Agir sur les vraies causes du terrorisme
Il ne suffit pas de dire être contre le terrorisme et le manifester par des slogans creux et des marches qui relèvent, au mieux, de la pure agitation. On sait d’ailleurs que ce sont les menteurs qui font les plus actifs dans le ramage en vue de tromper sur leur plumage.
Un terrorisme mental
Le plumage terroriste est loin de se limiter aux crimes que nous continuons malheureusement à déplorer sur notre sol où des mains criminelles et occultes saignent à blanc d'innocentes et nombreuses victimes. Il est aussi et surtout dans la tête de certaines de nos élites, parmi celles qui n’osent dire les choses telles qu’elles sont ni pointer le doigt sur le vrai terrorisme, celui qui se niche dans des mentalités rétrogrades faisant d'une foi de paix, l'islam, une religion de haine et de banditisme.
C'est bien le cas pour qui continue de croire et d'affirmer le jihad armé, petit jihad au vrai, encore licite en islam, justifiant directement ou indirectement les forfaits de ces terroristes qui se réclament d'une telle perversion de l'effort devant être d'abord et exclusivement sur soi.
Or, nous avons vu et voyons encore des philosophes, députés, avocats, juges et politiciens, de chez nous et d'ailleurs, qui persistent et signent à défendre un tel jihad vicié, devenu cet usage truand des armes en dehors du seul usage licite qui est désormais le sien : le recours à une violence légitime et légale, manifestation de l’autorité de l'État.
C’est bien ce que fut le jihad au début de l’islam, ayant été l'œuvre du nouvel État de l'islam; et c'est ce qu'il doit être plus que jamais de nos jours : une prérogative d’usage de la force publique en tant qu'attribut du pouvoir légalement organisé.
Pourquoi donc ne pas en parler de la sorte afin d’enlever leur justification aux terroristes qui se présentent comme les défenseurs de l’islam dévoyé ? Ne le faisant pas, ne risque-t-on pas de nous révéler les complices objectifs des terroristes ?
Qu’est-ce qui empêche de rompre avec la fausse conception du jihad qui s’est imposée à tort dans les têtes, y compris celles qui sont censées être bien faites, inconscientes des effets néfastes d’une telle lecture erronée de l’islam qui, non seulement désinforme, mais influence certains jeunes désaxés en leur donnant un prétexte commode à leurs folies meurtrières ?
Le vrai Jihad
Le jihad du début de l'islam, fut un effort mineur, jihad asghar, et il est forclos depuis l’érection des États d’islam et la stabilisation de la foi dans les coeurs. En effet, tout comme l’émigration, la hijra, il a pris fin; qui donc appellerait aujourd'hui à émigrer à La Mecque ?
Aussi, il ne reste plus de licite en islam que le jihad akbar, l'effort maximal, qui concerne exclusivement l’individu et qui est pacifiste, se passant de la moindre arme ou tout soupçon de violence, n’étant que l’exemple insigne à donner. C’est cela l'unique jihad licite en islam, seul vrai jihad désormais. Car l’islam est la foi de la paix, ce que l'on devrait orthographier i-slam, insistant sur sa dimension pacifique, afin de le sortir de la pratique actuelle en ayant fait une religion de guerre.
Agir, aujourd'hui, en Tunisie, sur la cause du terrorisme, c’est oser enfin parler des aspects tabous chez nous, dont ceux concernant cette altération grotesque de notre religion qui en fait une foi obscurantiste et criminelle. Veut-on donc que Daech s’installe en Tunisie?
N'est-il pas temps d'oser dire que cet Antéislam qu'est Daech se recommande de la jurisprudence classique de l’islam, ce même fiqh auquel nous persistons à nous référer bien qu'il soit, dans nombre de ses aspects, devenu obsolète et même criminogène ? Sait-on qu'il y est prescrit de tuer le musulman qui ne prie pas; doit-on déférer à une telle monstruosité ?
En notre patrie sinistrée par la démission de ses clercs, c'est bien le moment de rompre avec la fausse conception de notre foi qui y est défendue par des esprits inconscients pour le moins et qui n'a perduré que parce qu'elle a été instrumentalisée par des pouvoirs dictatoriaux ayant assuré leur autorité en recourant à un islam policier, mouture arabe de la religion opium du peuple.
Pour un islam policé
En Tunisie postrévolutionnaire, sept ans après son coup du peuple et qui est de nouveau endeuillée, on ne peut plus ni garder ni défendre la fausse lecture de l’islam y ayant cours. L'impératif catégorique du moment est de rouvrir les portes pour une nouvelle exégèse de notre foi. L'ijtihad, rappelons-le, a été fermé au moment même où a commencé le déclin de la civilisation de l’islam, et a manifesté le prélude à l’installation durable de l’impérialisme.
Ce dernier, d’ailleurs, a assuré sa mainmise sur les pays d’islam grâce à la compromission des jurisconsultes et l’altération des principes humanistes et libertaires de l’islam originel par des jurisconsultes salafistes veillant, au nom de la préservation de leur foi, à ce qu’elle se fige sur ce que les ancêtres avaient arrêté comme vérité.
Or, un tel effort d’interprétation était déjà forcément imparfait et contingent, en plus d’être fortement marqué par la tradition judéo-chrétienne. Ce qui a fait que les musulmans se sont retrouvés à appliquer, au travers de leur fiqh traditionnel, bien plus la Bible que le Coran. Cela a été amplifié par une véritable industrie des hadiths qui a marché à plein régime, inventant un autre islam parallèle au seul vrai, celui que recèle le Coran où l'islam est moins policier que policé.
C'est ainsi, à titre d'exemple, qu'on a inventé l’interdiction de l’alcool, alors que le Coran ne prohibe que l’ivresse. Ainsi a-t-on- imposé le jeûne public alors que la vraie piété se cache et ne doit pas être affichée. Ainsi a-t-on prohibé également les plantes hallucinogènes, comme le cannabis, ou interdit les rapports entre mêmes sexes, alors qu’il n’est nulle interdiction en la matière ni expresse ni implicite dans la lettre du Coran. Ainsi, surtout s’est-on permis d’interpréter les préceptes coraniques qui ne sont que des droits et des libertés pour ce qui touche à la liberté privée, dans le sens restrictif, interdisant le sexe hors mariage ou l’égalité successorale en dehors des visées de la loi religieuse qui supposent leur parfaite possibilité et même fatalité.
Tout cela, et bien d'autres aberrations qui forment le corpus du droit et de la jurisprudence actuels de notre fiqh traditionnel, a généré un islam altéré, corrompu même, auquel les intégristes tiennent comme on tiendrait à une arme fatale pour tout se permettre au nom de l’islam.
C’est ce que font exactement les terroristes qui se disent jihadistes, ou même certains États voyous érigeant une sorte de guerre sainte en islam alors que cette religion ne connaît point un tel concept, un produit des religions judaïque et chrétienne introduit en islam
Aussi, en Tunisie et ailleurs en terre d'islam, lutter contre le terrorisme physique suppose le plus impérativement de commencer déjà par un tel terrorisme qui est plus facile à éradiquer puisqu’il est niché dans les têtes et que des lois justes, véritablement éthiques, peuvent en venir à bout tout autant, pour commencer, que l’abolition des textes scélérats qui en sont la manifestation.
En notre Tunisie qui risque de basculer à tout moment dans l'innommable, ce serait salutaire et radical pour contrer le terrorisme, car cela enlèvera aux supposés jihadistes, pour le moins cette aura usurpée qu’ils ont et qui leur permet d’avoir — hé oui ! — de la sympathie auprès de nombre de nos concitoyens, y compris auprès de certains responsables bien irresponsables parmi nos élites.
Publié sur Réalités