Qui de MM Saïed et Ghannouchi est plus symbolique ?
M. Rached Ghannouchi Kheriji, président de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), dans une vidéo diffusée ce 30 janvier, a commenté le refus de M. Saïed de recevoir la prestation de serment des membres récusés par lui pour des considérations autant juridiques que surtout éthiques.
Un symbolisme qui se discuteEstimant que le Président de la République ne fait ainsi que rejeter le remaniement ministériel réalisé par le chef du gouvernement, il crie au mélange entre le régime présidentiel et le régime parlementaire, notant à tort que la Tunisie est un régime parlementaire, que le rôle du chef de l'État y est purement symbolique.
En cela, M. Ghannouchi se trompe, car le régime politique instauré par la constitution de 2014 n’est ni parlementaire ni présidentiel, il est hybride. On a mélangé dès le départ les spécificités de chaque régime, et mal mélangé, d’où les difficultés actuelles puisque l’exécutif est bicéphales et on ne peut nier à un président élu au suffrage universel le moindre rôle en le cantonnant à l’inauguration des chrysanthèmes.
Aussi, s’il est un rôle purement symbolique selon les termes du président du parlement, c’est bien le sien, puisqu’il n’a pas été élu personnellement par le peuple qui a choisi des listes de partis et non des personnes. S’il s’était présenté en son nom propre dans un scrutin uninominal, il n’aurait probablement pas été élu à l’assemblée, que dire de sa tête.
On sait d’ailleurs comment il y a accédé grâce aux voix des députés qui ont été élus sur les listes d’un parti ayant fait campagne contre le parti de M. Ghannouchi et sa politique avant de renier ses engagements et de trahir ses votants en faisant alliance à celui qui a été érigé en ennemi mortel durant la campagne.
M. Ghannouchi ne peut nullement prétendre à la légitimité que possède M. Saïed qui a vu se porter sur sa personne une majorité confortable. Aussi, si jamais il n’avait qu’un rôle symbolique, ce serait bien dans le sens auquel n’a pas pensé M. Ghannouchi Keriji, à savoir celui d’incarner la patrie.
M. Mechcihi devrait démissionner
Outre ces erreurs, le président du parlement oublie que l’actuel chef du gouvernement a été choisi par le président de la République et qu’il n’est pas censé avoir d’assise parlementaire, n’ayant pas été choisi par le parti majoritaire. Ce qui est une autre spécificité du régime semi-parlementaire et/ou semi-présidentiel de la Tunisie.
Or, quand on a été choisi par une autorité, la moindre des obligations est de ne pas aller à l’encontre de sa politique en se ralliant à ses ennemis potentiels. Ce qu’a fait pourtant M. Mechichi et qui relève bien moins de la faute politique que de la turpitude morale.
Car, il est vrai, on ne pratique pas encore la politique éthique à laquelle il est temps de passer, cette « poléthique » qui serait le meilleur antidote à nos maux actuels où les autorités sont plus que jamais coupées du peuple qui n’arrête de manifester sa désespérance de ses élites autistes.
Aussi, dans la situation où il se trouve après le cinglant désaveu que lui apporte l’autorité qui l’a nommé, et s’il ne pratique pas la politique politicienne, M. Mechichi devrait en tirer la conséquence logique en lui présentant sa démission. À défaut de sauver le pays, ainsi sauvera-t-il son honneur et une saine pratique de la politique enfin éthique !
Tribune publiée sur Réalités magazine
n° 1831 du 4 au 10 février 2021 (p. 13)