Quel islam pour la Tunisie Nouvelle République ?
En ce moment que je crois historique, au sens où tout y est possible, le meilleur comme le pire, j'ose espérer toujours que le meilleur finira par l'emporter. Aussi, je me permets aujourd'hui de revenir sur l'islam que j'appelle de mes vœux pour notre pays. Or, pour être clair et précis et évacuer de suite faux sens et contresens, rappelons ce qu'est véritablement l'islam en un temps où l'on mélange consciemment ou inconsciemment un peu de vrai avec beaucoup de fausseté pour soutenir l'insoutenable, soit pour tromper soit, ce qui est bien pis, pour se tromper. Car, souvent, nos jugements, même ceux que nous croyons objectifs, sont le conditionnement d'un formatage issu du long règne de la Modernité occidentale désormais défunte, ayant laissé la place à la postmodernité, une ère plus conviviale, moins dogmatique et surtout plus respectueuse de la valeur humaine dans ses différentes manifestations.
Qu'est-ce l'islam?
L'islam est d'abord la déférence à Dieu qui est absolu en son unité et infini dans sa miséricorde. Et en cela, Dieu ne délègue rien à ses créatures lesquelles, malgré leur signe distinctif qui est la raison, demeurent bien loin de comprendre l'infinie sagesse divine. Aussi, dans sa religion révélée à Mohamed et qui fut son ultime Testament aux humains, Dieu a-t-il délivré aux hommes un message à la fois de foi, pour gérer leur vie spirituelle, et de politique pour gérer leur cité. Développé graduellement et selon une méthode rationaliste et une éloquence incomparables, ce message ne se réduit pas à son texte, mais emporte aussi un esprit élevé transcendant la forme.
Ne pas croire à ce qui précède revient tout simplement à dénier à l'islam sa caractéristique majeure qui est d'être révolutionnaire pour tout temps et tout lieu, éternel en somme. Or, comme pour l'âme humaine, cette éternité concerne l'esprit et non la lettre qui périt comme périt le corps humain. C'est ce que j'appelle aujourd'hui l'islam postmoderne.
Qu'est-ce la postmodernité?
Mais cette postmodernité, quèsaco ? C'est l'échec des récits classiques fondateurs de l'humanité ayant tout sacrifié pour la prééminence de l'homme et de l'esprit scientifique au sens de pure technologie évacuant l'âme et la spiritualité pour les jeter aux oubliettes. C'est un retour en force aux valeurs les plus éminentes de la tradition, notamment religieuse, dont l'exécution par la modernité à conduit à un désenchantement du monde. Or, il s'agit aujourd'hui de réenchanter ce monde avec la postmodernité qui renoue, pour ce qui est de l'islam, avec sa modernité anticipée que je qualifie par le néologisme de rétromodernité.
Aussi, un islam postmoderne est une religion, la plus humaniste qui soit et la plus pure dans la consécration de l'absoluité de l'unicité divine. Cela entraîne des conséquences que l'islam des origines a consacrées et que la tradition a négligées sinon occultées dans un effort soutenu pour faire relever l'islam de la tradition monothéiste telle que consacrée par les autres religions abrahamiques, certes plus anciennes, mais pas nécessairement plus fidèles au message divin initial.
Cela est évident dans le calque fait par rapport à des questions relatives au sexe par exemple, qui n'est nullement tabou ni dévalorisé dans l'islam pur, et aux libertés en général, jamais aussi protégées dans une religion comme en islam, si on lit objectivement le coran et la tradition authentifiée du prophète.
Sur ces derniers points, je m'expliquerai plus loin; mais disons, tout de suite, que si l'islam consacre un retour pur à la tradition d'Abraham, il se positionne comme l'ultime Testament divin, le message du prophète arabe étant le dernier message de Dieu, et donc un message valable pour toute l'humanité et pour toute époque. C'est pour cela qu'il se résume, d'après moi, en ses deux principes essentiels que sont son universalité et sa rationalité.
L'islam est universel :
Le premier principe lui fait confirmer toutes les révélations précédentes, mais cette confirmation ne recouvre pas l'acception qui a prévalu de par l'histoire, en opposition avec le sens qui était le sien au départ de la Révélation. En effet, celle-ci est une acception sans condition ni limitation, en ce sens que le vrai musulman accepte le chrétien et le juif, en tant que croyants, dans la spécificité de leur foi qui est, certes, à un degré moindre de la foi absolue en Dieu unique créateur de l'univers dont la conception parfaite et complète est traduite par l'islam. Toutefois, ce degré reste un degré respectable et respecté, relevant du niveau de la croyance en Dieu, niveau basique, alors que le niveau élevé est celui de l'islam, un niveau de pure exhaustivité et non de moindre valeur.
Notons, toutefois, que cette hiérarchisation, comme toute vérité dans la pensée qu'on dit contradictorielle de rigueur en postmodernité, et qui suppose que les contraires sont loin de s'opposer mais se complètent, n'est pas figée et suppose tout autant le contraire, en ce sens que la foi en un Dieu unique, quelle que soit sa déclinaison, peut être classée au-dessus de la foi spécifique musulmane lorsque l'islam est pris moins comme culture que comme culte, moins comme esprit que comme rite. Alors, c'est la foi en Dieu, forcément universelle, qui est alors supérieure à la fois en Dieu islamique qui n'est alors qu'un degré moindre de la foi, et cela est attesté par le prophète lui-même.
Ne voit-on pas, d'ailleurs, chez les premiers musulmans que le croyant musulman pouvait valablement prier dans une synagogue ou une église et que le chrétien et le juif n'étaient pas interdits de la maison d'Allah, maison ouverte à tout croyant qu'est la mosquée ou masjid, pour employer le terme le plus adéquat. Certes, il y a eu restrictions de par l'histoire, mais elles ne le furent pas en conformité avec l'islam pur, celui vers lequel revient l'islam postmoderne que j'appelle de mes vœux en ce pays.
L'islam est rationaliste :
Le deuxième principe fondamental de l'islam est la rationalité de cette foi qui apparaît aussi bien dans sa dimension de religion que de politique. Et cette rationalité est incarnée par son esprit de scientificité qui est conforme à celle de notre temps postmoderne actuel, qui est de s'adapter aux contingences par un texte suffisamment contraignant tout en demeurant ouvert aux évolutions que suppose et commande la nature humaine. De cette évolution, on doit toujours tenir compte en revenant à l'esprit — immuable lui — de l'islam, un esprit à jamais révolutionnaire et de progrès, un esprit qui prime la forme textuelle, car si le texte est contraignant, l'esprit l'est encore plus; et si le texte commande, c'est en conformité à l'esprit le régissant ; aussi, s'il contredit cet esprit, il se décommande ipso facto.
D'où l'intérêt pour le musulman de nos jours de renouer avec l'islam pur des origines qui était moins soucieux d'interroger le texte et sa formulation que son esprit et sa motivation. En cela, il sera en conformité avec l'esprit scientifique postmoderne qui est rationnel dans le sens où il ne peut jamais être irrationnel, la non-rationalité de la modernité étant, en postmodernité, une rationalité autre, différente.
Pour revenir présentement aux aspects de détail où l'islam a été défiguré ou caricaturé, aussi bien par ses ennemis que par ses supposés défenseurs, je ne citerai en illustration que deux cas d'actualité, en choisissant intentionnellement et dans une optique paroxystique chère à la sociologie compréhensive les questions que sont l'homosexualité ou homosensualité, terme qui a ma préférence, et l'athéisme, qui peuvent constituer un test fiable pour l'adhésion véritable des uns et des autres aux valeurs démocratiques. En effet, rejeter l'homosexuel (ou disons plutôt l'homosensuel) et l'athée, aujourd'hui, c'est ne pas être démocrate. Un point c'est tout.
L'homosensualité n'est pas interdite par l'islam !
Et tout d'abord, parlons de l'homosensualité (terme que je propose donc de substituer à l'homosexualité qui est par trop connoté sexuellement), pour dire qu'en islam, elle ne fait l'objet de nul interdit. Je mets ainsi au défi tout vrai croyant de me trouver un seul texte du Coran, référence absolue en la matière, qui soit clair, direct et sans nulle ambiguïté pour illustrer le supposé anathème jeté sur cette pratique comme c'est le cas dans la Bible, par exemple. Ainsi, à l'encontre de cette dernière, il n'existe aucun commandement direct dans le Coran concernant l'homosexualité qui a été et est toujours répandue dans les couches populaires et, contre toute apparence, bien admise par la mentalité arabe. En effet, le sexe est loin d'être un tabou pour l'Arabe, et il est même perçu comme un tout indissoluble, impliquant son assomption sous toutes ses formes et sans restriction, dans cette tension extrême de l'Arabe vers une liberté se vivant à l'extrême.
En cela, comme en tant d'autres aspects sociologiques, l'islam des origines a su demeurer en phase avec la convivialité orientale où la sensualité transcende les sexes, là même où la tradition judéo-chrétienne a tout fait pour en tuer les moindres manifestations.
C'est à cette pureté que les salafis d'aujourd'hui cherchent à revenir sans savoir le faire, car en méconnaissant les scrupules et le discernement de leur propre chef de file, ils se trompent sur la réalité de l'esprit des origines, se fourvoyant entre une illusoire forme et un fond véritable.
Certes, on pourra toujours arguer de pratiques ou de dires du prophète. Mais, là non plus, nul argument n'est pertinent. Et d'abord, rappelons que nombre de critiques ignobles visant Mohamed étaient basées sur une caricature de sa vie privée en le présentant comme un être sensuel sinon licencieux au temps où il était de bon temps, en chrétienté, d'être rigoriste. Ensuite, pour la tradition du prophète, il faut d'abord s'en tenir aux seuls dires avérés, et surtout ne pas négliger les avis opinions, et commentaires autorisés de quelques sommités de jurisconsultes allant dans le sens de ce que je rappelle ici, s'agissant de la liberté sexuelle totale en islam, mais qui furent ignorés à la faveur de la dictature de la pensée unique.
Pour ne pas alourdir inutilement cet article, je ne donnerai pas et à dessein d'exemples — et ils sont nombreux — en appui de ce que j'affirme. Tout vrai et surtout honnête musulman les connaît et est en mesure de les produire; sinon, on peut les retrouver soi-même moyennant une recherche sérieuse dans les incunables de notre riche patrimoine, y compris le plus spécialisé en questions de religion.
Toutefois, je me permettrai de renvoyer à la position récente en la matière du théologien Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux qui confirme que ni le Coran ni la tradition du prophète ne prévoient ni ne réservent une sanction quelconque à l'homosexualité. Certes, il maintient que moralement la pratique sexuelle reste réprouvée dans ces deux sources majeures de l'islam, affirmant que l'homosexualité reste une faute morale, un péché, mais en cela il ne relève plus que de l'ordre de l'interprétation qui est faillible contrairement aux textes formels, car étant de l'ordre de la pensée humaine.
Rappelons, par ailleurs, que malgré les textes formels de la Bible sanctionnant la pratique homosexuelle, le Christ n'a pas hésité à généraliser la commission du péché à tous les humains, facilitant du coup la levée du discrédit jeté sur pareille pratique. Or, en matière de péché, l'islam est encore plus magnanime que le christianisme, la miséricorde d'Allah n'ayant aucune limite.
Enfin, pour ce qui me concerne, en sociologue du fait religieux, je prétends que c'est moins le péché qui prime en islam que sa rémission; et toute pratique moralement réprouvée à une époque donnée doit, selon l'esprit même de justice et d'équité de la religion, être reconsidérée dans ses fondements pour vérifier que le discrédit qu'elle encourait n'a pas disparu au vu des connaissances humaines nouvelles et ce en strict rapport avec l'intention vraie et l'esprit des textes religieux.
Je ne m'étendrai pas plus ici sur la question. Mais j'y reviendrai dans une autre contribution en préparation en français ainsi que dans une série d'articles détaillés en arabe pour être exhaustif en cette matière sensible à l'aune de laquelle — et je tiens à le répéter — se mesurera demain, entre autres, notre rapport réel aux valeurs d'une démocratie qui se respecte.
L'athéisme n'est pas incompatible avec l'islam !
Pour ce qui est de l'athéisme, il est pareillement admis en islam pur que la foi musulmane dans le Coran est une soumission à Dieu ne devant s'imposer à quiconque que par la raison. Aussi, à l'exception du cas où il se trouverait l'objet d'attaque avérée le menaçant dans sa croyance et sa vie, le vrai musulman ne pratiquera de prosélytisme que par l'exemple, et c'est le vrai Jihad, car le plus grand ! Quant au petit Jihad qui a eu besoin en son temps du glaive, s'il s'était imposé en une époque qui était celle d'une cruauté effrénée, il a été pratiqué avec des précautions de légalité absolue et une vigilance extrême quant au respect des droits de l'Homme. Rappelons encore qu'en ces âges d'obscurité, pareille thématique n'existait nulle part sinon en terre islamique.
Dans ce cadre, notons aussi que contrairement à une pratique qui s'est imposée de par l'histoire, mais qui ne résume ni ne représente nullement le vrai islam, aucun texte coranique ne punit l'apostasie, Dieu demeurant dans tous les cas le seul et le mieux placé pour juger des actes de ses créatures, et en cela il reste le juge suprême clément et miséricordieux.
De fait, l'islam est plus qu'une simple religion, c'est par excellence une théodicée, tous ses préceptes et commandements, toutes ses interdictions et sanctions étant invariablement balancés par l'appel régulier à la magnanimité, de la part des hommes, et à leur tolérance et par un rappel constant de la miséricorde divine dont nul vrai musulman ne doit jamais désespérer quel que puisse être son forfait à l'égard de son semblable et encore plus son péché à l'égard de son créateur (même si certains des plus libéraux des jurisconsultes musulmans cherchent à limiter cette vérité ontologique de l'islam par l'exclusion du péché de non-reconnaissance de l'unicité divine).
Pareillement à la question précédente, nous reviendrons sur cet aspect de l'islam dans ce qui est annoncé ci-dessus.
Être musulman ou crypto-judéo-chrétien :
Il est avéré aujourd'hui que la pratique extrémiste actuelle au nom de pureté islamique ne fait que mimer, sinon singer, une tradition absolument étrangère au vrai islam, aussi bien en termes d'homosexualité (ou homosensualité donc, de préférence) que d'apostasie, pour nous limiter à nos deux exemples; et les musulmans qui en sont venus à reprendre ces pratiques désormais déconsidérées par leurs adeptes initiaux se retrouvent en porte-à-faux par apport à leur belle religion tout en en donnant la plus mauvaise image.
C'est celle justement que les ennemis de l'islam se sont évertués à travers l'histoire à faire admettre et qui, n'ayant pas réussi par eux-mêmes, se trouvent ravis aujourd'hui de voir les musulmans faire le sale boulot pour eux. Jusqu'à quand donc durera une telle mascarade? Jusqu'à quand l'islam continuera-t-il à être desservi par ceux-là mêmes qui sont censés le servir? Passe encore que ceux qui ont changé de peau parmi les musulmans par héritage critiquent leur religion avec une grille de lecture biaisée formatée en Occident; mais comment accepter de retrouver la même énormité dans la fausseté de la part de complices inattendus se prétendant fidèles à l'esprit et à la lettre d'une religion qu'ils sont censés défendre?
Or comment servira-t-on vraiment cette foi sinon en reconnaissant qu'elle est avant tout tolérante et humaniste, universaliste et rationaliste, valable en tout temps et en tout lieu; tout simplement postmoderniste? Sinon, on ne sera, au mieux, qu'un crypto-judéo-chrétien; car tout comme les critiques anticléricaux de l'islam qui ne sont que les contempteurs du fait religieux en Occident, c'est moins de l'islam vrai que de la religion judaïque et chrétienne que se réclament sans s'en rendre compte nos extrémistes islamistes !
Ainsi, que fait le cheikh Ghannouchi qui nous a pourtant habitués à son sens de la finesse, quand il justifie l'injustifiable par la référence à la tare des démocraties occidentales qu'est la criminalisation de toute interrogation iconoclaste, même d'un pur point historique, sur la Shoah? Ne fait-il rien de moins qu'imiter les penseurs sionistes dans leurs efforts obscurantistes de contrarier la recherche de la vérité? C'est ce qu'ils ont réussi de faire pour cette horreur de l'histoire moderne dont la gravité et le sérieux ne méritaient pas d'en faire un traitement similaire aux purs mythes : une vérité qu'on impose et qui ne suppose aucun débat.
Et c'est ce qu'ils continuent de faire avec l'accréditation du mythe des racines orientales d'un mythique peuple juif alors qu'il est avéré que celles-ci se situent en Europe orientale, ce qui vide de tout sens leur fonds de commerce bâti tout entier sur l'antisémitisme dont relève, pour de vrai, la politique israélienne en Palestine puisqu'elle s'attaque aux vrais Sémites, y compris — ô ironie de l'histoire ! — les vrais juifs restés sur place même s'ils sont devenus arabes au cours de l'histoire.
J'aurais certainement l'occasion de revenir aussi sur cette délicate question dans le cadre d'un requiem à faire à la mythologie de la modernité défunte; mais d'ores et déjà on peut se référer avec intérêt aux deux ouvrages sérieux et documentés sur la question qui sont, de plus, ceux d'auteurs qu'on ne peut accuser d'être antisémites, j'ai voulu parler du classique : La treizième tribu d'Arthur Kostler (Calmann-Lévy, 1976, repris chez Pocket) et du plus récent sur la même question, celui de Shlomo Sand : Comment le peuple juif fut inventé (Fayard, 2008).
Alors, jusqu'à quand continuer de nous déterminer par rapport aux autres, quitte à les imiter dans leurs défauts les plus aberrants? Ce faisant, nous ne faisons ni honneur à notre religion ni ne la défendons, car on l'abaisse au niveau de la pratique des autres religions alors que l'islam en tant que sceau des prophéties est au-dessus de pareille bassesse, sa sublimité en faisant un message respectueux de toutes les valeurs humaines universelles, tolérant et accueillant pour toutes et tous, y compris les pécheurs. Car nous le sommes tous à un degré ou un autre en ce bas monde, ne nous distinguant que par le sérieux et la continuité de notre action pour nous améliorer, nous purifier comme a su le professer assez tôt le soufisme originel.
En maltraitant ainsi notre islam, nous n'en faisons qu'un islam de verre, bien fragile ne se souciant guère de ce qu'il peut receler à l'intérieur pour peu que le verre brille. Mon islam à moi se veut brillant, mais non pas à l'image d'un verre, plutôt d'un soleil au zénith.
C'est l'islam postmoderne que la Tunisie Nouvelle République saura faire admettre à ses vrais et faux adeptes, ses amis et ennemis, grâce à l'intelligence de ses enfants et la maturité de son peuple. Ce sera la manifestation du génie tunisien qui n'est pas une simple facilité de langage, une formule laudative ou une simple illusion. De cela, l'histoire témoignera.
Bien évidemment, les deux exemples pris ici ne résument point cet islam postmoderne qui ne se réduit évidemment pas aux questions de sexualité et de foi. Toutefois, celles-ci ont l'avantage de donner à voir autrement, par une sorte de raccourci saisissant, cet islam qui n'a jamais été autant d'actualité qu'aujourd'hui.
Nous aurons l'occasion de brosser de l'islam postmoderne un tableau synthétique et plus complet, mais notons d'ores et déjà que si cette religion dérange la conscience mondiale aujourd'hui (à l'exclusion des minorités éclairées osant inviter à des manifestations de « Muslim pride », proposées notamment par le professeur Raphaël Liogier, directeur de l'Observatoire du religieux à Aix-en-Provence), c'est bien moins pour cause des agissements de ses groupuscules extrémistes, infiltrés et manipulés par leurs propres ennemis, que du fait de la prétention de l'islam à se réaliser pleinement en future religion unique de l'humanité, contribuant à réenchanter le monde qui, depuis qu'il a cessé de croire, est en plein désenchantement.
Le salafisme authentique d'aujourd'hui est le soufisme!
Le salafisme, tel que la vie et l'œuvre de son maître spirituel Ibn Taymia le démontre assez, est un retour aux sources de l'islam, son essence même. Or, si cela a été possible de son temps par le retour à la lettre du coran, aujourd'hui la lettre du coran ne suffit plus, car le sens vrai de l'islam est défini par l'esprit qu'emporte le texte coranique au-delà de sa lettre que la tradition a enserrée dans un carcan qui, aujourd'hui, dénature l'esprit révolutionnaire de l'islam, en faisant une religion conservatrice, et bien pis, rétrograde!
Or, du temps même d'Ibn Hanbal, le maître incontesté d'Ibn Taymia, des jurisconsultes réputés forçaient son respect et son admiration et ils étaient tous des sommités du soufisme originel, cet islam spirituel respectueux des préceptes fondamentaux du Coran et de la tradition du prophète à la lumière et selon leur esprit.
La référence incontestée du salafisme qu'est Ibn Taymia reconnaissait lui-même la valeur des vrais soufis de son temps, les soufis de la vérité comme il les appelait
Aussi, dans la confusion que connaît aujourd'hui le mouvement salafi, ses excès l'éloignant de l'esprit, et même de la lettre, du combat de leur mentor et leur faisant jouer singulièrement, dans le pervertissement du vrai islam, le rôle que jouaient les faux soufis qu'Ibn Taymia combattit vigoureusement, c'est bien aujourd'hui le soufisme qui est le vrai salafisme. En effet, dans son sens de retour à l'esprit authentique de notre religion, cet esprit de tolérance et d'humanisme qui en fait la dernière religion, universelle et œcuménique, c'est bien le soufi des origines que le salafi d'aujourd'hui qui l'incarne.
Mais nous aurons l'occasion de revenir plus exhaustivement sur cette question dans notre plus prochain article dans la langue du Coran.
Publié sur Nawaat