Réaliser l’égalité successorale pour ce 13 août ? Chiche !
Lors de la célébration de la fête de la femme, le 13 août 2017, le président de la République a promis de réaliser l’égalité successorale et a constitué à cet effet la Commission des libertés individuelles et des libertés (Colibe) qui a rendu un rapport pour le moins surprenant.
En effet, s’il se montre progressiste, et même plutôt révolutionnaire, sur les principales questions des droits privatifs, même s’il hésite sur la question de l’homophobie, il ne propose rien de concret qui soit réalisable de suite sur le sujet qui a été à l’origine de sa création : l’égalité successorale.
Pourtant, il commence bien par démontrer que sa réalisation est parfaitement possible et légitime du point de vue théologique. Seulement, il ne propose de texte de loi qu’aurait pu reprendre le destinataire du rapport pour le proposer en l’état au parlement et réaliser ainsi cet acquis attendu et devenu impératif en Tunisie.
À la place d’un tel texte, la Colibe propose, il est vrai, un code osé des droits et des libertés. Or, cela relève de ce qu’on appelle, dans le domaine sportif, botter en touche, et vulgairement jeter un os pour occuper les plus actifs pour cette cause tout en trompant sur la réalité des intentions en l’objet.
Agir maintenant !
Car il est bien clair que si l’on veut véritablement réaliser l’égalité successorale, on ne peut plus tergiverser et l’on doit agir comme Bourguiba en usant de l’instrument législatif.
Or, tout le permet sauf l’absence de volonté de la part même du président de la République qui, pour avoir publiquement promis, sous les pressions diverses, cette fatale évolution du droit, pense pouvoir s’en délier en tergiversant. C’est qu’il semble pratiquer la politique à l’antique, celle qui consiste à simuler et dissimuler et qui estime que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Ce qui est assez normal chez un animal politique de la trempe du président de la République.
Il en va de même chez son alter ego sans qui reine ne se fera en Tunisie, le chef du parti islamiste qui garde le silence sur la question afin de voir venir les événements.
Aussi, à la veille du 13 août 2018, il est vain d’attendre une quelconque aumône de la part des politiques, assez embourbés d’ailleurs avec leurs guéguerres politiciennes. Il importe que les humanistes osent sans plus tarder proposer un texte de loi et le défendre dans les médias avec acharnement afin de l’imposer aux décideurs. Car, aujourd’hui, c’est la société civile qui est législatrice et décide de sont sort, non ses responsables quand il se montrent irresponsables.
Rappelons que des projets de loi parfaitement réalisables existent et ont été proposés à qui de droit et qu’il suffit de dix députés seulement pour les faire entrer au parlement.
Rappelons aussi qu’assez d’éléments font penser que si un tel projet entre à l’assemblée des représentants du peuple, il a de très fortes chances d’être voté au vu des engagements pris en ce sens par le chef du parti islamiste à l’égard de ses soutiens occidentaux. Un tel engagement porte tout autant sur l’égalité successorale que sur l’abolition de l’homophobie.
Or, voici, en rappel, un projet de loi en la matière que la société civile a intérêt à proposer au plus vite avant la fin de la session parlementaire pour réaliser l’avancée majeure attendue dans la législation nationale : la consécration de la justice de l’égalité successorale et l’abolition de l’injustice de l’homophobie.
N’y a-t-il pas dix députés pour le faire ? Rappelons que la présidente de la Colibe est députée; pourquoi ne réunit-elle pas autour d’elle neuf autres députés pour proposer ce qui rejoint ses propres convictions, mais qui, dans le cadre de ce qu’elle propose, demeurera simple incantation?
Y a-t-il des humanistes en Tunisie pour proposer incontinent ce texte de loi de nature à permettre à la Tunisie de s’honorer de confirmer, ce 13 août 2018, son exception en réalisant sa révolution mentale ?
Projet de loi pour l'égalité successorale et la liberté sexuelle
Au nom des impératifs de la Constitution tunisienne du 27 janvier 2014 et à sa référence aux valeurs de l'islam et aussi de l'humanisme universel, notamment la référence majeure des droits humains, dont la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948 et l'ensemble des conventions internationales garantissant les droits humains ratifiées par la République Tunisienne,
L'Assemblée des Représentants du Peuple a adopté la présente loi pour l'égalité successorale ainsi que l'égalité et la liberté sexuelle abolissant l'homophobie.En premier lieu,
JUSTICE PAR L'ÉGALITÉ SUCCESSORALE ENTRE LES SEXES
Eu égard à la consécration constitutionnelle de la parfaite égalité des citoyens,
Tenant compte du rôle éminent de la femme dans la société tunisienne et son droit d'égale de l'homme,
Et par référence aux visées de l'islam qui a honoré la femme et élevé son statut dans une démarche progressive et progressiste en conformité avec le sens de l'histoire et les valeurs humanistes universelles,En second lieu,
ÉGALITÉ DANS LA LIBERTÉ SEXUELLE PAR L'ABOLITION DE L'HOMOPHOBIE
Attendu que l’homophobie est contraire aux droits de l'Homme et au vivre-ensemble paisible, à la base de la démocratie,
Attendu que l’orientation sexuelle relève de la vie privée que respectent et l’État de droit tunisien et l’islam,
Attendu que l’article 230 du Code pénal viole la religion musulmane qui n’est pas homophobe étant respectueuse de la vie privée de ses fidèles qu’elle protège ;L'Assemblée des Représentants du peuple décide :
Article premier :
Pendant une durée de dix ans à partir de l'entrée en vigueur de la présente loi est suspendue dans le livre neuf du Code du Statut personnel intitulé "De la succession" la règle de l'attribution à l'héritier masculin d'une part double de celle revenant aux femmes.
Durant cette période et sauf refus avéré de la femme concernée, il lui sera attribué une part égale à celle revenant à l'héritier de sexe masculin.
Au bout de dix années d'application de la présente loi, elle sera confirmée et rendue définitive ou abrogée selon une évaluation réalisée sur la décennie de son application.
Celle-ci sera examinée par l'Assemblée des Représentants du Peuple avant la fin de la décennie d'application de la présente loi pour sa confirmation définitive ou son abrogation.Article second :
La vie privée étant respectée et protégée en Tunisie, l’article 230 est aboli.
Article troisième :La présente loi entre en vigueur dès sa publication au Journal Officiel de la République Tunisienne et annule tout ce qui est contraire à son texte et son esprit dans la législation en application dans le pays.