Les dernières nouvelles en
provenance de l'Assemblée Nationale Constituante nous apprennent que le parti
majoritaire ne veut pas se départir de sa tendance hégémonique et sa tentation
de phagocyter la Révolution en se dotant des pleins pouvoirs pour la rédaction
finale de la Constitution.
En effet, l'ultime
trouvaille du jour émanant de ce parti sous forme d'amendement à l'article 104
du Règlement interne de l'Assemblée Constituante se base sur le prétexte
fallacieux d'éviter des débats interminables et un retard plus grand pour
l'adoption de la Constitution. Aussi propose-t-il, tout bonnement, de donner à
EnNahdha le dernier mot dans la rédaction de la Constitution à travers la Commission
prévue par cet article. C'est tout simplement un coup d'État juridique que
toute bonne conscience démocratique se doit de dénoncer et ne pas s'y plier.
Peu importe que la rédaction
de la Constitution dure encore si c'est pour respecter la démocratie et la
sauvegarder en ce pays. D'ailleurs, le président de la République l'a dit dès
le départ sans avoir été écouté par personne : une constitution n'est pas un
jeu de gamins et sa rédaction peut et doit prendre des années, surtout si on
veut en faire un modèle du genre. Or, c'est ce que veut la Tunisie et ce qu'exige
son peuple !
Aussi, il est temps de
cesser la comédie et d'oser aller à l'essentiel. Qu'est-ce à dire sinon que de
se concentrer instamment sur le code électoral et la finalisation de la mise en
place de l'Instance indépendante des élections ?
Au lieu d'imaginer des
textes vicieux cachant une intention malicieuse, le mieux est de plancher sur
une formulation juridique judicieuse capable de sortir le pays de l'impasse
actuelle, lui permettant de différer l'adoption de la Constitution après la
finalisation des préparatifs des échéances majeures que sont les élections
futures et leur cadre quitte à ce que l'adoption de la constitution se fasse en
même temps ou dans la foulée de ces élections.
Juridiquement, cela est
possible du moment que le principe est désormais acquis sur la nature du régime
et le mode d'élection du président de la République. Rien n'empêche donc de
s'attaquer à la lourde charge de doter le pays, et ce toutes affaires cessantes,
d'une loi électorale et de mettre en fonctionnement l'Instance concernée pour
la mise en oeuvre du long processus électoral.
Après, et seulement après et
en parallèle à la mise en marche du long dispositif électoral, il sera possible
de revenir sereinement et en toute quiétude à la Constitution pour ne pas
bâcler ce texte majeur ni le faire aux couleurs d'une formation politique et
sous son exclusif diktat.
De fait, il n'est aucun
empêchement juridique sérieux pour s'opposer à pareil chamboulement de l'ordre
de marche du pays vers la démocratie si l'intention politique est pure, dénuée
d'arrière-pensées partisanes et idéologiques.
Lançons donc au plus vite le
processus électoral et arrêtons de faire de l'achèvement de la rédaction un
préalable opportun pour lancer des initiatives machiavéliques et
antidémocratiques du genre de celle à laquelle on assiste actuellement à l'ANC.
Il y va de la crédibilité de notre classe politique et de l'avenir démocratique
du pays.
Disons-le encore
courageusement, quitte à donner raison après coup au président Marzouki qui a
été le seul clairvoyant en la matière : oui, l'adoption de la Constitution peut
être légalement différée pour l'intérêt du pays ! Non, l'adoption d'un code
électoral et la mise en œuvre de la procédure des élections ne peuvent plus
tarder même en dehors d'une constitution définitivement votée !
Si on agit de la sorte, la
rédaction de la Constitution sera reprise en parallèle à la mise en place et à
l'organisation des élections présidentielle et législatives; et elle sera
adoptée juste avant, en même temps ou dans la foulée de l'une ou l'autre de ces
élections ou des deux à la fois.
Rien ne s'y oppose au non du
pur droit, neutre à toute manipulation utilitariste, si la bonne volonté
démocratique n'est pas absente. L'est-elle ou ne l'est-elle pas? S'adonne-t-on
en Tunisie à l'orée de la troisième année de sa révolution et sous les couleurs
de la politique à du noble art ou juste à de l'opéra-bouffe?
Être ou ne pas être
démocratique, c'est bien la question du jour en Tunisie en ce début de l'année
2013 !
Publié sur Leaders