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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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lundi 16 septembre 2019

Noblesse de la foi 4

Après le premier tour de la présidentielle : Que faire?


  
Le  résultat du premier tour de l'élection présidentielle est certes une surprise, il ne confirme pas moins le diagnostic, déjà fait, de la fin d’un système obsolète, manifestant de la manière la plus fruste cette faim d’un autre système plus juste et surtout plus éthique qui se fait pressante dans le pays, et même dans le monde.


Chaos créateur et confusion des valeurs

Certes, l'attention concentrée sur la construction, et par excès de volontarisme n’a pas voulu voir  se confirmer les chances des favoris annoncés par les sondages, outre nombre d'indices dans le pays. On a préféré tenter de forcer quelque peu le destin en harcelant les consciences vives; ce qui s'impose, au demeurant, plus que jamais. Manifestement, cela n'a pas été le cas de la majorité des votants de nos concitoyens, ayant cédé au dépit, pour la destruction et sans plus tarder de l’actuel devenu inactuel. C’est, en quelque sorte la théorie du chaos créateur.


De fait, comme on n'a pas cessé de le dire, nous relevons d'une totale confusion des valeurs généralisée; ce qui empêche de reprocher aux masses des Tunisiens d’agir en harmonie avec leur état : en s’abstenant ou en exprimant leur "ras-le-bol". Car l’arrivée de deux figures hors système traduit une sorte de vote outsider, hors la norme. Il est surtout l’incarnation de la confusion axiologique précitée.


Le premier du classement pointe, en effet, la rupture de la classe politique classique avec le pays. C’est un conservateur tout en étant un universitaire. Son détachement affiché de la politique politicienne et ses liens avec les étudiants a compté pour ses votants tout autant que son profil compatible avec l'idéologie du parti islamiste. N’aurait-il pas été son candidat cryptique, Mourou, le candidat officiel, n’ayant pas vocation de représenter l’essentiel de la pensée islamiste? Cela n'a forcément pas pu échapper aux cogitations d'un Rached Ghannouchi, versé dans l'art machiavélique au sens noble du terme.


Le second du classement manifeste le besoin d’éthique et de réalisme qu’exigent la situation du pays et les conditions de vie de son peuple. C’est surtout un besoin de justice et de moralisme. Son calvaire a été intériorisé par nombre de gens de peu, ces moins que rien qui forment la majorité de notre pays qu'on oublie être zawali.


Rectifier le tir avec les législatives


Que faire donc? Lénine se posait une telle question en un temps également délicat pour son pays. Assurément, la rupture est consommée entre la pays légal ou formel le pays réel, la vie citoyenne au quotidien. La situation est grosse de convulsions révolutionnaires pour un radical changement tardant à se faire depuis 2011.           


Comme le soutenait le leader russe, la voie du salut est le renversement de l’ordre établi; si celui-ci était la bourgeoisie pour lui, il est l’ordre mental actuel se satisfaisant d’injustices criantes, usant d’une épistémologie antique dépassée.  


Or, il y a encore le second tour de la présidentielle à venir et les élections législatives sont en cours; et elles sont les plus importantes du fait du régime politique du pays. Voici ce qu’il importe de faire immédiatement durant la campagne électorale pour les législatives afin de faire en sorte que le chaos annoncé par le coup de gong du premier tour de la présidentielle soit vraiment créateur pour le pays.


Déjà, l’option d’union fatale pour les démocrates, faisant la force nécessaire en vue de contrer l’émiettement actuel qui ne favorise que les conservateurs, ouvrant un boulevard pour contrôler directement le parlement après leur possible contrôle indirect de Carthage. Mais il y a bien plus, nécessitant de se faire violence pour parler moins au conscient des électeurs qu'à leur inconscient, ce qui détermine leurs actes, à la vérité.


Il nous faut cesser de croire la Tunisie se mouvant dans une apesanteur, sans influences extérieures et sans devoirs de tenir compte de sa situation géostratégique ni surtout de l'évidence que sa transition démocratique ne saurait réussir sans être articulée à un système de vrai État de droit qui marche, ne s'adonnant pas à la simulation, se suffisant d'un État de similidroit.   


Décalogue d'impératifs catégoriques


Dix impératifs catégoriques nous semblent s’imposer au vu du désordre national et international. C’est autant de leviers ciblant l’inconscient collectif et l’imaginaire populaire à propos de sujets sensibles qui sont nolens volens au coeur du vivre-ensemble démocratique.


Impératif premier


Oser affirmer que l’égalité parfaite en toute chose entre les citoyens est à la fois la base de la démocratie et une visée éminente de l’islam, religion du pays, qui est la parfaite égalité de tous les croyants ne se différenciant que par la piété. Car la question ne saurait diviser étant donné qu'elle porte sur une valeur devant être cultivée unanimement par tout vrai démocrate, celle de l’abolition  de l’inégalité successorale entre les sexes ?


Impératif second


La libre circulation est aujourd’hui l’une des revendications majeures de nos jeunes et elle est au coeur du développement économique, l’humain étant le véritable créateur des richesses. Aussi, il importe d'oser rappeler à l’attention des partenaires d’Europe que l’outil fiable et respectueux des réquisits sécuritaires existe : c’est le visa biométrique de circulation, et donc l’exiger pour nos concitoyens. En effet, tout en préservant la pratique actuelle avec le relevé des empreintes digitales des Tunisiens par des puissances étrangères, il compense une telle violation de la souveraineté nationale par la délivrance automatique et gratuite du visa renouvelable d’office pour une durée minimale d’un an avec entrées multiples. L'impératif catégorique est donc de s’engager à agir pour le droit des Tunisiens à la libre circulation qui est un des droits humains fondamentaux. Concrètement, cela pourrait se faire dans le cadre de la transformation du projet actuel ALECA en discussion avec l’UE en ALECCA incluant la libre circulation. 


Impératif troisième


Oser reconnaître que la Tunisie dépend structurellement de l’Europe, mais sans droits de membre, et que dans un monde mondialisé, il n’est guère plus de souveraineté nationale qui compte, mais la puissance que génère la coopération communautaire. Or, le regroupement utile maghrébin, arabe et africain relève encore de l’utopie; aussi est-il nécessaire et utile, ne serait-ce que pour ouvrir des horizons d’espoir pour les Tunisiens étouffant dans leurs frontières, de se décider à déposer la candidature de la Tunisie pour l’adhésion à l’Union européenne. Cela pourrait se faire dans le cadre d’un appel tunisien à la création d’un Espace méditerranéen de démocratie.


Impératif quatrième


Au vu de la dérive constante dans le pays vers une religiosité qui se moque de la religion correctement interprétée et de la saine spiritualité populaire, plutôt soufie qu’intégriste, il est temps d’oser appeler à la réouverture solennelle de l’effort d’interprétation : l’ijtihad, base essentielle de l’islam, dans le cadre de la liberté totale de pensée et d’expression. En effet,  la lecture actuelle du Coran et son interprétation dépendent encore d’une exégèse dépassée et d’un fiqh ou droit musulman obsolète, ayant donné naissance aux excès de l’intégrisme et aux crimes de Daech.


Impératif cinquième


Outre l’absence de Cour constitutionnelle, il est honteux pour la démocratie tunisienne que la législation de l’ancien régime soit toujours en vigueur alors qu’elle a été juridiquement abolie. Il n’y a pas de plus grande humiliation pour le peuple et de trahison de la part de ses élites que la continuation d’application par les juges de lois devenues illégales. Aussi est-il urgent et impératif  de suspendre l’application des lois scélérates de l’ancien régime tout en hâtant la réforme législative d’ensemble pour que nos lois cessent enfin de violer la constitution et les droits et libertés qu’elle a consacrés.


Impératif sixième


Dans le cadre de la réforme de la législation nationale, il est impératif de hâter la suspension et/ou l’abolition des textes les plus scélérats, dont celui sur l’homophobie. En effet  l’homosexualité est un sexe parfaitement naturel; et il a été démontré que le Coran et la Sunna authentique, contrairement au judaïsme et au christianisme, ne la condamnent pas, l’islam n’ayant jamais été homophobe en ses heures de gloire.               


Impératif septième


Dans ce même cadre de la réforme de la législation nationale, il y a aussi urgence impérative à oser abolir l’infradroit constitué par les circulaires illégales, notamment celles limitant le commerce et la consommation d’alcool les vendredis et durant ramadan. En effet, l’islam n’a jamais interdit la consommation d’alcool, mais plutôt l’ivresse, ce qui encourage le consommateur à être sobre, puisque c’est l’interdiction qui pousse à l’excès. D’autant plus que la religion du pays protège le commerce et garantit les droits personnels et les libertés privées, y compris durant le mois saint de ramadan où le jeûne ne se fait que pour Dieu et sans nulle ostentation       


Impératif huitième


Autre texte scélérat de la législation illégale de la dictature à abolir incontinent, celui qui ruine la vie de nos jeunes pour usage de cannabis. Par conséquent, il est impératif d’avoir le courage de décriminaliser le cannabis; pour cela, il suffit de le retirer de la liste des stupéfiants. Il faut également oser rappeler que le cannabis n’est pas un stupéfiant, juste une drogue douce, bien moins nocive et néfaste que le tabac librement vendu, qu’il a des bienfaits thérapeutiques, que nombre d’États dans le monde l’ont déjà dépénalisé ou s’y acheminent, et que l’ONU recommande justement la dépénalisation pour un meilleur contrôle du marché et à cause des ravages occasionnés par la criminalisation. 


Impératif neuvième


Sur le plan des relations internationales hors d’Europe, l’impératif majeur est d’oser enfin une diplomatie de l’honneur et de l’éthique. Ainsi, il ne suffit pas d’arguer que les relations diplomatiques avec la Syrie n’ont jamais été rompues; il faut leur donner un contenu réel en reprenant la coopération avec ce pays, notamment sur le plus sensible dossier commun, celui des jihadistes tunisiens qui y ont été envoyés. L’une des premières décisions du parlement doit donc être de décider le rétablissement   des relations diplomatiques avec la Syrie au niveau d’ambassadeurs et de coopérer avec ce pays sur le dossier des terroristes tunisiens.


Impératif dixième


Sur ce même plan de politique étrangère, il est temps de renouer avec l’âme de la diplomatie tunisienne qui a été une juste appréhension du drame palestinien, basée sur la légalité internationale qu'Israël s'ingénie désormais à vouloir enterrer. Cela suppose d'oser en finir avec le tabou du rejet d'un État mondialement reconnu, l'empêchant de l'instrumentaliser pour s’autoriser toutes les turpitudes en prétextant le refus arabe de le reconnaître. D'ailleurs, les Palestiniens l'ont déjà fait, et la légalité de 1947 reste l’acte même de naissance d’Israël en tant qu’État jumeau d'une Palestine pleinement souveraine. Par conséquent, la juste cause palestinienne doit être l’une des urgences du parlement en matière de relations étrangères, en phase avec la tradition diplomatique de la Tunisie qui a été, par anticipation, une voix de justice et de justesse face à une flagrante injustice. En l'occurrence, une telle voix est à muer en la voie du courage, sûre et passante pour une fatale paix des braves dans le respect de la légalité internationale avec un État palestinien souverain, à l’égal de son jumeau monozygote, ainsi que prévu par le partage de 1947 devant finir par prévaloir en aboutissement de la reconnaissance mutuelle.

Publié sur le magazine Réalités
n° 1760 du 20 au 26 septembre 2019