Le Maroc fera-t-il de 2017 l’année de l’abolition de l’homophobie en islam?
En Tunisie, où la pression n'a cessé d'augmenter depuis la révolution, notamment pour le droit au sexe,1 la société civile appelle désormais à faire de 2017 l’année de l’abolition de l’homophobie, non seulement en Tunisie, mais aussi en islam.2
C’est qu’elle estime avoir apporté la preuve indubitable que l’islam n’a jamais été homophobe.3 Nombre de documents existent désormais, dont le plus récent est un livre académique consacré aux réalités de l’homosexualité au Maghreb : Être homosexuel au Maghreb, publié par l’Institut de Recherches sur le Maghreb Contemporain (IRMC) de Tunis en collaboration avec Karthala à Paris.4
Le Maroc à la traîne ?
Il est à noter que c’est au Maroc que deux ouvrages fondateurs en la matière ont été publiés.5 Fondateurs, car c’est pour la première fois qu’on y a osé dire la vérité historique niée ou reniée de l’absence d’homophobe en islam. Ce qui n’était pas évident puisque cela allait contre la doxa établie.
Une doxa tellement incrustée dans les esprits que même les militants anti-homophobie en terre d’islam se refusent encore à user de la seule arme susceptible d’abolir l’homophobie : réclamer sa disparition, non seulement au nom des droits civils, mais aussi et surtout au nom de l’islam. C’est la seule issue pour sortir de l'horreur homophobe.
Au Maroc, c’est d’autant mieux possible que les militants disposent d’un cas dont ils tardent encore à faire un emblème idéal de leur cause. Il s'agit du drame du jeune belgo-marocain Ihsane jarfi qui a été sauvagement assassiné pour cause de son islam, le jeune homme étant pieux musulman, mais aussi et surtout assumant sans honte son homosexualité.6
Or, un tel drame a suscité une véritable émotion aussi bien en Belgique, sa patrie d'adoption, et en Europe également, qu'au Maghreb et particulièrement au Maroc où la sympathie pour ce jeune musulman gay était sincère, dépassant les clivages modernistes/traditionalistes. D’ailleurs, le père de la victime était fier de son fils et n'a jamais manqué de vanter sa piété, lui rendant même un hommage appuyé dans un livre paru une année après le drame.7
Aussi, on ne peut que s’étonner que les militants ne se soient pas encore saisis à ce jour (le drame ayant eu lieu en avril 2012) de cette figure emblématique d’Ihsane Jarfi afin d'en faire une icône porteuse pour leur combat. Pourtant, on le leur a bien demandé et un appel a même été lancé pour l'adoption d'une loi portant son nom et abolissant l’article 489, base légale de l’homophobie au Maroc.8
Au reste, un livre rapportant un message spirituel du jeune Ihsane en faveur de l’abolition de l’homophobie vient d'être publié en Belgique se voulant un message spirituel pour l'abolition de l'homophobie en Islam.9 Les militants maghrébins, particulièrement au Maroc, se doivent d'en user comme d'un argument supplémentaire majeur en faveur de l’abolition de l’homophobie.
Un compte à rebours est lancé
De fait, les jours de l’homophobie en islam semblent comptés, du moins en Tunisie où le mouvement a été lancé et est annoncé comme devant aller crescendo pour fêter l'abolition au plus tard le 17 mai, journée mondiale de lutte contre l'homophobie.
Aussi, en début de cette année, une sorte de course contre la montre est en quelque sorte lancée : quel pays d’islam aura l’honneur d’être le premier abolitionniste de l’homophobie au nom des vraies valeurs de cette religion à la base tolérante et humaniste ? Quel pays aura l'honneur de faire passer l'islam de sa caricature actuelle à une lecture plus juste et donc du stéréotype à l'archétype?10
Pourquoi ne serait-ce pas le Maroc ? La qualité religieuse du roi ne justifie-t-elle pas que ce soit le royaume qui ose le premier rompre avec la fausse lecture de l'islam en la matière ? Le Maroc sera-t-il un tel pays, prompt à défendre l’islam horriblement caricaturé par ses intégristes qui ont réussi l'horrible forfait de rendre obscurantiste une foi des lumières ?
Un projet de loi est proposé en Tunisie à cette fin et il semble qu'il ait les plus fortes chances d’être voté si les associations le défendent bien dans les médias, réussissant ainsi à le faire entrer au parlement tunisien.
En effet, des indiscrétions diplomatiques assurent que le chef du parti islamiste se serait engagé auprès des Occidentaux, ses plus sûrs soutiens, de voter un tel projet de loi si les députés osent le proposer.11 Or, dix députés seulement suffisent pour une telle initiative législative.
Voici, au demeurant, adapté à la situation marocaine, le projet de loi proposé en Tunisie. Il est à noter que le projet tunisien porte le nom d’un jeune militant anti-homophobie de vingt ans qui, dans un acte de désespoir, a attenté par deux fois à sa vie pour protester contre la condition faite en Tunisie aux gays. Aussi, le projet marocain pourrait-il porter aussi le nom d’Ihsane Jarfi, véritable martyr de la cause.
Si la société civile au Maroc, s'unissant à celle de Tunisie, ose agir, elle finira bien par mettre fin à cette guerre inutile de l’homophobie12 au Maroc, et partant dans tout le Maghreb, une horreur qui violente inutilement ses valeurs et ses traditions.13
Assurément, cela finira aussi par s'étendre ailleurs dans le monde arabe où le sexe majoritaire est total, à savoir qu’il est plutôt bisexuel qu’hétérosexuel. De fait, il est surtout sensuel, la libido arabe étant une érosensualité. 14
PROJET DE LOI
Ihsane JARFI
Abolition de l'homophobie au Maroc
Attendu que l’homophobie est contraire aux droits de l'Homme et au vivre-ensemble paisible, à la base de la démocratie,
Attendu que l’orientation sexuelle relève de la vie privée que respectent et l’État de droit marocain et l’islam,
Attendu que l’article 489 du Code pénal viole la religion musulmane qui n’est pas homophobe étant respectueuse de la vie privée de ses fidèles qu’elle protège ;
La Chambre des Représentants décide :
Article unique
La vie privée étant respectée et protégée au Royaume du Maroc, l’article 489 est aboli.
NOTES :
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14