Les bonnes intentions du Président et leurs implications
Dans une interview accordée au magazine Paris Match, apparemment plus destinée à un public étranger qu’autochtone, le président Béji Caïd Essebsi a rappelé l’importance de la situation économique pour éradiquer le terrorisme qui recrute auprès des plus miséreux, exploitant à son profit l’exclusion sociale.
Se réclamant de Saint Thomas d’Aquin, il plaide pour un minimum de bien-être pour pouvoir pratiquer la vertu, car sinon la vertu se transforme en vice.
Assurément, de tels propos sont bienvenus, mais ils n’empêchent de penser qu’ils ne semblent relever encore que de la pure incantation.
Le ver est dans le fruit
En effet, ils ne s’attaquent pas aux vraies sources du malaise en Tunisie qui fait se dresser une large part de la société contre l’État, alimentant une défiance qui ne peut que se révéler complice avec le terrorisme.
Surtout quand on a encore, dans certaines de nos élites politiques, des zélateurs d’une lecture rétrograde de l’islam. Or, ces derniers se recrutent même dans les rangs du gouvernement puisqu’ils appartiennent à un parti de la coalition au pouvoir.
Même une telle démarche de sa part n’y suffira pas, car le ver est dans le fruit. Ce ver est l’arsenal juridique répressif qui est toujours en vigueur et qui cible surtout les jeunes, émasculant leurs élans à la liberté.
Certes, M. Caïd Essebsi a raison de dire que « lorsque les gens retrouveront espoir, l’islam radical se résorbera ». Mais comment retrouveront-ils l’espoir ? Certainement pas en leur disant que « jamais la Tunisie ne sera gouvernée par la charia » !
Aussi, il serait bien plus crédible en affirmant que la Tunisie peut parfaitement s’inspirer de la charia, mais la vraie et non celle qui est issue de la tradition judéo-chrétienne, dont nous avons des aspects dans notre religion et qui est incarnée par nos intégristes, à l’image de l’État fantoche de Daech qui en donne l’exemple paroxystique.
C’est en rouvrant au plus vite la voie au renouvellement de notre lecture de la jurisprudence musulmane que l’on sera à la fois méthodique, réaliste et efficace. D’autant plus que la Tunisie ne manque pas de penseurs qui ne sont pas nécessairement obnubilés par l’exemple occidental laïque ayant épuisé ses vertus. En effet, ils pratiquent une saine lecture de l’islam qui est révolutionnaire dans le cadre d’un enracinement dynamique, un islam de son temps, donc postmoderne.
Les obligations de l’Occident
Par ailleurs, comment la Tunisie peut-elle réaliser en un temps record le bien-être souhaité ? C’est mathématiquement impossible, même si l’Occident se décide à se résoudre à ce qui relèverait du miracle : l’effacement de la dette de la Tunisie.
La liberté à octroyer à la jeunesse tunisienne aujourd’hui est de leur rendre leurs droits en abolissant toutes les lois scélérates de la dictature. Et elle est aussi de leur permettre de circuler librement dans le monde sous vis biométrique de circulation.
Car on sait parfaitement qu’on peut manquer de manger, vivre miséreux, mais s’estimer heureux, car on dispose de liberté et de dignité.
Si Monsieur Essebsi se donne pour objectif que « les Tunisiens se sentent de nouveau bien dans leur pays. Qu’ils ne cherchent plus à le quitter, soit pour aller se battre, soit pour émigrer en Europe », il sait ce qu’il lui reste à faire : demander à sa diplomatie d’être plus agressive à l’égard de ses partenaires d’Occident et à ses ministres du culte d’ouvrir au plus vite le chantier de la réforme religieuse.
Ainsi la Tunisie sera-t-elle dans les plus brefs délais ce havre de démocratie et de paix, dont il parle.
Publié sur Leaders puis censuré