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lundi 8 février 2021

Espace francophone de démocratie 6

Francophonie, arabisation et visa francophone de circulation

 

 

Bien que la date du sommet du cinquantenaire de la francophonie ait été arrêtée (21 et 22 novembre) et le nouveau lieu après Tunis confirmé (Djerba), rien de sérieux ne semble se faire encore pour une réussite historique de ce sommet, au diapason des attentes. Du côté de l'OIF (Organisation internationale de la francophonie), on ne se fait pas d'illusions : la Tunisie n'est plus le fervent promoteur de la francophonie assimilée même chez d'aucuns, chez nous, à une entreprise impérialiste (sic) à contrarier !

Guerre larvée malvenue

On le vérifie bien avec le retard inexplicable et inexpliqué de l'ouverture du bureau régional à Tunis de la Francophonie pour l’Afrique du Nord. Pourtant, après le vote de la loi y relative, un siège est prêt depuis un temps. Rappelons que la création dudit bureau est intervenue à l'occasion du sommet francophone d'Erevan en Arménie, en 2018, décidant sa création ainsi que celui de Beyrouth, venant renforcer les 6 bureaux régionaux déjà existants. L'accord y relatif a été signé l'année suivante lors de la visite à Tunis de la nouvelle secrétaire générale, et approuvé par une loi organique tunisienne n° 2020-31 du 14 juillet 2020, dûment promulguée. Pourtant, à ce jour, le local dédié au bureau, sis dans le quartier d’El Manar, avenue Abdelaziz-Al Saoud, a gardé ses portes closes. Or, la directrice pour ce bureau, Madame Haoua Acyl*, ancienne ministre tchadienne, a bien été nommée par l'OIF et elle n'a toujours pas pris ses fonctions !

Du côté de la Francophonie, on estime que la Tunisie, bien que membre fondateur du mouvement, très actif à ses débuts, n'est plus ce qu'elle était avec de nouveaux dirigeants cédant à la rhétorique du conflit des cultures, opposant à la francophonie la nécessité de l'arabisation. Ce qui revient à relever de la confusion des genres, la légitime arabisation ne devant pas signifier ostracisme culturel, surtout pas pour une langue se voulant universelle, ayant ses racines dans un pays dont l'ouverture au monde, sa condition ontologique, est renforcée par la diglossie, et même « pluriglossie », de son peuple. 

Il n'empêche que l'arabisation, dans certains milieux du pouvoir en Tunisie comme ailleurs au Maghreb, est érigée aujourd'hui en arme idéologique. Et elle arbore même les atours d'une guerre larvée que certains intérêts, de part et d'autre, tiennent à entretenir ; ainsi, au Maroc où l'on a récemment opté pour le français en langue d'enseignement des matières techniques et scientifiques. Assurément, cela revêt une importance idéologique capitale dans un pays où le secteur de l'éducation est sinistré du fait de la valse idéologique et surtout politique incessante entre arabisation et francisation depuis l'indépendance ; ce qui n'est guère différent du cas tunisien. 

Éviter le néocolonialisme culturel

En termes psychologiques, sauf à être un choix offert aux élèves parmi d'autres options portant sur les langues notamment nationales, l'option d'enseigner en français est périlleuse. Outre de stigmatiser l'arabe comme incapable de modernité, elle aggrave une sorte de néocolonialisme mental qui menace les pays du Maghreb livrés, plus que jamais, aux forces capitalistes d'un néolibéralisme triomphant, voulant en faire juste de juteux marchés.

S'agissant du choix marocain, la ficelle du prétexte des autorités est par trop grosse, car s'il y a une langue appropriée à la science et à la technique, c'est bien l'anglais, non le français ! Pourquoi alors faire le choix d'un idiome assez dépassé à l'échelle internationale, aux titres de noblesse s'illustrant plus dans le domaine des humanités que la technologie ? En cela, le français n'est-il pas à ranger à la même enseigne que l'arabe ?

C'est bien un choix idéologique, et le passé colonial n'y est pas pour peu de choses. Or, justement, en se référant à de tels liens et comme tout ancien protectorat ou colonie de la France, le Maroc a le devoir de lui demander la contrepartie de pareil attachement au français, qui est de haute teneur politique, le français n'étant plus la première langue du monde pour imposer sa stature d'office. L'éthique le mande et le commande ; car un peuple qui renie sa langue maternelle (c'est le cas aussi de tamazight, la langue amazighe du Maghreb, au Maroc notamment) ou n'encourage pas sa revitalisation (c'est valable pour l'arabe) est tel un arbre qui n'a plus de racines ; fatalement il meurt ! Il suffit pour s'en rendre compte de voir l'état lamentable de l'arabe littéraire chez nous.

Ce n'est donc pas le français qui sauvera le Maghrébin, mais l'enracinement de ce dernier dans ses traditions et sa culture d'abord, à la fois berbère et arabe, afin de pouvoir ensuite s'ouvrir en position de force aux autres cultures, en tirer sainement profit. C'est ce qu'on appelle un enracinement dynamique.

En remportant la bataille de l'enseignement dans ses anciennes colonies, la France doit donc en payer le prix ; faut-il que nos pays l'exigent ! Ils ne l'osent pourtant pas alors que la morale politique et la logique culturelle l'exigent. Et si la Tunisie d'aujourd'hui se permet de ruer dans les brancards, elle ne le fait que sur le mode — modéré, biaisé ou détourné — de l'incantation, comme en traînant les pieds ou en se détournant d'un mouvement qu'elle a contribué à créer. Ne l'a-t-on pas vue, il n'y a pas si longtemps, aller jusqu'à cette extrémité de refuser d'en assumer le secrétariat général ? 

Contrer le terrorisme mental

Les choses étant ce qu'elles sont, et un véritable terrorisme mental figurant parmi les motivations amenant certains à faire le choix du français contre l'arabe, il importe — afin d'être crédible pour le moins — d'aller jusqu'au bout de cette logique.

En effet, on sait que le terrorisme — qui est tout autant physique que mental — prospère chez les jeunes maghrébins (les Tunisiens y étant même les plus nombreux) ainsi que chez les moins, jeunes, et ce du fait de la condition qui leur est faite par la fermeture des frontières occidentales.

Se sentant rejetés par l'Occident, ils le rejettent à leur tour, et ils le font à la mesure du dépit qu'ils nourrissent. Or, étant amoureux, un tel dépit est immense, versant dans une sauvagerie sans limites, ainsi que l'illustre l'horreur absolue qu'est Daech.

Pourtant, il n'est plus besoin de démontrer la vertu de la libre circulation sur les esprits et les moeurs des jeunes ; c'est  même le meilleur antidote, le plus efficace contre la radicalisation et le désir de courir l'aventure ! Certes, on pourrait rétorquer que les jeunes d'origine maghrébine ayant la nationalité étrangère ne sont pas privés de libre circulation, ce qui ne les retient nullement de céder à la tentation terroriste. C'est un argument spécieux pour qui connaît la loi sociologique de la meute et l'importance du sentiment grégaire. On réagit inconsciemment selon l'odeur des membres de la meute qu'est la communauté ; et cette odeur, pour un jeune Maghrébin, est la condition faite aux siens en deçà de la Méditerranée, n'ayant pas la nationalité européenne. Une telle stigmatisation, même si elle ne touche pas directement les Maghrébins de nationalité française, ou toute autre nationalité européenne, ne les affecte pas moins. L'impact est alors d'autant plus important qu'ils souffrent aussi, quoiqu'indirectement, de cette même stigmatisation. Et on sait à quel degré de gravité atteint dans une psychologie communautaire  l'injustice faite à un seul membre de la communauté.

De plus, ce n'est pas l'esprit communautaire, partout partagé, qu'il faut vilipender, mais ce qu'il recouvre. Au lieu qu'il soit une fermeture dans un quant-à-soi, il importe d'en faire une ouverture sur autrui, ce que je nomme « communautarité » que je retrouve dans l'esprit originel de la foi d'islam. Et la francophonie pourrait constituer une telle communauté si son aire renoue enfin avec son ambition solidaire d'origine, se transformant en aire de libre circulation. 

Meilleure façon de servir le français

La parole de vérité, impérative en cette politique éthique à laquelle on appelle désormais de plus en plus (je la nomme pour ma part, depuis longtemps, poléthqiue), impose que cet acte éminemment politique et idéologique des autorités marocaines ait un prolongement autre de la part de la France, lui étant intimement lié. C'est l'instauration de la libre circulation en faveur des jeunes appelés à user du français afin de les y encourager tout en les préservant subtilement des sirènes terroristes.

On pourrait certes prétendre que le visa est une question qui ne relève plus du ressort des autorités françaises, étant l'affaire réservée des instances européennes ; ce qui ne serait pas bien vrai. On sait, en effet, que lorsque l'intérêt national prime, il n'y a plus de prééminence européenne. Hier, la ruée des Tunisiens sur les côtés italiennes et aujourd'hui la crise des réfugiés l'ont amplement démontré. Cette dernière crise a même attesté bel et bien qu'il n'y a pas de tabou du visa lorsqu'il y va de questions majeures. Or, le détournement des jeunes maghrébins des sirènes terroristes, et à leur tête les nombreux Tunisiens, est un impératif catégorique qui implique de leur octroyer la libre circulation. Comment s'y prendre aisément ? Par le biais de la francophonie !

La France et la Tunisie sont membres éminents du mouvement qui veut, bien à tort, se cantonner dans le domaine culturel, soit donc au service unique de la France. Il est bien temps de lui donner une dimension essentielle qui soit politique au travers de la création d'un visa biométrique de libre circulation en faveur des ressortissants membres.

On pourrait même conditionner l'octroi d'un tel visa aux pays actifs aussi bien dans la défense du français auprès de leur population que dans l'action incessante pour instaurer chez eux la démocratie. Un façon intelligente de servir la paix dans le monde, et pour le moins dans la mer commune méditerranéenne devenue un charnier, un holocauste moderne même selon une sage voix européenne !

Alors, les autorités tunisiennes oseront-elles demander à la France et à l'OIF, comme je les y invite, le prix du stratégique statut du français dans l'enseignement national ? Assurément, c'est un droit qui ne doit pas être négociable et ne saurait être refusé par la France aujourd'hui honorée à travers sa langue. Qu'elle le soit donc en partenaire et non en nouveau colonisateur, culturel et mental, cette fois-ci ! Vivement que l'on plaide au sommet du cinquantenaire — c'est demain ! — la nécessité de la création du visa biométrique francophone de circulation devant bénéficier aux ressortissants des pays démocratiques ou en transition démocratique pour le moins, comme c'est le cas de la Tunisie. Ce sera la meilleure façon de renouer avec éclat avec l'esprit solidaire des débuts de la francophonie. Et ce sera la réussite assurée du sommet, outre d'être un triomphe retentissant de l'esprit francophone enfin revenu à son essence, celle de la solidarité en une aire francophone de civilisation.


* Notice biographique de de Madame Haoua Acyl, Représentante de l'OIF pour l'Afrique du Nord

https://drive.google.com/file/d/1ixB-HeIaMUBPckx7wJhLgWRaylU6uEQS/view?usp=sharing

 

Tribune publiée sur Réalités magazine n° 1832 du 11 au 17 février 2021 (pp. 22-23)