Savoir oser l'éthique en politique
Sauf à pratiquer la politique à l'antique, simulant et dissimulant, il est désormais impératif en ce monde qui a changé de savoir oser l'éthique en politique en arrêtant de pratiquer une langue de bois périmée, être juste de voix et de voie.
Transfiguration du politique
Même à l'ancienne, la politique d'antan imposant d'être à la fois lion et renard, il s'agira d'oser la transfigurer en n'étant lion qu'avec les charognards et renard juste avec ceux qui se croient les plus rusés, et non pas faire le fort avec les faibles et ruser avec les moins motivés par la malice.
Aujourd'hui, en Tunisie bien plus qu'ailleurs, il nous faut oser une transfiguration du politique, en faire une éthique, cette "poléthique" à laquelle j'appelle. Comment est-ce possible ?
Voici un florilège d'actions concrètes en autant de domaines où il est impératif d'oser innover politiquement, ne plus se suffire de l'ancien, en faire du neuf. C'est que nous avons dans notre culture et nos traditions tant et tant de valeurs qui sont en mesure de nous permettre — nous commander même — d'être politiquement innovateurs.
Pour ce faire, il importe d'arrêter surtout de singer ce qui se fait ailleurs, d'autant plus qu'il a échoué, étant issu d'un monde périmé. Car on peut et on doit écrire au moins une page du livre du nouveau en gestation sur cette terre de Tunisie dont on vante si souvent, et à raison, le peuple, sa sagesse immémoriale.
Liberté de circulation
Oser d'abord dire à l'Europe qu'elle se trompe dans sa politique migratoire; que c'est la fermeture des frontières qui crée le clandestin et donc, aujourd'hui, le terroriste.
Hier, le Président de la République était en Italie et, aujourd'hui, le chef du gouvernement est en Allemagne; mais ni l'un ni l'autre n'a appelé ni n'appelle à ce qui tombe sous le sens pourtant, ce qui est fatal : la transformation du visa actuel, devenu obsolète et source de drames, en visa biométrique de circulation.
C'est un outil respectueux du droit à circuler librement tout autant que des réquisits sécuritaires incontournables. Seul, il permettra d'éliminer la clandestinité en asséchant à la source ce qui est devenu un terreau du terrorisme.
Or, ce dernier n'est que la réponse paroxystique de la part des jeunes en perdition dans leur quête, moins d'une raison de croire que de vivre. Et l'on sait que vivre, ou même juste survivre, c'est d'abord circuler en toute liberté; ce qui n'est qu'une constante anthropologique.
Adhésion à l'U.E.
Oser, c'est aussi accepter que la notion de souveraineté nationale a bien changé faisant qu’on ne peut plus ignorer les contraintes de l'interdépendance. Ce qui commande de réaliser que l'État de droit en Tunisie ne saurait se mettre en place sans articulation à un système ancien ayant fait ses preuves.
Or, l'Union européenne dont dépend la Tunisie est à ses portes et son adhésion doit y être sollicitée afin de sauvegarder et consolider sa transition vers la démocratie.
Paix en Palestine
Oser, par ailleurs, c'est appeler au retour au partage de 1947 en Palestine et, concomitamment, à l'établissement de relations normales avec Israël. Tout en admettant aussi une telle inéluctabilité, on n'ose ni en parler ni la concrétiser au prétexte que cela serait refusé par la rue. Ce qui n'est qu'un mythe grossier.
Déjà, il y a tant et tant de choses que refuse la rue arabe dont on ne tient point compte. Puis, depuis quand la rue compte-t-elle dans les politiques arabes ?
De fait, c'est une minorité dogmatique qui refuse de formaliser ce qui est acquis chez la plupart des dirigeants arabes, d'autant plus que la paix des braves doit bien finir par s'imposer.
Or, en dehors des minorités arabes au pouvoir, la perpétuation de la situation actuelle n'a d'intérêt que pour Israël qui peut ainsi continuer à se sentir libre de ne pas admettre la légalité internationale qui est son acte de naissance.
Renouer avec la Syrie
Oser en politique internationale, c'est enfin rétablir les relations diplomatiques avec la Syrie et reconnaître l'erreur fatale consistant dans une rupture en violation des traditions de la diplomatique tunisienne.
Au demeurant, si l'intention de la commission parlementaire qu'on vient de créer pour faire toute la lumière sur les filières de jihadistes tunisiens est sincère, c'est bien la première chose qu'elle devra demander aux autorités compétentes.
Cannabis dépénalisé et victimes dédommagées
En politique intérieure, oser, c'est admettre que la loi 52 sur le cannabis est scélérate, ayant condensé une forme hideuse du régime de la dictature. Il ne s'agit donc pas seulement de dépénaliser la consommation du cannabis, ni uniquement pour juste la première fois, mais aussi et surtout de dédommager les innocentes victimes d'une telle loi de la honte.
Après tout, la plupart des opposants au régime déchu, pour des faits plus graves, ont bien obtenu dédommagement; pourquoi donc en exclure les jeunes innocents dont la vie a été brisée pour un malheureux joint ? C'est là aussi faire preuve d'éthique et de courage en politique.
Égalité successorale et libertés privatives *
Oser sur le plan interne, c'est aussi reconnaître que la première violence faite aux femmes est bel et bien l'inégalité successorale. C'est également rendre sa noblesse à la politique en la pratiquant autrement que par prête-noms, comme le font certains, les islamistes en particulier, se faisant suppléer sur les questions sensibles.
Nombre d'autres sujets sensibles doivent être enfin évoqués, car ils ne sauraient plus être ignorés, notamment ceux qui relèvent de la vie privée des gens, la société ayant bien évolué. Citons juste ici ce sujet d'actualité qu'est la consommation de cannabis à dépénaliser ainsi que le recommandent les instances les plus sérieuses, comme la commission en charge de la question des drogues douces à l'ONU.
D'autres libertés privatives sont bien évidemment à revoir, l'interdiction touchant à l'intimité des gens, comme leur sexualité, rendant malade toute la société. Aussi, libérer le sexe, c'est décomplexer notre peuple, évitant un retour du refoulé aux terribles effets psychosociologiques.
* Paragraphe modifié, le texte d'origine était le suivant :
Égalité successorale et libertés d'alcool et du sexe
Oser sur le plan interne, c'est aussi reconnaître que la première violence faite aux femmes est bel et bien l'inégalité successorale. C'est également rendre sa noblesse à la politique en la pratiquant autrement que par prête-noms, comme le font certains, les islamistes en particulier, se faisant suppléer sur les questions sensibles.
De telles questions ne sauraient plus être ignorées, la société ayant bien évolué. Outre l'égalité successorale et le cannabis, on devra donc bien libéraliser, entre autres, la consommation et la totale liberté du commerce d'alcool, mais aussi le sexe entre adultes consentants y compris homosexuel.
Car c'est de constipation en termes de sexualité que notre société est bien malade. Aussi, libérer le sexe, c'est décomplexer notre peuple qui, du fait des lois scélérates, vit sa vie clandestinement. Cela ne saurait durer, ou alors le retour du refoulé sera terrible !
Publié sur Réalités