La
mobilisation pour Weld 15 a payé; le procès en appel a lieu ce mardi 25 sous la
pression des militants des libertés. Mais qu'attendre de ce jugement en appel?
Bien sûr, la
libération de l'artiste rappeur injustement incarcéré et le dédommagement du
préjudice subi; mais pas seulement !
Les juges
d'appel se doivent de saisir cette occasion pour dire le droit; en
l'occurrence, le droit exige de déclarer les lois sur la base desquelles Weld
15 a été condamné illégitimes et désormais non susceptibles d'être appliquées
depuis la Révolution et l'abolition de la Constitution, norme supérieure de
l'ordonnancement juridique en Tunisie.
En effet,
le juge n'est pas une simple autorité chargée d'appliquer les lois; il est
aussi et surtout habilité à les interpréter et juger de leur applicabilité ou
non eu égard, non seulement à leur légalité, mais aussi à leur légitimité.
Et en sa
qualité de décideur impartial dont la mission est de rechercher la justice et de
veiller à son respect, il a aussi la mission de vérifier si la loi qu'il
applique est conforme à l'esprit et à la lettre de la Révolution qui est venue
déchoir la dictature.
Or,
l'arsenal juridique de cette dictature, notamment ses lois liberticides, est
resté en place et est toujours en vigueur. Il est donc non seulement immoral,
mais aussi illégal au juge de continuer à appliquer ces lois comme si de rien
n'était, comme s'il n'y a pas eu de révolution en Tunisie. D'autant plus qu'il
est censé rendre la justice au nom du peuple !
Le juge de
la Tunisie postrévolutionnaire est particulièrement tenu de rester au-dessus de
la mêlée politique qui cherche ostensiblement à préserver le cadre juridique de
l'ancienne dictature pour asseoir son pouvoir.
L'équipe
gouvernementale arrivée pouvoir à la suite de la Révolution avait pour première
obligation, outre la rédaction de la constitution, de remplacer les lois
opposées aux exigences de la Révolution en termes de libertés. Elles devaient les abolir ou édicter un moratoire à leur application ou
geler, pour le moins, les plus scélérates d'entre elles.
Or, comme
elle ne l'a pas fait, il est du devoir du juge de s'abstenir d'appliquer ces
lois contraires à l'éthique révolutionnaire et à son esprit.
Il est
donc impératif que nos juges saisissent aujourd'hui l'occasion du procès de
Weld 15 pour procéder à une évaluation objective, indépendante et impartiale
des lois actuellement en vigueur en matière des libertés. Et il importe qu'ils
disent le droit à leur sujet en veillant à être en conformité avec les
exigences de la Révolution, en précisant la façon dont le droit doit
s'appliquer en présence de ces lois contraires aux libertés de la dictature
déchue.
En leur qualité de
juges d'un pays révolutionnaire et de porte-parole d'un peuple qui a acquis sa
liberté à la force du poignet, ils se doivent de déclarer nul de
nullité absolue le jugement soumis en appel à leur appréciation.
Et ils se doivent
de déclarer, plus généralement, n'être pas en mesure de
dire la justice au vu d'un arsenal liberticide nul et non avenu, invitant le
législateur à décréter un moratoire formel à son application dans l'attente de
lois nouvelles garantissant l'une des revendications majeures de la Révolution
: le respect des libertés publiques en Tunisie.
Par une telle
déclaration solennelle affirmant qu'il est du devoir du juge de la Tunisie
Nouvelle de ne pas appliquer les lois contraires aux libertés devenues ipso
facto obsolètes depuis l'avènement de la Révolution, les juges de
l'affaire Weld 15 s'honoreront et honoreront la justice tunisienne.
Ainsi
mettront-ils devant leurs responsabilités les politiques tentés par un retour à
la dictature et aideront à sauver la Révolution d'une dangereuse dérive vers un
passé honni !
Publié sur Leaders