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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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lundi 6 janvier 2020

Théâtrocratie et daimoncratie 8

La Tunisie nouvelle a neuf ans : 
Du coup du peuple au peuple dans le coup (2)






La postmodernité, dont la Tunisie est une manifestation basique, n'est pas une étape d'un temps moins linéaire que spiralesque; elle est un esprit, une philosophie des choses, marquée par la résurgence des valeurs anciennes rejetées par la modernité et la primauté de l'émotionnel sur la raison logique devenant sensible, incluant l'intuition. D'où le nécessaire renouvellement de notre vision de la pratique politique pour plus d'éthique, étymologiquement ce qui est relatif aux mœurs (ethica); or, les mœurs du temps exigent la moralisation de la chose publique, une poléthique !  
Du contrat social au pacte émotionnel
La postmodernité impose le dépassement de la notion périmée du contrat social, un pacte émotionnel s'y substituant, de plus grande solidarité, les parties communiant dans l'émotion et la compréhension mutuelle. Ce n'est plus le règne de la raison froide, l'imagination et le sentiment n'y étant plus sacrifiés. Cela donnera lieu à une politique sensible, ou compréhensive, s'appliquant à tenir compte de l'imaginaire populaire et de l'inconscient collectif et finissant par refonder une démocratie devenue chose des démons de la politique en postdémocratie ou démoarchie, une manifestation de la puissance sociétale.

Car, en notre monde globalisé, tout ce qui a fait la valeur du contrat social dans l'État classique en crise ne fait plus sens face au pouvoir exorbitant du capital et à la dictature mercantile. Leurre est la théorique égalité des parties contractantes et mythe le désistement de la majorité d'une part de sa liberté pour une plus grande garantie pour tous par l'État. Ce dernier n'est plus qu'un pouvoir autiste, accaparé par une minorité de privilégiés déconnectés des intérêts de qui ils sont censés servir, ne gérant que les leurs propres et ceux des cercles idéologiques qu'ils servent. Aussi l'État est-il, plus que jamais, rejeté en notre ère postmoderne, âge des foules et des communions émotionnelles, en même temps que des retrouvailles avec la spiritualité, dont la religion authentique en son sens étymologique de lien (religare). Nous y reviendrons en troisième partie.

L'État doit donc se transformer, veillant à coller aux exigences des masses en mesure d'exercer leur pouvoir théorique dans le cadre de ce qui serait une démopraxie manifestée par des libertés et des droits effectifs. Il doit réaliser que le pouvoir populaire, la souveraineté du peuple, est la puissance sociétale instituante supplantant de droit, sinon de facto, le pouvoir institué qu'il incarne. Aussi, le pouvoir politique appartiendra de moins en moins aux élites. Il se diffracte et se diffuse dans la puissance sociétale qu'est le peuple, au travers de sa société civile par exemple et de la libre pensée de tous ses membres; la véritable souveraineté siégeant bien dans la rue, au plus près des couches populaires. Ce qui veut dire que la légitimité ne saurait plus demeurer formelle, mais doit être réelle et incarnée par des instruments à imaginer à partir de ce qui existe déjà et qui est limité par l'environnement juridique liberticide qui l'émascule même.

De plus, du fait de la mondialisation, ce pacte ne saurait être juste national. Les frontières sont désormais fallacieuses et imposent d'agir au local en tenant compte du global que représentent les impératifs géostratégiques; ce qui est plus qu'évident en Tunisie, de telles considérations ayant modifié sa destinée. Le pays ne saurait donc avoir de politique et de diplomatie utiles que dans un cadre méditerranéen où il aura rompu avec la vision actuelle des relations internationales en osant la réinventer. On en a déjà parlé pour la libre circulation humaine, mais cela implique également le bannissement des slogans creux et ineptes sur les sujets sensibles, telle la question palestinienne où l'on ne doit se recommander que du droit international et de son application à la lettre. Ce qui implique l'impératif catégorique de tenir le langage de la raison, l’art poléthique en la matière consistant à parler sans choquer et susciter des réactions épidermiques en choisissant les termes justes, mais sans dévier de la parole de vérité. C'est cela la politique compréhensive.

Ère des foules et politique compréhensive

Une telle praxis compréhensive est fatale en notre ère qui n'est, au final, que la gestation d'un nouveau paradigme de vie par la transfiguration de la politique à l'antique encore en cours, et caricaturée à l'extrême chez nous. On l'a bien vu avec les dernières élections et la formation du nouveau gouvernement, un ballet d'opéra bouffe politicien. On continue à simuler et à dissimuler, croyant toujours à l'art de la jonglerie d'antan où la réussite signifiait la capacité de savoir user et abuser de la ruse pour être le plus fort sur la scène politique. Or, on n'y est qu'un roi nu, dépourvu de la vraie force qui n'est autre que celle de l'âme.

Adaptée aux mœurs de nos temps troubles, la politique compréhensive est la science de l'écoute des masses, réinventant pour elles et par elles les mécanismes formels obsolètes en vue de la revitalisation d'une politique sans âme, cadre formel sans sens, structure idéale pour une légalité apparente trouée d'illégalités. Sauf à faire preuve d'angélisme ou de mauvaise foi, on ne peut plus se contenter du rendez-vous électoral comme unique et éminente incarnation de la légitimité politique. Surtout en un temps de communication à outrance où les distances se sont raccourcies au point que le village planétaire d'hier s'est réduit aux dimensions d'un immeuble. Or, dans cet immeuble planétaire, on ne peut plus déléguer au syndic la mission d'être le seul représentant des habitants, tous des propriétaires qui plus est. Ils ont le droit de le révoquer à tout moment s'il y va de l'intérêt de l'immeuble, tous les habitants étant égaux à ce niveau d'une égalité absolue en vue d'un monde plus humain, une mondianité.

La classique formule du contrat social lui faisant déléguer sa souveraineté n'ayant plus cours, le peuple demeure souverain en permanence et ses représentants doivent s'adonner autrement à la politique. Non seulement ils doivent lui rendre compte à tout moment, ils sont aussi soumis à sa volonté, pouvant être démis en cas de violation des termes de leur pacte de mission. La seule légitimité qui compte est ainsi celle du peuple au travers de ses plus qualifiés représentants, proches de lui en étant nommément élus et du terrain d'action, l'échelon local. Ce ne sont pas seulement des compétences avérées, mais aussi des missionnaires tenus par leurs obligations renouvelables et surtout impératives. C'est ce que je nomme compétensuelle résumant l'esprit du Coup du peuple tunisien.

Ainsi finira par avoir lieu la rupture radicale en cours, en Tunisie et dans le monde, avec la coterie de privilégiés se croyant investis d'une légitimité, basée pourtant sur les voix d'une minorité populaire insignifiante, et faisant de la politique démagogie et tromperie. Or, l'esprit de la révolution tunisienne est d'être ce coup du peuple, par le peuple et pour le peuple, traduisant une soif de démocratie réelle et non formelle. Être démocrate en Tunisie aujourd'hui impose d'agir concrètement pour que le peuple soit constamment dans le coup, directement et pas par de faux représentants servant leurs partis, non la patrie. Ce qui relève de la fatalité le renouvellement des règles actuelles et des mécanismes d'une participation effective avec place centrale pour la société civile, les opinions libres, notamment dans les médias et les instances indépendantes du pouvoir, devenues parfaitement neutres.

Or, comment l'être quand on sait qu'outre les serviteurs, anciens ou nouveaux de l'ordre ancien, le cadre légal dictatorial est maintenu en place, mettant en échec la moindre tentative d'émancipation des formes d'autoritarisme, balisant la voie au retour insidieux de la dictature sous forme de valeurs détournées, dont cette religiosité en négation de la spiritualité ? C'est la banalisation du mal à laquelle on assiste, renouant avec le passé hideux avec lequel on prétend rompre, les deux prospérant avec la confusion des valeurs que cultivent les lois et les habitudes, d'autant qu'elles ne sont pas seulement liberticides, mais scélérates.

L'état des lieux de notre pays, à la veille de la célébration officielle de sa révolution, est celui d'un gâchis politique dont portent la responsabilité les politiciens, les prétendus démocrates surtout. Aussi, leur honneur est désormais de le dénoncer en commençant par exiger, toutes affaires cessantes, leurs libertés, toutes leurs libertés, à tous les citoyens de ce pays martyrisé, à commencer par celles relatives aux mœurs. Car ceux-ci sont assurément le cœur de cible de la dignité citoyenne vraie.

Tribune publiée sur Réalité magazine
n° 1776 du 10 au 16 janvier 2020