BLOC-NOTES : Lettre à Bochra Belhaj Hamida et aux députés démocrates : Usez de l'initiative législative !
La scélérate législation tunisienne se réforme par des lois dont l'initiative appartient essentiellement aux députés, étant même leur raison d'être au parlement. Or, la présidente de la Colibe est députée; que n'en propose-t-elle ?
Chère Madame la Députée,
Mesdames et Messieurs les Députés démocrates,
Vous incarnez auprès de nombre de Tunisiennes et de Tunisiens un prototype de femme et de Tunisiens modernes, des tabous obscurantistes libérés. Cette image a été manifestement soignée dans le rapport de la commission que vous avez présidée ou que vous soutenez. Assurément, les retombées de ce rapport ne sont venues que la renforcer, vous donnant une aura de femme militante, pour l'une, et de militants humanistes, pour les autres.
Une démission regrettable
C’est d'ailleurs ainsi que je vous avais connue, Madame la Députée, avant votre entrée au parlement; ce qui m’a amené à venir chez vous, une fois députée, vous rencontrer pour vous proposer de parrainer un projet de loi dont j’ai acquis la certitude qu’une fois entré au parlement, il serait voté.
C’est le projet de loi abolissant l’homophobie en Tunisie que j’ai vainement proposé aux militants et aux autorités. J’espérais que vous, au moins, vous en seriez porteuse, comme on porte la lumière en des lieux ténébreux, ce qu’est devenu notre pays.
Qu’elle ne fut alors ma surprise de vous voir refuser une telle mission, vous libérant de votre responsabilité morale, reculant devant la peur de passer pour homosexuelle auprès de vos collègues députés ou défenseure des homosexuels dans une assemblée que vous m’avez présentée comme étant homophobe et devant un peuple que vous avez persisté à considérer homophobe aussi malgré les preuves que j’ai apportées qu’il n’en était rien.
Car notre peuple est loin de rejeter le différent, ayant même toujours accepté tous les différents, y compris les gays qu’il ne fait désormais que semblant de rejeter par peur de la loi coloniale scélérate et du qu’en-dira-t-on entretenu par une minorité de haineux du genre humain tel que voulu par son créateur. Comme vous, le peuple en a peur; mais lui n'a pas vos devoirs, ni privilèges et immunités.
Je vous avoue avoir été déçu ce jour-là par votre démission; mais je ne vous en ai pas voulu, comprenant que vous agissiez à la manière des autres politiciens par conformisme logique. C’est la loi de la meute, dirais-je.
Une omission coupable
Toutefois, j’ai nourri quelque espoir que vous vous rattrapiez avec la commission que vous avez eu l’honneur de présider en osant enfin parler du droit à l’homosexualité, ce sexe parfaitement naturel. D’autant plus que vous êtes au courant de mes écrits en la matière, dont vous avez même eu des exemplaires, démontrant par la preuve la plus irréfutable que l’islam n’a jamais été homophobe.
Or, non seulement vous avez ignoré mes travaux, vous n’y faites même pas référence dans votre rapport. Bien pis, vous avez osé accepter que l’homosexualité restât incriminée, ce qui est un recul effarant, parfaitement condamnable, quand on sait que, dans le même temps, certains des religieux intégristes osent enfin reconnaître que le sexe gay est une nature. Ainsi s’est publiquement prononcé le chef du parti islamiste, et certains de ses plus proches conseillers abondent même en ce sens.
Pourquoi donc ne pas le prendre au mot en osant proposer le projet de loi qui est assuré d’être voté par les députés de M. Ghannouchi s’il arrive à l’ARP ? Il s’agit d’une promesse avérée de ce dernier auprès de ses sponsors d’Occident qui l’engage1 même s’il ne faisait que louvoyer comme à son habitude, profitant de la démission en la matière des supposés humanistes.
Rien n’empêchait ni n'empêche de le mettre devant ses responsabilités en proposant le texte de loi à la fois consensuel et radical d’abolition de l’article 230. Sauf à lui donner raison, car il est également avéré, selon mes sources parfaitement fiables, que M. Ghannouchi a pronostiqué qu’aucun député tunisien n’aura le courage d’oser proposer l’abolition de l’homophobie par pusillanimité. Seriez-vous pusillanime à ce point, Madame Belhaj Hamida ? Le seriez-vous, Mesdames et Messieurs les députés démocrates ? Où est passée, parmi vous la femme libre de Tunisie valant cent et mille hommes ? Et où sont les justes de nos temps si injustes ?
Une action impérative
Aujourd’hui, votre rapport fait le buzz, et ce n’est pas nécessairement productif; car on sait bien que parler pour ne rien dire ni faire est une pratique bien rodée chez les malhonnêtes politiciens qui occupent la scène publique, non seulement en Tunisie, mais partout dans le monde, y compris dans les démocraties avérées. N’a-t-on pas dit que si le slogan des dictatures est: Ferme-la !, celui des démocraties est bien : Parle toujours, tu m’intéresses.
Aussi, trêve de parlote et de rapports inutiles. Votre mission avec la commission, d'ailleurs, a été de proposer un texte de loi susceptible d’être voté rapidement en matière d’égalité successorale. Vous vous êtes payé le luxe de ne même pas proposer de solution en matière d'égalité successorale ni d’un texte susceptible d’être voté, même si vous avez pris la précaution de démontrer que l’égalité successorale est parfaitement possible, sinon impérative, en islam; ce qui a été aussi déjà démontré, tout autant que pour l'homosexualité.
Délaissant sa mission, la commission s'est souciée de proposer un code en matière de droits et de libertés qui certes a le mérite d'exister et d’être assez exhaustif et courageux, mais il reste sans nul espoir d’être voté, en tout cas pas rapidement. Ainsi, consciemment ou inconsciemment, la commission a avez servi la stratégie de qui n’a pour but que d’occuper les Tunisiens par de nouveaux débats autour du sexe des anges, inutiles et pernicieux, puisqu'ils empêchent de faire quoi que ce soit de concret.
Or, le concret est de proposer un projet de loi, car c’est la voie seule à emprunter dans un État se voulant de droit. Et quand on sait que dix députés seulement suffisent pour l’initiative parlementaire, on s’étonne qu’un tel nombre n’existe pas au parlement ? Rappelons-nous donc Bourguiba qui ne s'est soucié que de loi, ni de rapport, ni de débat, et ce pourtant en un temps encore plus dogmatique qu'aujourd'hui !
Aussi, au lieu de garder le silence ou de pétitionner, les députés qui sont pour le rapport de la Colibe, dont la présidente même de la commission, ont intérêt à agir pour en concrétiser rapidement les droits et libertés. Cela devrait se faire par la proposition sans tarder du projet de code concocté par la Colibe.
Mieux encore, si l'on veut changer très vite les choses et les mentalités, on pourrait commencer par un projet de loi simple et efficace, celui que j’ai proposé aux députés réalisant sans plus tarder non seulement l’égalité successorale, mais aussi l’abolition de l’homophobie. Ainsi, on touchera d’un coup deux des matières les plus sensibles qui font tellement de dégâts dans les têtes, empêchant la moindre avancée humaniste. Ce texte vous l’avez certainement eu ou vu, ayant été diffusé sur internet, en arabe2 et en français3, et adressé aussi à l'ARP.
Pour un show législatif
Aujourd'hui, les islamistes sont occupés au pouvoir à Tunis et dans les principales villes du pays, ils s'y adonnent à un show municipal bien médiatique, se disant prêts d'accepter de délaisser la manoeuvre législative au président; sera-t-il en mesure de faire son propre show législatif ? Il est permis d'en douter, car il n'a jamais été ni progressiste ni un vrai démocrate.
Aussi, il est inutile d'attendre son initiative qui sera toujours insuffisante à faire entrer la Tunisie pour de bon dans la modernité législative que son peuple mérite amplement. Vous, les députés, qui êtes là où vous êtes au nom de ce peuple, osez donc assumer votre condition et les devoirs qu'elle implique ! Proposez le seul projet de nature à faire très vite sauter le bouchon qui bloque tout dans le pays, constituant un goulot d'étranglement dans les mentalités ! Vous, madame la députée, sauvez donc l’honneur de la Tunisie, qui est faite femme, en osant porter ce projet avec neuf autres députés autour de vous ! Soyez donc l’égérie d’une dizaine de justes humanistes agissant pour l’honneur du droit et de la religion en Tunisie.
Proposez ce projet de loi au parlement et veillez à le défendre médiatiquement et la Tunisie martyrisée aujourd’hui vous en sera reconnaissante, car elle finira alors par être enfin libérée de ses chaînes dogmatiques qui ne lui sont imposées par ses religieux que du fait de la complicité et l’inertie de ses modernistes.
Notes
Publié sur Kapitalis