement ? Comme Salomon, même si c'est leur inconscient qui a le plus parlé en eux, ils ont cherché, par la sévérité de leur jugement, à ce que se manifeste la vérité. Qu'elle est cette vérité ? Il s'agit d'un ordre essentiellement moral, et on sait à quel point la morale — ou encore mieux l'éthique, quand il s'agit de morale pure — est au coeur de tout ordre hiératique, imposé ou respecté. Et cette morale est présentée comme étant islamique bien qu'elle puise davantage toute sa rigueur dans une tradition judéo-chrétienne reprise par les jurisconsultes musulmans et introduite en islam de par leur exégèse du Coran et leur interprétation de la Sunna selon l'esprit de leur temps fortement influencé par les traditions issues des autres religions monothéistes.
Car l'islam est intrinsèquement moins prude et nettement non rigoriste que ces religions qui l'ont précédé, et il est autrement plus libéral en matière de moeurs que la manifestation pudibonde qu'en donne sa lecture par nos bigots religieux mettant leurs pas dans ceux de leurs devanciers, gens des autres Écritures saintes.
Or, outre le fait qu'il n'a pas véritablement d'origine islamique, cet ordre auquel appelle le jugement des Femen se veut essentiellement une réaction spectaculaire au déséquilibre patent dans les rapports internationaux. En effet, aussi étonnant que cela puisse paraître, il n'est point possible de se voiler la face par-devers cet aspect des choses qui, pour être celé, tu ou ignoré, ne relève pas moins de l'essence du jugement, qu'elle soit consciente ou inconsciente.
Les juges tunisiens ont voulu, en usant abusivement de la morale islamique, dire au monde que la Tunisie musulmane est souveraine sur son sol et entend réserver aux ressortissantes occidentales un traitement équivalent à celui qu'ont les ressortissants musulmans en Occident, qui est à leurs yeux sévère et injuste. Et ils font cela avec l'arme la plus disponible en l'objet, soit au nom de la morale, même s'il s'agit d'une certaine lecture biaisée de cette morale.
En l'occurrence, ils n'agissent pas autrement que les Occidentaux qui font une lecture leur convenant de l'universalité des droits de l'Homme. C'est que, si en Occident — État de droit oblige — l'on se réfère plutôt aux préceptes de la démocratie, en Tunisie révolutionnaire, mais encore régie par l'arsenal de la dictature, on ne peut qu'user des lois liberticides de l'ancien régime en les mâtinant d'un soupçon de religion pour solliciter l'adhésion populaire.
Qu'on ne s'y trompe pas, toutefois, le peuple tunisien dans sa quasi-majorité est rétif à pareil usage de sa religion et à, ce jeu, il reste bien indifférent dans son ensemble à l'exception d'une minorité d'activistes dont l'agitation extrême trompe sur l'écho véritable de son discours dans les plus larges couches populaires.
Je l'ai déjà dit et je le répète, l'islam populaire tunisien est bien plus tolérant que l'image qu'on en donne. Et s'il semble parfois céder au discours rigoriste, c'est bien moins par adhésion à sa forme ni à son fond que plutôt à sa visée, à savoir la contestation d'un ordre mondial établi et entretenu en sa défaveur.
C'est ce qu'est venu rappeler le jugement des Femen : la morale libertaire, qui peut parfaitement se concilier avec l'islam authentique libéré de ses influences judéo-chrétiennes, ne peut avoir droit de cité en un pays dont les partenaires occidentaux ne se soucient point de réserver à ses ressortissants un traitement juste au plan des droits de l'Homme. Bien prompts à tancer la Tunisie sur le plan moral, l'invitant à les suivre en la matière, les Occidentaux se gardent bien d'un comportement similaire en le faisant en matière de droit des Tunisiens à circuler librement, par exemple.
Qu'on le veuille ou non, pourtant, c'est le noeud de l'affaire; et tant que l'Occident n'aura pas accepté d'envisager l'examen de la levée de toutes ses préventions absurdes et ses limitations aux droits des Tunisiens à la souveraineté totale, dont le droit à circuler librement, il ne peut réclamer d'eux de communier dans ses valeurs. Tant qu'il fera de ces valeurs, qui forment un tout, une lecture unilatérale, au seul service de ses intérêts, il donnera par contrecoup le droit au juge tunisien de réclamer sa singularité sur les plans où cela est possible, même en manquant de justesse encore plus que de justice.
Si les réquisits sécuritaires en Europe permettent de limiter drastiquement la liberté de circulation refusée aux ressortissants des pays du Sud, y compris à ceux des pays agissant pour l'instauration de la démocratie comme la Tunisie, force nous est d'accepter les réquisits de nature équivalente dans un domaine hautement sensible dans les sociétés traditionnelles telles la morale et la religion.
Il ne sert donc à rien d'agir en Ponce Pilate en matière des droits de l'Homme; car ou ils sont assumés pleinement et on est autorisé de s'en réclamer et de les exiger de nos partenaires ou on perd toute crédibilité à le faire, pratiquant l'exécrable politique des deux poids deux mesures.
C'est le sens profond du jugement de Salomon dans l'affaire Femen. Qu’il réveille donc la conscience occidentale en la rappelant à son devoir vis-à-vis de la démocratie naissante en Tunisie ! Celle-ci ne peut être sauvegardée et préservée que dans le cadre d'un espace de démocratie en Méditerranée, incluant la libre circulation pour les ressortissants tunisiens, et ce au moins sous l'empire d'un visa biométrique de circulation comme je l'ai déjà proposé et qui a l'avantage d'être respectueux des exigences sécuritaires de l'Europe.
L'affaire des Femen est symptomatique de l'état de santé de la Tunisie démocratique. Elle indique que notre pays est encore malade de la dictature; ce qui est assez normal eu égard à la durée de cette période et ses racines historiques. Celles-ci puisent dans une pensée unique qui s'est imposée dans l'imaginaire arabe musulman au nom d'une pensée supposée divine et à tort islamique comme il l'a été démontré.
Or, comme une pandémie, les dangers menaçant notre pays ne sauraient laisser de marbre l'Occident qui doit endiguer le glissement vers la dictature en agissant sur le seul levier de nature à protéger nos jeunes de l'endoctrinement auquel ils cèdent bien volontiers. Il est inévitable de leur reconnaître enfin le droit mérité à voyager librement, voir du pays afin de se libérer de leurs dogmatismes et leurs fausses vérités entretenues non seulement pas les prédicateurs bigots, mais aussi par l'arrogance et la cécité des Occidentaux, y compris à leurs propres intérêts.
L'état actuel du dialogue de sourds entre les deux rives de la Méditerranée est responsable de l'affaiblissement du corps social en Tunisie, ce qui le rend vulnérable à toutes les attaques et aux risques de complications. Pourtant, il n'est pas encore désespéré, grâce surtout à la maturité intrinsèque de l'esprit du peuple, riche d'une sagesse populaire, et à l'action d'une société civile mature. Aussi, cet état s'assimile donc davantage à une convalescence non dépourvue d'accès récurrents de fièvre qu'à une incapacité totale du corps et de l'esprit à agir et à réagir.
Amina et les Femen ont mis le doigt sur le point sensible de notre société, ce non-dit qui affleure à la conscience et qu'on refoule par confusion des valeurs et des sentiments. Et cela n'est pas propre à la Tunisie, la responsabilité des blocages et dérives actuels étant partagée de part et d'autre du bassin méditerranéen.
Ces femmes courageuses ont osé apporter la contradiction à ceux qui ont prétendu faire de ce refoulé une lecture biaisée et caricaturale, versant dans l'aberration la plus saugrenue. En cela, ils ont profité notamment du silence de leurs adversaires enchaînés par leurs contradictions, n'arrivant pas à savoir comment rester fidèles aux valeurs universelles des droits de l'Homme sans aller contre ce qu'ils croient à tort être une spécificité de la société tunisienne ou des sociétés européennes. Pour l'une, il s'agit d'un prétendu attachement traditionaliste à une vision rigoriste de la morale quand il ne s'agit que d'une fidélité à un trait identitaire. Pour les autres, il est question des exigences de la sécurité en Europe liées à cet illusoire contrôle des frontières et au non moins illusoire danger immigré. Car, dans les deux cas, il n'en est absolument rien.
D'un côté, pareille vision des choses ne traduit point l'état d'esprit populaire en Tunisie, mais juste une frange minoritaire hyperactive d'un islam institutionnalisé, n'ayant rien à voir avec l'islam populaire, bien plus majoritaire. Je le répète ici, et toutes les études sociologiques, ethnographiques et psychologiques le prouvent amplement, la société tunisienne n'est ni rigoriste ni traditionaliste; elle est juste loyaliste.
De même, la fermeture des frontières est contre-productive et exacerbe les appréhensions à l'égard de l'Occident, nourrissant les excès les plus divers entretenus pas la désinformation. C'est qu'outre la confusion, nous baignons en pleine terreur de l'affabulation.
Alors, que les démocrates de Tunisie et d'Occident saisissent l'occasion de ce jugement présenté comme celui de l’outrage public à la pudeur pour en faire plutôt et véritablement celui de tout outrage public aux droits de l'Homme, y compris celui de circuler librement dans un espace de démocratie à instaurer de part et d'autre de la Méditerranée.
Et si, à cette occasion, les Femen osaient ajouter au nom de la liberté qu'elles claironnent et au droit d'enlever le haut de leurs habits, celui de lever les frontières ? Elles n'auront assurément que plus d'écho, de sympathie et de soutien en Tunisie et bien au-delà !
C'est assurément un jugement non pas tant politique, comme il a été par trop hâtivement soutenu, mais à visée politique au sens de gestion de la cité et de son ordonnancement.
Qu'ont voulu dire les juges en condamnant à la prison ferme les activistes pacifistes données comme ennemies de la morale publique, alors que d'autres juges, quelques semaines auparavant, ont fait bénéficier de sursis des activistes autrement plus dangereux pour l'ordre public et la paix civile ?
Il ne fait aucun doute, pour celui qui dépasse les faux-semblants, qu'ils ont affirmé tout haut qu'un certain ordre des choses doit être maintenu en Tunisie, envers et contre tous, quitte à le faire en usant d'un arsenal répressif hérité de la dictature et qui aurait dû être abrogé, ayant perdu toute légitimité depuis la suspension de la norme supérieure du pays qu'est la constitution.
Et nos juges ont tenu à marteler comme une vérité ce qui est une évidence à leurs yeux ne devant point être contestée, parce qu'elle est justement contestée non seulement par les élites laïques, mais aussi — quoique de manière diffuse, silencieuse et informelle — par les plus larges couches populaires. C'est qu'on se trompe souvent sur ce pays en ignorant son ressort profondément sensuel et hédoniste, constituant en lui une sorte de centralité psychologique souterraine, souvent cryptique nécessitant une sorte de maïeutique à la manière socratique.
Qu'ont voulu donc dire les juges, plus exactement ? Comme Salomon, même si c'est leur inconscient qui a le plus parlé en eux, ils ont cherché, par la sévérité de leur jugement, à ce que se manifeste la vérité. Qu'elle est cette vérité ? Il s'agit d'un ordre essentiellement moral, et on sait à quel point la morale — ou encore mieux l'éthique, quand il s'agit de morale pure — est au coeur de tout ordre hiératique, imposé ou respecté. Et cette morale est présentée comme étant islamique bien qu'elle puise davantage toute sa rigueur dans une tradition judéo-chrétienne reprise par les jurisconsultes musulmans et introduite en islam de par leur exégèse du Coran et leur interprétation de la Sunna selon l'esprit de leur temps fortement influencé par les traditions issues des autres religions monothéistes.
Car l'islam est intrinsèquement moins prude et nettement non rigoriste que ces religions qui l'ont précédé, et il est autrement plus libéral en matière de moeurs que la manifestation pudibonde qu'en donne sa lecture par nos bigots religieux mettant leurs pas dans ceux de leurs devanciers, gens des autres Écritures saintes.
Or, outre le fait qu'il n'a pas véritablement d'origine islamique, cet ordre auquel appelle le jugement des Femen se veut essentiellement une réaction spectaculaire au déséquilibre patent dans les rapports internationaux. En effet, aussi étonnant que cela puisse paraître, il n'est point possible de se voiler la face par-devers cet aspect des choses qui, pour être celé, tu ou ignoré, ne relève pas moins de l'essence du jugement, qu'elle soit consciente ou inconsciente.
Les juges tunisiens ont voulu, en usant abusivement de la morale islamique, dire au monde que la Tunisie musulmane est souveraine sur son sol et entend réserver aux ressortissantes occidentales un traitement équivalent à celui qu'ont les ressortissants musulmans en Occident, qui est à leurs yeux sévère et injuste. Et ils font cela avec l'arme la plus disponible en l'objet, soit au nom de la morale, même s'il s'agit d'une certaine lecture biaisée de cette morale.
En l'occurrence, ils n'agissent pas autrement que les Occidentaux qui font une lecture leur convenant de l'universalité des droits de l'Homme. C'est que, si en Occident — État de droit oblige — l'on se réfère plutôt aux préceptes de la démocratie, en Tunisie révolutionnaire, mais encore régie par l'arsenal de la dictature, on ne peut qu'user des lois liberticides de l'ancien régime en les mâtinant d'un soupçon de religion pour solliciter l'adhésion populaire.
Qu'on ne s'y trompe pas, toutefois, le peuple tunisien dans sa quasi-majorité est rétif à pareil usage de sa religion et à, ce jeu, il reste bien indifférent dans son ensemble à l'exception d'une minorité d'activistes dont l'agitation extrême trompe sur l'écho véritable de son discours dans les plus larges couches populaires.
Je l'ai déjà dit et je le répète, l'islam populaire tunisien est bien plus tolérant que l'image qu'on en donne. Et s'il semble parfois céder au discours rigoriste, c'est bien moins par adhésion à sa forme ni à son fond que plutôt à sa visée, à savoir la contestation d'un ordre mondial établi et entretenu en sa défaveur.
C'est ce qu'est venu rappeler le jugement des Femen : la morale libertaire, qui peut parfaitement se concilier avec l'islam authentique libéré de ses influences judéo-chrétiennes, ne peut avoir droit de cité en un pays dont les partenaires occidentaux ne se soucient point de réserver à ses ressortissants un traitement juste au plan des droits de l'Homme. Bien prompts à tancer la Tunisie sur le plan moral, l'invitant à les suivre en la matière, les Occidentaux se gardent bien d'un comportement similaire en le faisant en matière de droit des Tunisiens à circuler librement, par exemple.
Qu'on le veuille ou non, pourtant, c'est le noeud de l'affaire; et tant que l'Occident n'aura pas accepté d'envisager l'examen de la levée de toutes ses préventions absurdes et ses limitations aux droits des Tunisiens à la souveraineté totale, dont le droit à circuler librement, il ne peut réclamer d'eux de communier dans ses valeurs. Tant qu'il fera de ces valeurs, qui forment un tout, une lecture unilatérale, au seul service de ses intérêts, il donnera par contrecoup le droit au juge tunisien de réclamer sa singularité sur les plans où cela est possible, même en manquant de justesse encore plus que de justice.
Si les réquisits sécuritaires en Europe permettent de limiter drastiquement la liberté de circulation refusée aux ressortissants des pays du Sud, y compris à ceux des pays agissant pour l'instauration de la démocratie comme la Tunisie, force nous est d'accepter les réquisits de nature équivalente dans un domaine hautement sensible dans les sociétés traditionnelles telles la morale et la religion.
Il ne sert donc à rien d'agir en Ponce Pilate en matière des droits de l'Homme; car ou ils sont assumés pleinement et on est autorisé de s'en réclamer et de les exiger de nos partenaires ou on perd toute crédibilité à le faire, pratiquant l'exécrable politique des deux poids deux mesures.
C'est le sens profond du jugement de Salomon dans l'affaire Femen. Qu’il réveille donc la conscience occidentale en la rappelant à son devoir vis-à-vis de la démocratie naissante en Tunisie ! Celle-ci ne peut être sauvegardée et préservée que dans le cadre d'un espace de démocratie en Méditerranée, incluant la libre circulation pour les ressortissants tunisiens, et ce au moins sous l'empire d'un visa biométrique de circulation comme je l'ai déjà proposé et qui a l'avantage d'être respectueux des exigences sécuritaires de l'Europe.
L'affaire des Femen est symptomatique de l'état de santé de la Tunisie démocratique. Elle indique que notre pays est encore malade de la dictature; ce qui est assez normal eu égard à la durée de cette période et ses racines historiques. Celles-ci puisent dans une pensée unique qui s'est imposée dans l'imaginaire arabe musulman au nom d'une pensée supposée divine et à tort islamique comme il l'a été démontré.
Or, comme une pandémie, les dangers menaçant notre pays ne sauraient laisser de marbre l'Occident qui doit endiguer le glissement vers la dictature en agissant sur le seul levier de nature à protéger nos jeunes de l'endoctrinement auquel ils cèdent bien volontiers. Il est inévitable de leur reconnaître enfin le droit mérité à voyager librement, voir du pays afin de se libérer de leurs dogmatismes et leurs fausses vérités entretenues non seulement pas les prédicateurs bigots, mais aussi par l'arrogance et la cécité des Occidentaux, y compris à leurs propres intérêts.
L'état actuel du dialogue de sourds entre les deux rives de la Méditerranée est responsable de l'affaiblissement du corps social en Tunisie, ce qui le rend vulnérable à toutes les attaques et aux risques de complications. Pourtant, il n'est pas encore désespéré, grâce surtout à la maturité intrinsèque de l'esprit du peuple, riche d'une sagesse populaire, et à l'action d'une société civile mature. Aussi, cet état s'assimile donc davantage à une convalescence non dépourvue d'accès récurrents de fièvre qu'à une incapacité totale du corps et de l'esprit à agir et à réagir.
Amina et les Femen ont mis le doigt sur le point sensible de notre société, ce non-dit qui affleure à la conscience et qu'on refoule par confusion des valeurs et des sentiments. Et cela n'est pas propre à la Tunisie, la responsabilité des blocages et dérives actuels étant partagée de part et d'autre du bassin méditerranéen.
Ces femmes courageuses ont osé apporter la contradiction à ceux qui ont prétendu faire de ce refoulé une lecture biaisée et caricaturale, versant dans l'aberration la plus saugrenue. En cela, ils ont profité notamment du silence de leurs adversaires enchaînés par leurs contradictions, n'arrivant pas à savoir comment rester fidèles aux valeurs universelles des droits de l'Homme sans aller contre ce qu'ils croient à tort être une spécificité de la société tunisienne ou des sociétés européennes. Pour l'une, il s'agit d'un prétendu attachement traditionaliste à une vision rigoriste de la morale quand il ne s'agit que d'une fidélité à un trait identitaire. Pour les autres, il est question des exigences de la sécurité en Europe liées à cet illusoire contrôle des frontières et au non moins illusoire danger immigré. Car, dans les deux cas, il n'en est absolument rien.
D'un côté, pareille vision des choses ne traduit point l'état d'esprit populaire en Tunisie, mais juste une frange minoritaire hyperactive d'un islam institutionnalisé, n'ayant rien à voir avec l'islam populaire, bien plus majoritaire. Je le répète ici, et toutes les études sociologiques, ethnographiques et psychologiques le prouvent amplement, la société tunisienne n'est ni rigoriste ni traditionaliste; elle est juste loyaliste.
De même, la fermeture des frontières est contre-productive et exacerbe les appréhensions à l'égard de l'Occident, nourrissant les excès les plus divers entretenus pas la désinformation. C'est qu'outre la confusion, nous baignons en pleine terreur de l'affabulation.
Alors, que les démocrates de Tunisie et d'Occident saisissent l'occasion de ce jugement présenté comme celui de l’outrage public à la pudeur pour en faire plutôt et véritablement celui de tout outrage public aux droits de l'Homme, y compris celui de circuler librement dans un espace de démocratie à instaurer de part et d'autre de la Méditerranée.
Et si, à cette occasion, les Femen osaient ajouter au nom de la liberté qu'elles claironnent et au droit d'enlever le haut de leurs habits, celui de lever les frontières ? Elles n'auront assurément que plus d'écho, de sympathie et de soutien en Tunisie et bien au-delà !
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